dimanche 10 octobre 2010

Défense d’Heshmatollah Tabarzadi 7 septembre 2010

Au nom de Dieu, créateur de vie et de sagesse

Depuis le 29 décembre 2010, j’ai été détenu illégalement pendant 8 mois et demi. D’après mes avocats, on ne sait pas d’où est venu l’ordre de m’arrêter.

Pendant les interrogatoires, j’ai été soumis à la contrainte et à la torture. Comme je le souligne dans ma lettre de plaidoirie, j’ai été informé illégalement des charges qui pesaient contre moi. Mon arrestation ainsi que mon lieu de détention étaient illégales. J’ai été placé à l’isolement pendant 40 jours à la section 40 de la prison d’Evine et j’ai passé deux mois à la section 209. J’ai également passé 24 jours à la prison de Katchouéï et je suis actuellement exilé à la prison de Rajaï Shahr depuis plus de trois mois.

Dans le même temps, mes deux avocats, Nasrine Sotoudeh et Mohammad Oliaïfar ont été arrêtés et emprisonnés. Mon autre avocat, Monsieur Mahmoudi a été détenu pendant 20 jours et une autre encore, Madame Guiti Pourfazel a été convoquée et intimidée. Le système judiciaire-sécuritaire m’a accusé de crimes divers et variés de façon globale, ambiguë et non fondée. L’appareil sécuritaire a demandé au juge de m’infliger la peine maximale et l’exil. La cour ne siège pas suivant l’article 168 de la constitution iranienne [Article 168 : les délits politiques et de presse seront jugés en public et en présence d’un jury par des cours de justice. La sélection du jury, ses pouvoirs et la définition des délits politiques seront déterminés par la loi suivant les critères islamiques]

Je ne peux donc pas reconnaître cette cour comme étant juste et équitable. Cette parodie de procès a lieu de par la volonté de l’appareil sécuritaire et au service du régime. Je me réserve bien sûr le droit de faire reconnaître mes droits par des cours de justice internationales impartiales et dépose plainte pour la façon dont la cour m’a jugé, dont l’appareil sécuritaire m’a traité et pour exiger des dommages et intérêts contre ceux qui ont initié et mis en œuvre la perte de mes droits.

Ce qui m’importe c’est que la loi et les procédures soient respectées. Quand les lois sont respectées, même si les désirs du représentant du ministère de l’information qui a requis la peine maximale, l’exil et la privation à vie de mes droits civiques sont réalisés, cela m’importe peu. C’est pourquoi je présente cette défense, la conscience légère et de mon plein gré en me souhaitant le droit à la liberté. Un jugement équitable pour moi, spécialement par le public, me suffit.

Il m’est nécessaire de présenter un rapport réaliste et objectif, bien que court, sur mon arrestation, ma détention et mon procès, pour montrer à quel point les procédures ont été suivies.

Au matin du 27 décembre 2009, quatre hommes prétendant appartenir au bureau du procureur ont pénétré à mon domicile sans mandat d’arrêt et présentant un ordre en blanc. Après avoir perquisitionné les lieux, ils m’emmenèrent ainsi que deux disques durs et quelques autres effets. Comme je ne pensais pas qu’ils agissaient légalement, je n’ai pas signé la liste des effets qu’ils emportaient. Je ne les ai suivis que par souci pour les membres de ma famille. En fait, si j’avais eu la possibilité de résister à cette action illégale et menée par la force, je ne les aurais pas autorisés à perquisitionner mon domicile ni à pénétrer ma vie privée ou à m’emmener. Je dois ajouter que l’ordre en blanc portait la signature du procureur en bas du document.

Ils m’emmenèrent à la section 209, me firent changer de vêtements, me bandèrent les yeux et me transférèrent à la section 240. Dès que je pénétrai dans la section, quelqu’un me demanda mon nom. Je répondis : « Je suis Tabarzadi » Il me posa une question à laquelle je répondis. Après quelques autres questions et réponses, il me menaça en disant : « On va te mettre un bâton dans le … On va te juger en membre communiste du parti Toudeh. ». J’avais les yeux bandés, je tenais une serviette de toilette, une brosse à dents et mes lunettes à la main. Parce que j’avais simplement dit : « Faites comme vous le voulez », il me donna un coup de poing sur le cou, me poussa et avec l’aide de quelqu’un d’autre me poussa dans ma cellule. Je suis resté dans cette cellule 40 jours, après quoi on me transféra dans une autre cellule où je suis resté 61 jours. Durant les 40 premiers jours, je fus interrogé à de nombreuses reprises, sous la menace, l’insulte et les humiliations. Durant les 15 ou 16 premiers jours, je n’avais jamais entendu de telles insultes ni subi de telles pressions lors de mes incarcérations et interrogatoires précédents. Ils détournaient les interrogatoires de la voie normale et légale, ce qui me rendait entêté plutôt qu’intimidé et je ne reconnais donc pas du tout la légalité de ces interrogatoires. De plus, je ne les ai pas cru, et ne les crois toujours pas, quand ils ont prétendu avoir trouvé des documents dans mes ordinateurs, ou sur mes blogs ou écrits de ma main. Et cela parce que je n’ai pas eu la possibilité de comparer leurs allégations avec mes écrits.

De plus, tous les interrogatoires étaient détournés et s’intéressaient à des sphères qui n’avaient rien à voir avec les accusations qu’ils auraient du me communiquer. Ils ont tenté de me contraindre par des menaces répétées, des intimidations et des insultes de céder à leurs demandes illégales de faux aveux, par exemple avouer que j’aurais reçu de l’argent de l’étranger pour mes interviews ou mes activités légales.

Il est encore plus triste de savoir comment on m’a communiqué les charges pesant contre moi et le mandat d’amener me concernant. Ils m’ont arrêté, détenu et interrogé pendant trois jours et le 31 décembre 2009, ils m’ont emmené ainsi que plusieurs autres détenus, les yeux bandés et de la manière la plus insultante, de la section 240, au rez-de-chaussée de la section 209. Ils nous ont fait asseoir sur le sol, face au mur sans nous permettre de retirer le bandeau et m’ont remis le mandat d’amener et une autre feuille de papier supposée contenir les accusations me concernant. Toutes les personnes arrêtées lors de l’Ashoura [27 décembre 2009] ont reçu une photocopie contenant des accusations générales. M’informer ainsi me fit penser à l’armée ! L’ordre de détention temporaire me concernant n’a jamais été prorogé. Je suis resté en prison durant les six derniers mois, ayant été informé des charges qui pesaient contre moi et du mandat d’amener de la façon que je viens de relater et j’ignore ce que disaient ces papiers. On m’a changé cinq fois de cellule. J’ai été à l’isolement à la section 240 pendant 40 jours, environ deux mois à la section 209, un mois à la section 350, 25 jours à la prison de Katchouéï et cela fait maintenant plus d’un mois que j’ai été transféré à la prison de Rajaï Shahr. Vous jugerez vous-mêmes de cette méthode de détention.

Le point suivant concerne la cour. Suivant l’article 168 de la constitution iranienne, les crimes politiques doivent être jugés en public, en présence d’un avocat de la défense et d’un jury. Le jury doit être composé de professionnels reconnus et de l’élite de la société et on lui demande d’exprimer un jugement équitable sur les chefs d’accusation. Le procès doit être public pour que la presse libre puisse publier les procédures judiciaires pour en informer le public. Voilà les conditions nécessaires pour qu’une décision du tribunal et une défense de l’accusé aient un sens. Au fait, le procès se tient maintenant, le procès est basé sur les chefs d’accusation préparés par le substitut du procureur et le juge a été nommé par le régime. Le juge peut bien essayer d’être indépendant, il ne réussira pas à sortir du cadre des intérêts du régime et des politiques sécuritaires. Le procès se tient en l’absence de représentants de l’opinion publique et de jury. Les décisions prises par cette cour sont par avance réputées illégales puisque la cour n’est pas qualifiée pour traiter les chefs d’accusation mentionnés.

J’en appelle à l’opinion publique, aux êtres humains éduqués et impartiaux pour juger de la façon dont les lois et les procédures judiciaires ont été observées lors de mon arrestation, de ma détention, de mes interrogatoires, de mon procès et de ma condamnation. J’espère que ce jugement trouvera sa place dans l’histoire de notre époque pour montrer comment j’ai du supporter la situation actuelle, alors que mes meilleurs atouts, ma vie, étaient hors de mon contrôle. Si l’on se concentrait sur le fait que la vie de chacun est son atout le plus précieux, on ferait plus attention en condamnant à la prison ou en ordonnant illégalement de la détention. Je n’ai escroqué personne, je n’ai opprimé personne et je n’ai pas trahi mon pays, ma nation ni ses intérêts ou sa sécurité. Pourquoi dois-je subir une détention illégale et être privé de l’application des lois ? N’y a-t-il personne, aucune organisation en Iran pour en répondre, ou alors comment devrais-je poursuivre cette injustice ailleurs que par des organisations internationales ?

Heshmatollah Tabarzadi, prisonnier

Karadj, Gohardasht, prison de Rajaï Shahr

Source : http://www.iranhumanrights.org/2010/10/tabarzadi-defense/



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