dimanche 10 octobre 2010

Le chapeau de Mr Khamenei - Nooshabeh Amiri - 23 septembre 2010

Les images de la réunion entre les « dirigeants du régime » et Mr. Khamenei le jour de l’Eid-el-Fetr à Téhéran portent toutes les caractéristiques d’une dictature, et elles montrent le destin amer des despotes ; c’est l’histoire du chapeau de Clementis dans l’œuvre de l’écrivain Tchèque Milan Kundera Le Livre du Rire et de l’Oubli qui, en décryptant une image, décrit ce qui se passe dans les dictatures et ce qu’il advient des despotes ; c’est l’histoire des prédécesseurs de Khamenei. Dommage que lui aussi ait suivi le chemin de ceux qui pensent et agissent comme lui, et qu’il n’ait pas compris que l’on doit tirer des leçons de l’histoire.

L’histoire du chapeau de Clementis parle de la façon dont les individus sont éliminés dans une dictature. A l’époque de l’établissement du régime iranien, les photos montrent le guide au premier plan et tous ces assistants autour. Les assistants semblent être en harmonie, en pensée et en paroles.

Cependant, au fil du temps, les assistants disparaissent du cliché. Chaque année, une nouvelle personne disparaît du régime et est éliminée de la photo souvenir. A la fin, il n’en reste qu’un, Clémentis, le guide.

Mais le tour de Clementis arrive aussi. Lui aussi est éliminé de la photo. Le seul problème, c’est que Clementis a mis son chapeau sur la tête du dictateur ; il est donc impossible d’éliminer le chapeau. Si l’on élimine le chapeau, il faut aussi éliminer la tête du dictateur. Alors le chapeau reste et la photo souvenir me montre plus que le dictateur et le chapeau, signe des beaux jours passés.

L’histoire de la photo retouchée remonte aux premières années de la révolution de 1979. A chaque fois que je regardais la vidéo de l’arrivée de Mr. Khomeiny à l’aéroport Mehrabad de Téhéran, je remarquais que l’un de ses collègues manquait sur la vidéo et cela a continué jusqu’à ce que la dernière version ne montre plus que le fondateur de la république islamique et le pilote français qui l’avait ramené. Sur l’image, il semblerait que Mr. Khomeiny soit arrivé en Iran tout seul et que son seul compagnon de route ait été un étranger impossible à éliminer.

De nos jours, les mêmes qui ratatinaient les vidéos de l’arrivée de Mr. Khomeiny à sa seule image et à celle du pilote, s’assurent que tous les individus, évènements et rapports historiques soient occultés à la vue du public afin qu’il ne reste plus qu’Ali et son chapeau. Regardons la photo de plus près :

La photo démontre la solitude totale des dictateurs. Il est entouré des chefs des trois branches du gouvernement et chacun a une apparence différente. Les visages semblent ennuyés et les regards sont pleins de colère. Le chef du pouvoir législatif, Ali Larijani, ne supporte pas de voir le chef du pouvoir exécutif. Sadegh Larijani ne fait pas montre de la confiance qui siérait à un chef du pouvoir judiciaire. Le responsable de l’exécutif, Ahmadinejad est l’image parfaite du dictateur anxieux. C’est un régime dont les cercles intérieurs vont en se rétractant rapidement.

Le fossé qui sépare cette photo des images des premières réunions enthousiastes des chefs des trois pouvoirs du gouvernement, lors des premières années de la révolution, est saisissant. C’est la transition entre un groupe d’alliés unis par des principes à un groupe de mini-politiciens. Cette photo montre la réalité d’un régime qui se rétracte au point qu’aujourd’hui, plus personne ne vient sur le devant de la scène, une scène où les individus à la périphérie singent le rôle des acteurs principaux et en plus le font mal.

C’est une image à laquelle l’éclat des photos de la première période de la révolution manque. Sur cette photo, même Khomeiny, le fondateur du régime, est réduit à une petite photo dans un coin du cadre, simplement pour répondre à une exigence.

 
Cette photo sans vie irradie la misère; c'est un rappel choquant de la différence existant entre nos rêves et ce qu’il en est advenu. Et pourtant, nous souhaitons que Mr. Khamenei, qui a gâché toutes les occasions, se retire et regarde cette photo pour qu’il comprenne ce que voulait dire le poète quand il disait : Oui, même Ali est seul désormais, sans personne derrière lui.



nooshabehamiri(at)yahoo.com

Source: http://www.roozonline.com/english/opinion/opinion-article/article/2010/september/23//the-cap-of-mr-khamenei.html

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