samedi 30 octobre 2010

La république islamique avant et après les élections de 2009 - 21 Octobre 2010 - Roozbeh Mirebrahimi-

Il y a des années, lorsque je rencontrais ma famille, mes amis et mes relations, ils me posaient toujours des questions sur les problèmes actuels, parce que j’étais journaliste. La plupart d’entre eux menaient une vie normale et ne montraient que peu d’intérêt pour les problèmes politiques avec leurs hauts et leurs bas. 
Mais en tant que journaliste, je m’y intéressais. C’est pourquoi j’étais considéré comme bien informé sur ce qui se passait, même dans les coulisses. Et à chaque fois que nous nous rencontrions, les questions fusaient de toutes parts.

Mais la question la plus fondamentale que tous me posaient était : « Qui dirige le pays ? » et « Qui est responsable, qui indique les orientations et quelle administration est responsable ? »

Tout le monde voulait savoir comment marchaient les différentes agences gouvernementales et les groupes politiques et où qui tenaient les rênes, ouvertement ou en secret. La plupart des gens n’étaient pas vraiment intéressés et disaient : « Tous les mêmes » ou restaient à l’écart. Et la situation est la même de nos jours, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’Iran.

De qui m’intéressait c’était qu’à l’extérieur de l’Iran et même parmi les étrangers, ces mêmes questions étaient importantes et sont restées sans réponse. Chaque fois que je rencontrais quelqu’un, la première question était invariablement : « Qui détient réellement le pouvoir dans la république islamique ? »

Si la réponse avait été aussi simple, on n’aurait pas tant parlé de la république islamique. L’association de ces deux mots islamique et république indique par elle-même une complexité qui va croissante à mesure que le temps passe.

Je vais tenter d’expliquer la structure du pouvoir dans la république islamique de mon point de vue. Mais c’est un vaste sujet et je me limiterai aux changements intervenus dans les structures du pouvoir et en politique depuis les élections présidentielles controversées et contestées de 2009.

Je pense que l’histoire de la république islamique d’Iran est soulignée par les différences entre ce qu’elle était avant 2009 et ce qu’elle est maintenant, c’est-à-dire après les élections de juin 2009. Avant les élections, la structure ressemblait à cela :

Le guide du régime islamique chapeautait toutes les institutions ; le conseil des gardiens, le Parlement, le gouvernement, la justice, l’assemblée des experts sur la direction, l’armée et les forces de sécurité, le conseil d’expédience, le réseau national de radiotélévision et les fondations et institutions économiques.

Telle est la liste des institutions les plus importantes exerçant le pouvoir et l’autorité dans la république islamique. Et tandis que toutes ces institutions opèrent sous la direction du guide, certaines sont en fait composées d’élus offrant la possibilité à quelques critiques de pénétrer la machine étatique.

Et pourtant, la structure était organisée de façon à ce que l’autorité ultime réside dans les mains du guide.
Durant la période réformiste (sous la présidence de Mohammad Khatami 1997-2005), la lutte pour le pouvoir a montré la flexibilité que possède la machine de l’état. Avant les élections de 2009, le guide de l’état islamique s’efforçait de se présenter comme au-dessus des luttes des factions et neutre dans ces conflits. Il évitait d’entrer dans l’arène aux côtés d’un des prétendants. Il n’y arrivait pas toujours, bien sûr et il lui arrivait d’intervenir en faveur d’un groupe ou d’une personne. De temps en temps, il distribuait aussi des faveurs aux deux factions en présences. Il a par exemple ordonné l’élimination de la loi de la presse présentée par les modérés durant la sixième législature. Peu de temps après, il a mis son veto à l’annulation des élections municipales votée par le conseil des gardiens pour la ville de Téhéran dans laquelle les réformistes étaient majoritaires. Le guide a ordonné de revoir la liste des candidats à la septième législature qui avait été disqualifiée par le conseil des gardiens (même si le conseil des gardiens n’en a pas tenu compte). Une autre fois, il a ordonné au Majlis d’arrêter la procédure de disqualification des ministres du cabinet de Mohammad Khatami qui avaient démissionné en masse.  Enfin, lors des neuvièmes élections présidentielles, alors que le conseil des gardiens avait refusé la candidature d’un candidat (Mostafa Moïn), il est intervenu pour annuler cette décision et Mostafa Moïn a pu présenter sa candidature.

De mon point de vue, toutes ces mesures ont été prises pour faire croire à la neutralité du guide ; en fait ces ordres n’ont pas été suivis d’effets à la base.

Avant les élections, quelques institutions comme la justice ou le parlement ont essayé, comme le guide de montrer une certaine indépendance. Par exemple, bien que le pouvoir eut tenté d’influencer le résultat de certains procès, le résultat, quel qu’il fut, était basé sur la loi et les procédures légales étaient observées. Avant les élections, on a vu clairement et souvent l’influence du politique sur la justice, mais tout était fait pour que cela semble légal. Les coûts politiques et internationaux étaient pris en compte et calculés avant toute intervention.

Même si l’influence du Majlis a vu sa portée limitée par rapport à l’époque réformiste, son rôle de corps législatif n’a jamais été contesté ni minimisé. Des différences existaient bien dans les qualifications et les procédures électorales, mais elles ne mettaient pas en jeu l’autorité ou le pouvoir du Majlis.

Avant les élections de 2009, les forces armées et les forces de sécurité, particulièrement les gardes révolutionnaires (IRGC) s’efforçaient de rester en retrait. Bien qu’elles aient accru leurs activités et relations économiques ces dernières années, elles ne sont jamais intervenues officiellement et n’ont jamais pris le pouvoir. Les forces paramilitaires ont essayé, des années avant qu’elles n’empiètent sur le processus électoral, de prendre le contrôle ; des gens comme Hashémi Rafsandjani, Mehdi Karroubi et Seyyed Hassan Khomeiny ont dénoncé ce fait ; elles ont, en retour, totalement nié avoir essayé.

Le conseil d’expédience nationale qui a joué un rôle plus important sous la présidence de Mohammad Khatami, a perdu de son impact sous celle d’Ahmadinedjad. Cette institution a été présidée par Hashémi Rafsandjani depuis sa création. L’ayatollah Khomeiny l’a utilisée pour ses propres intérêts. Durant les années Khatami, d’autres organisations parallèles furent créées et à l’arrivée au pouvoir d’Ahmadinedjad, elle a été réduite à un rôle protocolaire.

L’assemblée des experts elle aussi s’est changée en institution protocolaire de la république islamique alors que, légalement, c’est l’institution la plus puissante, à même de contrôler et diriger tout le système.

Donc, avant les élections de 2009, il y avait place dans la république islamique pour la critique et les réformateurs ont pu jouer un rôle critique dans le système politique, même si la portée en était limitée.

Après les élections de 2009, la république islamique a radicalement changé. Le rôle des institutions politiques en a été affecté.

Pour faire bref, la république islamique a tombé le masque et est donc devenue plus transparente dans le sens où l’on voit quels sont les intentions et les rôles réels. Cette transparence a amené plus de coloration politique de droite.
L’IRGC, qui était une organisation militaire, s’est maintenant muée en un cartel économique puissant et a étendu ses activités dans les sphères politiques de la république islamique. Les plus grands groupements économiques tombent peu à peu sous le contrôle de l’IRGC.

En ce qui concerne le Majlis, non seulement il a été vidé de tout représentant réel du peuple, mais c’est sa raison d’être elle-même qui est mise en question. Après les élections, ses deux fonctions principales, voter les lois et surveiller la direction du pays ont été mises de côté par les agissements directs ou indirects du guide ou d’une des organisations qui lui sont subordonnées.

Le conseil d’expédience nationale, qui était le bras droit du guide, l’agace désormais et ses pouvoirs lui ont donc été retirés. Il ne joue plus aucun rôle dans la structure actuelle du pouvoir.

Dans un but utilitaire, la justice est devenue un outil dans les mains de l’IRGC. Toute tentative de la présenter comme indépendante a été abandonnée. Les chambres et les tribunaux de tout le pays n’ont plus aucun scrupule à se présenter comme de simples outils des gardes.

L’assemblée des experts de la gouvernance continue à être une organisation protocolaire. Même si certains membres ont exprimé quelques critiques, elle ne joue plus aucun rôle dans la structure actuelle du pouvoir.
Le nombre de ceux avec lesquels il faut compter a diminué depuis les élections présidentielles de 2009. Le guide a maintenant pris fait et cause pour l’un des partis dans la bataille en cours. L’IRGC est maintenant le bras armé du guide pour gouverner le pays. Cette structure monolithique sera le facteur qui diminuera la durée de vie de la république islamique.

Il est donc maintenant plus facile de répondre à cette question récurrente. Quand une structure politique devient si hiérarchisée et qu’elle ne comporte plus qu’une seule faction, il est plus facile d’appréhender son mode de fonctionnement. 

Je vois cette transformation en monolithe comme un indice du pouvoir du mouvement vert iranien. Pour apporter un changement notable à la demande du peuple de jouir de ses droits, il fallait perturber la superstructure politique existante. Depuis les élections, l’équilibre est rompu. Aujourd’hui, plus aucune décision ne peut être prise dans le pays sans prendre en considération le mouvement vert, que ce soit à l’international ou au jour le jour.

Sources: http://www.roozonline.com/english/opinion/opinion-article/article/2010/october/21//the-islamic-republic-before-and-after-the-2009-elections.html

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire