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mardi 6 janvier 2015

Déclaration des prisonnières politiques de la prison d’Evine sur l’exil de Hakimeh Shokri



Un groupe de prisonnières politiques a signé une lettre ouverte pour se plaindre de l’exil illegal d’Hakimeh Shokri à la prison de Ghartchak et a demandé aux autorités d’y répondre.

Hakimeh Shokri est une prisonnière du mouvement vert et membre des mères en deuil du parc Laleh. Elle a été transférée à la prison de Ghartchak le 15 décembre. 

Elle s’attendait à une libération conditionnelle, n’ayant plus que sept mois à faire sur sa peine de trois ans. Sous prétexte d’une convocation auprès du procureur d’Evine, elle a été emmenée sans même pouvoir prendre ses quelques effets personnels.

La situation de la prison de Ghartchak à Varamine est connue de tous ; y détenir ne serait-ce que des criminels est un problème. Les conditions inhumaines de la section des femmes ont été dénoncées à de multiples reprises mais presque rien n’a été fait.

De plus, Hakimeh Shokri, prisonnière du mouvement vert, a été transférée à la prison de Ghartchak à Varamine sans préavis. De notre point de vue, ce transfert est un « exil » et elle est contrainte de purger le reste de sa peine dans cette situation horrible.

Comme d’habitude, les autorités de la prison donnent les mêmes excuses pour l’exil de douzaines de nos amies de la section 350 d’Evine pendant ces 5 ans.

Incarcérer les prisonniers politiques dans de telles conditions qui ne seraient même pas autorisées pour des prisonniers de droit commun est impardonnable.

D’un autre point de vue, l’exil est contraire aux droits d’Hakimeh Shokri ; c’est une double peine à l’encontre d’une personne emprisonnée pour avoir soutenu le mouvement vert.

Nous protestons contre cet exil soudain, irraisonnable et injustifié et demandons aux autorités judiciaires le retour ou la libération de cette prisonnière politique.

  • Bahareh Hedayat, 
  • Sadjedeh Arab-Sorkhi, 
  • Maryam Shafipour, 
  • Farideh Shahgouli, 
  • Fariba Kamal-Abadi, 
  • Farane Hessami, 
  • Nassim Bagheri, 
  • Noushine Khadem, 
  • Shahine Mohadjer, 
  • Maryam Naghash-Zargaran, 
  • Ellahe Barmaki, 
  • Sedigheh Moradi, 
  • Maryam Akbari-Monfared

Source : https://hra-news.org/en/statements/statement-women-political-prisoners-evin-prison-hakime-shokris-exile


vendredi 2 janvier 2015

J’ai grandi loin de ma mère, dans les salles de visite de la prison – Fereshteh Ghazi


Elle avait 13 ans quand ma mère a été emprisonnée ; pendant plus de cinq ans, elle n’a vu sa mère que dans les salles de visite des prisons d’Evine, Radjaï Shahr et Ghartchak de Varamine. Elle a maintenant 18 ans ; quand sa mère aura purgé ses 20 ans de prison, ce sera une femme de 33 ans. Taraneh Taefi est la fille de Fariba Kamalabadi, l’une des sept Yaran, comité de direction des bahaïs d’Iran, condamnés à 20 ans de prison.

Quand sa mère a été arrêtée, le 14 mai 2008, elle avait 13 et était en terminale. C’est maintenant une jeune femme de 18 ans qui n’a pas le droit d’étudier à l’université ; elle me parle de sa mère, de ses droits de prisonnière de conscience, privée de sa présence depuis cinq ans et demi et pour encore 15 ans. Elle me parle de l’éventualité que sa mère ne rentre jamais, des salles de visite, de privations, de déceptions, et pourtant, elle garde espoir.

« Quand j’essayais de te préparer à mon arrestation en 2008, je t’ai demandé si tu serais bouleversée si j’étais arrêtée. Tu as répondu : ‘J’étais très jeune quand tu as été arrêtée en 2005 et je ne comprenais pas ce qui t’arrivait, alors tu me manquais, tout simplement. Mais cette fois-ci, tu me manqueras et je serai désolée pour toi’ ». Voici un extrait de la lettre de Taraneh Taefi à sa mère à la prison d’Evine.

J’étais très jeune quand ma mère a été arrêtée pour la première fois ; je n’ai pas compris qu’elle était dans une situation très difficile. La plupart du temps, j’étais triste parce que ma maman n’était pas là et qu’elle me manquait. Je n’ai pas compris qu’elle était à l’isolement, qu’elle subissait des interrogatoires musclés, qu’elle avait des soucis et était complètement isolée du monde extérieur. Cependant, en grandissant, j’ai pensé à toutes ces choses en plus du manque que je ressentais. Je me souviens que la deuxième fois qu’elle a été arrêtée, elle se rendait à Mashhad. Nous ne savions pas exactement comment et où elle avait été arrêtée. Pendant presqu’un mois, nous ne savions même pas où elle était. J’étais bien sûr très jeune à l’époque et je ne m’occupais pas de connaître sa situation ou comment elle avait été arrêtée, etc. En grandissant, j’étais à la fois triste et inquiète, et s’est pourquoi j’ai dit que j’étais désolée pour elle ; je venais de comprendre que non seulement elle me manquait, mais que j’étais aussi inquiète de sa situation et de la façon dont elle était traitée en prison.

J’avais dix ans quand ma mère a été emprisonnée pour la première fois. Bien sûr, la peine était beaucoup plus courte, une fois un mois et l’autre deux mois. J’avais 13 ans quand elle a été arrêtée pour la troisième fois. Naturellement, un membre de la famille n’était plus parmi nous et nous étions inquiets de savoir combien cela durerait. Au début, j’avais très peur qu’elle ne revienne jamais. J’étais bien sûr, alors au début de mon adolescence et c’était très difficile pour moi. Après un temps, nous nous sommes habitués, même si elle nous manquait souvent et que je ressentais son absence.

Que voulez-vous dire quand vous dites : « J’avais peur qu’elle ne revienne jamais » ? Aviez-vous peur qu’on ne la condamne à mort pour des accusations graves ?
Oui. Je me souviens du jour où le verdict a été énoncé, je m’en souviens très bien. Mon père m’a dit qu’elle avait pris une peine de prison de 20 ans. J’ai pensé qu’il plaisantait ! Même si j’avais envisagé des verdicts très lourds, je n’arrivais pas à le croire. En mon for intérieur, je n’avais jamais cru qu’elle serait condamnée à une si longue peine. 20, c’est trop long, c’est une vie ! Cette peine a commencé quand j’avais 13 ans et elle se terminera quand j’aurai 33 ans ! Cependant, malgré de graves difficultés, on finit par s’habituer. Je préfère ne pas avoir trop d’espoir d’une libération anticipée ou d’un quelconque changement dans les 15 ans qui restent parce que tout le réconfort que les espoirs des autres m’ont apporté s’est révélé faux. Je me sentirai beaucoup mieux si j’arrive à accepter de ne pas l’avoir avec moi pour15 autres années. Plutôt qu’espérer et ne pas voir la réalisation de cet espoir, je préfère être surprise par sa libération anticipée.

Comment se passent les visites avec votre mère ?
Les enfants de prisonniers ont le droit de voir leurs parents une fois par semaine en visite face-à-face. Mais comme je suis plus âgée, je n’y ai droit qu’une fois tous les 15 jours. Ce qui veut dire qu’une semaine nous avons droit à une visite face-à-face et l’autre dans une cabine de visite, séparés par une vitre. Il y a des chaises dans la salle de visite. Il y avait bien sûr plus de monde ces dernières années et il n’y avait pas assez de sièges pour tout le monde, mais maintenant, il y a moins de monde. Normalement, il y a beaucoup d’enfants qui jouent. Nous attendons dans cette salle puis montons à l’étage pour la visite à l’appel de nos noms. Un des enfants que je vois toujours ici est le fils de Farine Hessami, Artine : sa mère est à Evine et son père à Radjaï Shahr. Les enfants s’arrêtent de jouer et se précipitent pour voir leurs mères à l’appel de leurs noms. Vers la fin de la visite, nous essayons de parle très vite, nous avons beaucoup de choses à nous dire, et nous baissons la tête pour un dernier regard à nos êtres chers tandis que les stores de la cabine s’abaissent. Il y a une  cabine sans stores. Quand les prisonniers et leurs visiteurs sont présents, nous parlons avec les mains, en utilisant la pantomime. Quand la visite s’achève, nous partons et n’avons plus de nouvelles jusqu’à la semaine suivante. Quand ma maman était à la prison de, Radjaï Shahr, malgré les mauvaises conditions sanitaires et le type de prisonnières avec lesquelles elle séjournait, elle pouvait appeler au téléphone tous les jours, ce qui nous rendait très heureux car nous pouvions parler de tout au téléphone. Mais maintenant, nous n’avons aucune nouvelles d’elle entre les visites parce que les prisonnières n’ont pas le droit d’utiliser le téléphone, ce qui nous ennuie et nous inquiète beaucoup. Les visites face-à-face se tiennent dans une grande salle meublée de plusieurs tables entourées de chaises. Chaque famille s’assied à une table et parle avec son prisonnier. Nous ne pouvons rien apporter en prison, mais quelquefois, les prisonniers apportent de la nourriture et nous déjeunons ensemble. Je suis très heureuse lors des visites en face-à-face parce que je peux embrasser ma maman, m’asseoir près d’elle, manger et parler avec elle. Les conditions sont bien meilleures durant ces visites.

Et votre maman n’a encore eu aucune libération provisoire ?
Absolument aucune. Certains disent que si un prisonnier a pur gé un sixième de sa peine il doit pouvoir bénéficier d’une liberté provisoire. D’autres disent que c’est après le tiers de la peine. Je ne sais pas si l’une des deux options est vraie. Chaque fois que nous avons demandé une permission, ils n’ont pas suivi les règles et ont répondu : « vous faites partie du ‘groupe des sept’ et nous n’avons pas l’intention de vous donner de permission. Nous le ferons quand nous penserons qu’il le faut et vos demandes répétées ne servent à rien. »

Donc, pas de permission, pas d’appels téléphoniques et vous n’avez que les visites hebdomadaires. Comment préservez-vous vos relations avec votre mère ?
Nous nous parlons beaucoup. J’envie cependant les autres enfants qui peuvent parler avec leur mère, j’en suis privée. Pendant la semaine, je pense à beaucoup de choses que je veux lui dire, mais quand je vais la voir et que la visite se termine, je me souviens de tout ce que j’ai oublié de lui dire et je ne suis jamais sûre de pouvoir les lui dire la semaine suivante. C’est très difficile mais nous tentons de faire face. Il y a tant de choses que je n’ai jamais dites à personne. Quelquefois, quand je suis à la maison et qu’on sonne à la porte, mon cœur tressaute en pensant, est-ce qu’on aurait libéré maman ou on lui aurait donné une permission ? Et quelquefois, quand je rentre, j’ai l’impression que ma maman sera là quand j’arriverai. Et bien sûr, elle n’est pas là. Alors, les problèmes existent mais je n’ai pas perdu tout espoir. J’ai ces images à l’esprit. J’ai un grand frère et une grande sœur. Tous les deux sont mariés et mon frère avait quitté l’Iran avant l’arrestation de ma mère. Cette distance les a empêchés d’avoir un contact quelconque avec elle puisqu’elle n’a pas le droit d’utiliser le téléphone. Avant, elle avait le droit d’appeler une fois par mois, mais ce droit a été révoqué il y a un an. Ma sœur a eu un bébé il y a quelques jours, mais on n’a pas laissé ma mère appeler pour lui parler. Il nous a même été difficile de l’avertir de l’arrivée du bébé.
La militante étudiante Baharej Hedayat, emprisonnée à Evine depuis presque cinq ans, a parlé de Fariba Kamalabadi dans une lettre à son époux Amin Ahmadian : « Je n’oublierai jamais la première fois que Fariba a décidé d’emporter une chope de thé lors d’une visite face-à-face avec sa fille Taraneh. J’ai remarqué qu’elle a commencé par mettre du sucre dans la chope, a réfléchi, retiré le morceau de sucre pour le remplacer par du chocolat, a de nouveau réfléchi et l’a remplacé par une date. Je lui ai demandé ce qu’elle faisait. Elle m’a dit : « Je ne me souviens plus si Taraneh prend son thé avec du sucre ou avec autre chose… » Elle a fini par emmener les trois ! Je ne m’en suis pas souciée tant qu’elle était ici, mais après, je ne pouvais m’empêcher de pleurer… Imaginez, cette fille avait 12 ans quand on lui a retiré sa mère, elle en a maintenant 17… Fariba est une mère mais elle a oublié tous les détails de sa maternité. On les lui a retirés de l’esprit par cruauté et injustice. »
Taraneh Taefi dit : «  Je me souviens avoir beaucoup pleuré quand je l’ai lu, parce que je me souvenais pendant cette visite particulière, elle avait oublié d’apporter le thé. Elle avait apporté les trois éléments et dit qu’elle ne s’en souvenait plus. Cela m’a attristé alors mais pas ému. Quand j’ai lu la lettre de Bahareh, je suis devenue très triste et j’ai pleuré. Beaucoup de gens pensent qu’être en prison signifie juste être privée de sa vie quotidienne et enfermée dans une cellule. Mais il y a beaucoup d’autres privations que la plupart des gens ignorent. Beaucoup de regrets et de déceptions sont enterrés entre ces murs ! Par exemple, quand son premier petit-enfant est venu au monde, ma mère ne le savait pas, elle n’a pas pu le voir et n’a même pas pu appeler pour savoir s’il était né. Ces choses peuvent sembler simples, mais elles ont vraiment blessantes, à la fois pour ma maman et pour nous. Je pense  cependant qu’il faut prêter plus d’attention aux prisonniers qu’à leurs familles. Nous avons perdu une personne, mais elles ont perdu toute la société. En dépit des difficultés et des privations, nous faisons partie de la société mais nos prisonniers sont entourés de murs et loin de la société. Ils ont tout laissé derrière les murs. Bien sûr, d’une certaine façon les prisons sont devenues pour eux des universités. Beaucoup de prisonniers lisent ensemble. Ma maman lit et tricote. Elle dit toujours : « J’ai tricoté quelque chose pour toi ou pour tout autre membre de la famille » c’est ainsi qu’elle garde le contact avec sa famille et ses relations. Nous voyons lors des visites et nous entendons aussi de celles qui ont été dans la même section qu’elle a bon moral. Ce n’est pas comme si elle avait perdu espoir ou si elle s’attristait après cinq ans et demi d’emprisonnement. Elle vit une vie normale et est en bonne santé psychologique. De temps en temps, elle est malade, mais elle n’a pas de problème pour l’instant.

Dans une lettre à son petit enfant qui vient de naître, Fariba Kamalabadi écrit : « Nous sommes sept membres d’un groupe nommé ‘Yaran-e-Iran’ ; nous nous occupions des affaires de la communauté bahaïe d’Iran. Nous nous occupions de leurs problèmes personnels suivant les enseignements de la foi bahaïe et les protégions des nombreuses brutalités qu’on leur infligeait. S’ils étaient licenciés et n’avaient plus les moyens de vivre, nous leur enseignions, avec l’aide d’autres bahaïs, une profession et de moyens de gagner sa vie. S’ils étaient malades et ne pouvaient s’offrir un traitement, nous les aidions avec l’aide de médecins bahaïs. Nous aidions à l’instruction et à l’éducation morale des enfants et jeunes bahaïs à l’aide de professeurs d’université bahaïs renvoyés de leurs postes, nous permettions à des milliers de bahaïs dont tes parents, d’avoir une éducation supérieure au domicile de bahaïs, etc.. Tous les efforts de ce groupe visaient à contrecarrer les activités concentrées sur le ‘génocide intellectuel’ des jeunes bahaïs par des mesures constructives. Et ces actions été menées de telle façon qu’aujourd’hui il n’y a ni haine ni animosité envers le gouvernement, l’islam ou le gouvernement islamique dans le cœur d’un seul bahaï ; les bahaïs révèrent l’Iran, sanctifie l’islam comme une sainte religion ; ils désirent en leur cœur servir l’Iran et le peuple iranien, même si quelques jeunes bahaïs ont été condamnés à beaucoup d’années de prison, surtout parce qu’ils s’occupaient d’enfants dans des quartiers défavorisés. »

Sa fille dit : « Ma mère et six autres personnes, qui ont toutes été condamnées à 20 ans de prison comme elle, étaient membres d’un comité qui s’occupait des affaires de la communauté bahaïe d’Iran. Ce qui voulait dire s’occuper d’organiser des enterrements, des mariages suivant les rites bahaïs ou d’autres problèmes similaires. Comme le comité était en relation avec tous les bahaïs d’Iran, je crois que le gouvernement voulait, à tout prix, arrêter ces soi-disant dirigeants bahaïs pour effrayer les autres. Bien sûr, ma maman dit que ça ne va pas durer aussi longtemps, mais ce sont les conditions actuelles, je les ai acceptées et je m’y suis habituée. Pour éviter toute déception, je ne nourris aucun faux espoir. Supporter ces 20 ans m’est rendu plus facile parce que je sais qu’il y a une fois et des convictions solides derrière. J’accepte beaucoup d’autres difficultés à cause de cette croyance. Toute la situation devient plus tolérable.

Taraneh Taefi a aussi été privée d’éducation supérieure. 
Quand j’ai passé le concours national d’entrée à l’université, j’ai reçu mon classement et j’ai choisi ma discipline et, au lieu de recevoir le nom de l’université à laquelle j’ai été admise, j’ai reçu un message qui disait « dossier incomplet ». Depuis le début de la révolution culturelle, aucun bahaï n’a été admis à l’université : sur le formulaire d’inscription, il faut choisir une religion sur une liste, la foi bahaïe ne fait pas partie de cette liste. Cela a duré jusqu’en 2003-2004. Cette année-là, on a retiré les noms des religions des formulaires et les candidats écrivaient eux-mêmes leur religion puis passaient l’examen. Cependant, quand ils recevaient les cartes pour passer le concours, sous la rubrique religion, il était inscrit islam. Quand les étudiants bahaïs contactaient les autorités, elles leur disaient : «  Ceci se rapporte aux examens religieux que vous allez passer. » Alors, nous l’avons accepté. Mais après l’examen, ils nous ont de nouveau interdit d’entrer à l’université. Ils renvoyaient les étudiants à différents stages, certains quand ils recevaient leurs cartes d’étudiants, d’autres quand ils choisissaient leur disciplines ou pendant l’inscription. Certains étudiants suivaient huit mois de cours et étaient renvoyés juste avant l’examen. Telle était la situation. L’élection de Monsieur Rouhani a suscité de grands espoirs pour une meilleure situation. Mais dans les faits, tout a empiré. Les années précédentes, ils n’éliminaient pas tant d’étudiants dès le début. Mais cette année, ils ont envoyé un message de « dossier sérieusement incomplet » à 80 à 90% des étudiants bahaïs après qu’ils aient choisi leurs disciplines. Et ce, bien que tout le processus de candidature soit fait en ligne ; « dossier incomplet » ne veut donc rien dire. Même ceux qui ont été admis n’ont pas pu assister aux cours après quelques semaines.

Ma chère fille, je vous présente mes excuses pour tous ceux qui sont ignorants et vous ont créés tant de difficultés. Je pensais que ces difficultés se résumaient à une privation irraisonnable et injuste d’éducation. Cependant, je comprends que ce ne sont pas vos seules souffrances. La prochaine fois que vous verrez votre mère, dites-lui : « Le Docteur Mohammad Maleki, 81 ans, premier doyen de l’université de Téhéran, s’est rendu chez vous et s’est incliné humblement devant votre innocence et celle de vos coreligionnaires. » Ce sont les mots du Docteur Mohammad Maleki) à Taraneh Taefi quand il lui a rendu visite, accompagné de l’écrivain et documentariste Mohammad Nourizad.

Je ne savais pas que Monsieur Maleki venait. Monsieur Nourizad avait mentionné qu’il venait avec un ami et a insisté pour que je sois à la maison. Je ne savais pas pourquoi et je ne pensais pas que cela me concernait. J’avais vu Monsieur Maleki auparavant quand il était en prison et que nous avions rendu visite à maman. Je l’avais vu dans la salle de visite, mais je ne savais pas qui il était. Quand ils sont arrivés, Monsieur Nourizad a dit : « Le premier doyen de l’université de Téhéran veut vous parler parce que vous avez été privée d’éducation supérieure. » C’était merveilleux de savoir que cela les concernait tant et qu’une personne d’une telle importance était venue me rencontrer et m’encourager. Cette privation m’avait beaucoup attristée et leur visite m’a exaltée et rendu la joie. Il m’a dit qu’il n’hésiterait pas à me soutenir de tout son poids.

Après l’élection de juin de cette année et le début de la présidence d’Hassan Rouhani, de nouveaux espoirs se sont fait jour sur la liberté des prisonniers de conscience et l’apparition de plus de libertés individuelles. Certains prisonniers ont même été libérés
Bien sûr, on espérait que la situation changerait. Nous l’espérons toujours. Nous avons vu certains prisonniers politiques bénéficier de libérations provisoires, d’étendre la durée de leurs permissions ou même être libérés. Mais en ce qui concerne les prisonniers bahaïs, il n’y a eu aucune clémence ou permission. Il y a des bahaïs qui sont en prison depuis que Rouhani est arrivé au pouvoir. Il n’y a eu aucune amélioration de la situation des prisonniers, des bahaïs continuent d’être arrêtés dans différentes villes et il n’y a eu aucune amélioration.
Source : http://iranpresswatch.org/post/11274/

dimanche 22 juillet 2012

Lettre de Shabnam Madadzadeh


Au nom de Dieu

Ce n'est hélas pas une feuille qui se fane, c'est une forêt que l'on change en désert.

Aux amis et compagnons qui savent ce que c’est que souffrir, à tous les cœurs battants pour les êtres humains, pour l’humanité et pour toutes les valeurs, au-delà des frontières géographiques.

Je parle en tant que témoin, témoin des jours terribles d’une ville où la mort a déposé le poids de son manteau sur un mur, un endroit où l’on ne peut plus respirer. Les noirs donjons aux hauts plafonds, sans fenêtres, sans lumière du jour, deux cents femmes par cellule, surpeuplées et bruyantes, les détenues, désespérées et agitées, les bagarres et les mauvaises nouvelles…Je les ai vus, de mes yeux vus : « le massacre de l’humanité, j’en ai été témoin de mes yeux. » Je parle en tant que témoin, témoin des moments incertains, du regard confondu de la mort coulant des yeux des prisonnières et des matraques des unités spéciales pour les calmer.

Je parle en tant que témoin des bagarres pour s’approprier la nourriture et le pain dans un endroit dénommé réfectoire. Tout le jeu des acteurs, les faux-semblants et les décorations n’ont abouti à rien. Ce qu’on servait aux prisonnières en tant que ration alimentaire était si maigre que les prisonnières affamées ramassaient les restes sur les assiettes et bientôt des bagarres éclataient pour les restes de nourriture. Les plateaux et les chaises volaient. Et le sol sale et glissant en faisait glisser et tomber certaines. Un endroit appelé réfectoire mais dénommé par les prisonnières « salle de tabassage ».

Je parle en tant que témoin. J’ai vu leurs gros efforts pour montrer aux familles en visite le revers d’une situation déplorable. La salle que nous traversons avec ses ruines et ses dolines pour atteindre la salle des visites, possède, de l’autre côté du mur, près de l’entrée, des jardins remplis de fleurs, je l’ai remarqué le jour où j’ai été transférée à Evine, pour que les familles, dans cette roselière, se sentent heureuses de voir quelques fleurs et oublient que leurs propres fleurs se fanent à l’intérieur. Hélas !

Le procureur national était présent à Ghartchak le jour-même où l’on nous transférait de nouveau à Evine ; il était venu réfuter tous les rapports dans les médias, tant nationaux qu’étrangers, sur la situation de Ghartchak, ce qui est, en soi, une preuve de la situation déplorable de cette prison. Ils voulaient nier quelque chose. Ce même réfectoire, qui avait été nettoyé de fond en comble pour les caméras, avait un carrelage maculé de sang les jours précédents. Les jours qui ont suivi notre retour à Evine, voilà ce que j’ai entendu des gardes et de ceux qui ont fait l’aller-retour entre Evine et Ghartchak : cet endroit n’est qu’un trou d’enfer, d’après les geôliers eux-mêmes. Qu’y a-t-il d’autre à nier ?

Oui ! Je parle en tant que témoin d’un terrain vague dénommé prison, d’une ville sans signe de vie, où même les plantes arrêtent de croître. Un endroit où j’ai été transférée de temps en temps. J’ai qualifié sa situation de déplorable et inhumaine, non seulement pour moi mais pour toutes les femmes qui y sont incarcérées, quel que soit le mobile de leur incarcération. C’est un camp de la mort, pas une prison. Un endroit de mort lente. Et j’entends encore le bruit de la dignité humaine que l’on écrase jusqu’à la faire expirer. Un an et demi se sont écoulé depuis cette époque mais, de nouveau, je me souviens de ces moments.

Après le transfert de Kobra Banazadeh Amirkhizi, une femme de 60 ans et de Sedigheh Moradi à la prison de Ghartchak mercredi 11 juillet, je me suis de nouveau sentie au milieu de ces femmes, dans les mêmes conditions. Mon  cœur  se serre mais j’ai les mains liées, je ne pourrais rien faire. A l’âge que j’ai et dans mon état physique, il m’était très difficile de supporter cet endroit, alors pour ces deux femmes qui sont malades…Les murs grandissent et les barreaux de métal se referment. Je sens la chaleur de ma respiration sur mon visage. Une sensation inexprimable par des mots. Croyez-moi, je ne peux pas exprimer par des mots cette sensation indescriptible.

Je parle encore en tant que témoin, quelqu’un qui a rencontré Madame Banazadeh il y a plus de deux ans dans la prison de Gohardasht (Radjaï Shahr) et qui a rencontré Sedigheh Moradi à Evine il y a plus de huit mois. Pendant cette période, j’ai été témoin de la dégradation de leur état de santé dans cet horrible endroit, assiégées par des barreaux de métal dans des conditions inhumaines. Témoin de l’opération des yeux ratée de Madame Banazadeh qui lui a fait perdre la vue à cause de l’irresponsabilité des fonctionnaires, témoin de son arthrose au cou et au dos, témoin de son ostéoporose. Il n’y a que deux semaines que Madame Banazadeh était hospitalisée pour passer une angiographie cardiaque. Mercredi, elle s’attendait à passer une échographie cardiaque, pas à être envoyée à Ghartchak. Témoin des problèmes de dos de Sedigheh Moradi, de son arthrose du cou et de la colonne vertébrale et de ses problèmes cardiaques.

Quant à moi, j’ai mis en route une mission de libération ; de ce chemin rempli d’injustice, mon corps a gardé les blessures causées par la persécution, l’exil, le bannissement ; les restrictions font maintenant partie de ma vie. Je crois profondément que nous devons nous comporter comme l’eau d’une rivière, couler sur son lit, quelque dur et difficile qu’il soit, effaçant tous les obstacles, nous frayant un chemin, surgissant et déferlant jusqu’à la mer ; je crois que nous devons mettre fin à la tyrannie, nous devons rester fermes.

Mercredi, j’ai été témoin d’une cruauté éhontée : ils ne se satisfont même pas des verdicts de leurs propres tribunaux injustes et inéquitables. J’ai été témoin qu’à leur bon plaisir, ils ignorent les jugements des tribunaux et se forgent les leurs. A ce moment, j’ai ressenti dans tout mon être que si, au lieu de l’ordre de levée d’écrou d’une camarade de cellule nous apprenions qu’elle était condamnée à mort, nous ne pourrions rien faire.

Compagnons et amis qui partagez la même douleur ! J’ai commencé cette lettre sans préambule car ma plume et mon esprit n’avaient pas la force d’assembler les mots. Une fois de plus, mes mains liées se tendent vers vous, pour que, comme par le passé vous deveniez mes mains pour arracher les voiles et mettre à nu ces jeux de pantins des soi-disant honneurs et dignités des femmes !!! Une fois de plus, je vous crie ma douleur, pour que comme une montagne, vous faisiez écho à ma voix. Je suis dans un endroit où l’on ne peut respirer, alors hurler votre ire tonitruante.

Je demande à toutes les organisations défendant les droits humains et à tous ceux qui, ne serait-ce qu’un instant, se sont souciés de l’humanité, où qu’ils soient dans le monde, de n’épargner aucun effort pour que ces deux femmes sortent de cet obscur endroit.

Shabnam Madadzadeh
14 juillet 2012
Prison d’Evine

dimanche 18 septembre 2011

Lettre de Shabnam Madadzadeh à Ahmad Shahid, Rapporteur spécial de l'ONU sur la situation des droits de l'homme en Iran


Au nom de Dieu,

Pour la première fois, j’adresse cette lettre en tant qu’une jeune étudiante emprisonnée à Monsieur Ahmad Shahid, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme en Iran.

Shabnam Madadzadeh

Monsieur Ahmad Shahid,

On évoque votre prochain voyage en Iran. Un pays de l'Orient, dans une région dénommée le Moyen-Orient. Une région vers laquelle tous les regards se sont tournés depuis ces dernières années et qui à tout moment s’attend à un nouvel évènement. Mais mon propos ne concerne ni le Moyen-Orient, ni les regards qui s’y sont tournés. Je vous écris au sujet d’un pays de l’Asie du Sud-Ouest et qui s’apparente à un chat sur la carte du monde. Un pays dont vous avez la responsabilité d’évaluer sa situation des droits de l’homme dans le cadre de la récente résolution des Nations Unies. Oui, je m’adresse à vous depuis l’Iran, depuis son cœur qui est la prison d’Evin. Aujourd’hui, il est en effet question dans les journaux et les informations de votre voyage et de votre mission pour la préparation de votre rapport.

Je me demande pour quelle raison, dans un pays où son dirigeant, Monsieur Ahmadinejad, a affirmé à maintes reprises lors des conférences de presse qu’en Iran "il y a la liberté absolue", que l’Iran "est le pays le plus démocratique de la région", quels secrets devraient exister pour justifier que l’on s’oppose aussi vigoureusement à la visite du Rapporteur Spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme?! Dans un pays tellement libre (!) que la réponse à toute critique et toute contestation n’est qu’intimidation et menace, où la défense de toute opinion, religion ou croyance différente de celle de ses dirigeants conduit à la détention et à la torture. Un pays en effet libre où l’on confronte des avocats qui ne font que défendre des prisonniers innocents dans des procès mascarades, menottés et condamnés à de lourdes peines de prison, à qui l’on retire le droit d’exercer leur métier. Un vrai "berceau de liberté" où l’intimidation et la peur sont mises en scène lors des exécutions, des corps pendus à des grues sur les places publiques. Il n’y a en effet rien à cacher dans ce pays libre.

Monsieur Ahmad Shahid, que vous soyez conscient ou pas de ces situations, elles constituent la réalité de notre vie. Nous sommes enfermés comme prisonniers de conscience dans un pays où ses dirigeants se disent tous les jours révoltés par l’injustice à l’égard des peuples d’autres pays, parfois très lointains, des dirigeants qui ne cessent de transmettre des messages de soutien à ces peuples, de critiquer les dictateurs d’autres pays tout en leur conseillant d’écouter la voix de leurs peuples. Car ce sont en effet ces peuples qui déterminent le cours de l’Histoire, qui critiquent la répression à l’encontre des étudiants et qui défendent la liberté d’expression et de parole. Dans ces conditions, je leur demande : "Alors moi, qui suis-je ?". Moi qui suis actuellement en prison pour mes croyances, pour mon opinion, ainsi que mes codétenues, des femmes toutes aussi innocentes, d’opinions très différentes, où sommes-nous précisément sur ce puzzle?!! "Pourquoi n’entendez-vous pas NOTRE voix ?!!"

Après beaucoup d’effort pour te faire entendre par tes dirigeants, tu arrives à cette conclusion que leur état d’esprit est « la mort est bien, mais pour le voisin ». C’est dans ces conditions que lorsqu’ils n’entendent pas ta voix, tu veux crier contre l’injustice à ton encontre et tes droits bafoués. Tu cries pour que l’on entende ta voix, même au-delà des frontières. Tu cries pour interpeller les consciences éveillées et les sensibiliser à tes douleurs et souffrances. Ces mots que je vous adresse aujourd’hui sont aussi un cri, sorti d’une montagne de douleur et de souffrance.

Je m’adresse à vous en tant qu’une fille iranienne de 24 ans, étudiante en informatique à l’Institut universitaire de formation des maîtres, en prison depuis le 1er Esfand 1387 (19 Février 2009), en compagnie de mon frère, pour le crime d’avoir réclamé la justice et la liberté, d’avoir défendu l’humanisme et la dignité de l’homme. Une fille qui a vécu l’expérience des prisons du Ministère des Renseignements, de la section 209 et de la section générale de la prison d’Evin, la prison de Rajai-Shahr et la prison de Gharchak à Varamine lors de ces deux ans et demi d’emprisonnement. Je m’adresse à vous en tant qu’une étudiante iranienne. 

Alors que les gens de mon âge dans d’autres pays sont normalement soutenus et guidés par leurs gouvernements sur le chemin de l’épanouissement et du progrès social et scientifique, je suis ici en train de me battre dans cette prison pour le strict minimum de droit humain, pour le droit de penser, le droit d’exprimer mes opinions et même le droit de respirer. Dans un pays vaste et riche, ma seule part des droits civiques est cette cage de prison où je suis contrôlée en permanence par des caméras de surveillance et de la haute technologie pour compter même mes respirations et où mon seul lien avec le monde extérieur est un entretien hebdomadaire de 20 minutes, depuis une cabine, derrière des vitres sales et avec un téléphone. Ma part est ce petit coin étroit d’une cage, sans la possibilité de sortir et de respirer de l’air frais. Lorsque les dirigeants de ce pays prétendent promouvoir les valeurs scientifiques et technologiques, on se demande pourquoi ils emprisonnent ces étudiants, sans considérer les centaines d’étudiants interdits de poursuivre leurs études [par mesure disciplinaire], pour la seule raison d'avoir exprimé leurs opinions. Le plus douloureux est le fait que ces comportements ne se résument pas aux étudiants, mais frappent bien toutes les couches de la société, docteurs, ingénieurs, avocats, ouvriers, professeurs, jeunes, vieux, hommes et femmes.        

Monsieur Ahmad Shahid, lorsque je feuillète le livre de déclaration universelle des Droits de l’Homme, j’ai le cœur plein de regrets et je ne me donnerai même pas la peine de vérifier leur application dans mon pays. Nous sommes en effet au stade où nous devons même nous battre pour prouver que nous sommes des êtres humains et nous rappeler que quelques soient nos croyances et nos opinions, nous devons en permanence subir de telles conditions et payer un tel prix juste pour être considérés comme des êtres humains. Je pourrai peut-être apporter des exemples pour démontrer que les principes exprimés dans chacun des articles de la déclaration universelle des Droits de l’Homme sont bafoués sans exception dans mon pays. Mon frère et moi étions interrogés dans la section 209 de la prison d’Evin, non pas pour notre propre opinion, mais celle des autres membres de notre famille! Dans cette même section 209, j’ai vu des femmes Bahaïs qui étaient arrêtées pour leur croyance. J’ai rencontré des journalistes qui étaient en prison pour avoir témoigné de la situation actuelle. J’ai vécu le procès injuste qui a condamné mon frère et moi à 5 ans de prison avec une peine d’éloignement dans une prison redoutable. J’ai vécu l’exil dans cette prison considérée comme l’une des pires de l’Iran. 

Oui Monsieur Shahid, notre histoire de souffrance est bien longue et je ne peux que vous en raconter qu’une petite partie. J’ai vécu en prison au milieu de droguées, d’assassins, de contrebandiers et de prostituées qui étaient toutes des victimes du pouvoir injuste et totalitaire de ce pays et ceci depuis l’âge de 21 ans. J’ai vécu les pires des conditions. Les conditions effroyables de détention dans la prison de Rajai-Shahr, où l’on disposait de deux simples lavabos et de deux douches pour 200 prisonnières, pour juste vous donner un aperçu de notre situation dramatique. J’ai vu tant de souffrances et de blessures profondes infligées à ce peuple meurtri. J’ai côtoyé ce peuple, j’ai partagé ses souffrances, j’ai pleuré sa solitude et son manque de protection. Ce serait vraiment bien que vous puissiez voir ces réalités de près, que vous voyiez vous-même que dans la prison de Gharchak, ce ne sont pas juste les droits élémentaires des prisonniers qui sont bafoués, mais aussi leurs droits humains. Il faut que vous voyiez par vous-même que ces pauvres femmes sans protection sont entassées dans un endroit qui est très loin des standards habituels d’une prison. Après avoir été exilée à la prison de Rajai-Shahr, transférée à la prison de Gharchak, je me trouve à nouveau actuellement à la prison d’Evin. Je passe mes journées noires de détention ici en compagnie de 32 codétenues innocentes, sans aucun moyen de communication, sous très haute surveillance et dans un endroit qui, de l’aveu même des responsables de cette prison, n’est même pas appelé une "section".

Monsieur Shahid, j’ignore ce qu’ils vont me faire après l’écriture de cette lettre. A Rajai-Shahr, pour avoir informé ma famille de ma situation critique, j’ai été interdite de visite et de téléphone pour une durée de 4 mois à partir du 14 Octobre 2010. Mon frère, Farzad Madadzadeh et trois de ses amis, Saleh Kohandel, Behrouz Javid-Tehrani et Pirouz Mansouri ont été transférés de Rajai-Shahr à la section 240 (sécurité) de la prison d’Evin depuis deux mois. Nous n’avons absolument aucune nouvelle d’eux. Nous avons vécu toutes ces expériences douloureuses au prix de notre jeunesse sacrifiée. A l’heure où vous êtes missionné de voir ces injustices de près, il est à espérer que vous consacrerez votre temps précieux à voir et à alerter le monde entier grâce à votre intelligence et votre conscience éveillée.

Monsieur Shahid, il y a tant de choses à dire, mais ceci a été un court aperçu de nos douleurs et souffrances sans fin. Votre mission a créé une lueur d’espoir dans nos cœurs de prisonniers et ceux du peuple meurtri d’Iran de voir votre rapport et votre témoignage auprès des nations signataires de la charte internationale des droits de l'homme améliorer la situation actuelle en Iran. Cette peur existe aussi de voir cette opportunité noyée, comme tant d’autres, dans des jeux politiques. Tous les regards sont à présent tournés vers vous. Ne laissez pas que cela se produise. 

Shabnam Madadzadeh
Prison d’Evin
Août 2011 (Shahrivar 1390)

Source (Persan): DaneshjooNews

Prison de Gharchak, lire aussi ici et ici et ici

lundi 1 août 2011

L’emprisonnement des actrices en Iran ; une nouvelle façon de réprimer les femmes/ /Sepideh Yousefzadeh


Il y a un mois, Marzieh Vafamehr, actrice et productrice de documentaires, a été arrêtée et envoyée à la célèbre prison de Ghartchak à Varamne, connue pour n’être pas une prison mais un centre de tortures sans la moindre commodité. Son époux, Nasser Taghvaï a déclaré : « Les accusations contre mon épouse ne sont pas politiques mais ‘Sharie’, suivant la religion » !
Des collègues de Marzieh, Pegah Ahangarani et Mahnaz Mohammadi, actrices toutes les deux, sont détenues au bloc 209 de la prison d’Evine. En dehors d’elles, il y a plus de 30 femmes purgeant actuellement des peines de prison à Evine pour raisons politiques. En dehors de Téhéran, à Shiraz, Maryam Bahreman est toujours détenue en dépit d’une lourde caution déposée. Toutes ces femmes sont le reflet de leur génération.

Dans une note sur la page Facebook de Feminist School, Sepideh Youssefzadeh se souvient de Marzieh :

« Je ne l’ai vue qu’une fois, au milieu d’une grande foule ; elle était assise en silence ; elle n’a pas ouvert la bouche. Elle est de la génération de la guerre. Les documentaires sur les effets de la guerre Iran-Irak sur les écoles de ce temps ont montré l’atmosphère froide et révolutionnaire. 

Gymnastique du matin dans la cour de l’école sous les ordres de femmes, se cachant les yeux sous de grosses lunettes et les cheveux sous des écharpes épaisses, vêtues de longues robes noires qui allaient s’élargissant en descendant jusqu’à la cheville. Ma voix rude, sans un sourire, elles sautaient de ci de là en chantant des chants de guerre, et nous, les étudiantes, étions forcées de sauter de ci de là avec elles !

Marzieh a quand même montré le bruit et l’agitation du Téhéran moderne et la répression dans se films. Comme démontré dans « La Vente de Mon Téhéran » tourné par Gozanaz Moussavi.. Elles montraient une génération différente en Iran : moderne, sophistiquée, pleine de joie et pressée de montrer au monde leur musique clandestine et la joie de vivre. Une génération qui a brisé les tabous et n’est pas rentrée dans le moule. Une génération qui a peur d’une révolution et qui effraie en même temps. Une génération qui a fait le tour de la révolution, de ses enseignements idéologiques et de ses 2 chaînes de télévision et qui a appris à dire NON !

Toutes ces femmes de cinéma, Marzieh, Pegah et Mahnaz, sont maintenant en prison. Toutes sont le portrait de l’action dans ces temps difficiles.

Les femmes d’Iran qui sont la moitié de la population démontreront un jour qu’elles seront plus que la Moitié. »

Source: http://www.iranianfeministschool.com/english/spip.php?article466

Les Mères du parc Laleh (Mères en deuil d’Iran) exigent une enquête immédiate sur la terrible situation des prisons iraniennes


Aucun humain épris de liberté ne peut se taire en entendant les terribles nouvelles qui sortent de temps en temps des prisons iraniennes . Ces nouvelles racontent l’histoire d’une catastrophe humaine massive qui se passe quotidiennement dans toutes les prisons du pays, qu’elles soient grandes ou petites, célèbres ou inconnues.

D’après les prisonniers, des simulacres d’exécution, les viols, les ongles arrachés, les têtes de prisonniers enfoncées dans la cuvette des toilettes, les attaques de chiens méchants, la torture de membres proches de la famille, la prise forcée de neuroleptiques jusqu’à être réduits à l’état de légume, les longs interrogatoires, nus, les humiliations sexuelles, les flagellations, la privation de sommeil, l’enfermement dans une petite cage, les longues détentions à l’isolement, les menaces et les mensonges, voilà les tortures les plus communes dans les prisons de la république islamique. Mais torturer les prisonniers pour leur extorquer de faux aveux ne constitue qu’une partie de leurs crimes et  ce que l’on fait quotidiennement subir aux prisonniers politiques ou de droit commun, jeunes ou vieux, hommes ou femmes est horrible et inhumain.

Certaines des lettres que les prisonniers ont réussi à faire sortir décrivent la catastrophe en cours dans les prisons. En écrivant ces lettres, les prisonniers risquent leurs vies avec l’espoir qu’au dehors, quelques personnes les entendent et venir à leur secours.

La deuxième de ces terrifiantes lettres provient du journaliste emprisonné Mehdi Mahmoudian qui est toujours torturé pour avoir fait sortir une première lettres révélant les crimes commis à la prison de Kahrizak. A cause de cette seconde lettre, il a été transféré à l’isolement et a du être hospitalisé suite à une grève de la faim et de la soif. Kahrizak est cette prison célèbre où des manifestants arrêtés lors de l’été 2009 ont perdu la vie peu de temps après leur arrestation. Le régime a bien essayé de réparer les dégâts en la fermant temporairement et en jugeant certains de ses petits chefs à huis clos, mais des crimes plus grands encore ont encore lieu dans les prisons ; les prisonniers meurent à petit feu.

Dans sa deuxième lettre écrite de la prison de Redjaï-Shahr, Mehdi Mahmoudian révèle la terrible situation et parle des tortures sauvages qu’ont y pratique. Les gangs de trafiquants de drogue qui y sévissent, le grand nombre de drogués, les viols et le commerce d’êtres humains et les échanges sexe contre drogue ont causé une épidémie de sida et d’hépatite.

Seyed Zia Nabavi, ancien étudiant, qui purge actuellement une peine de 10 ans à la prison Karoun d’Ahvaz, relate la situation terrible de cette prison. Le nombre de prisonniers est trois fois la capacité nominale de la prison et un tiers d’entre eux sont contraints de dormir par terre, un tiers dort dans une petite cour, s’abritant dans les toilettes quand il pleut. Malheureusement, après chaque averse un peu forte, les égouts se déversent dans la cour et les prisonniers n’ont d’autre choix que de supporter l’odeur pestilentielle, de manger, de dormir, de « vivre » parmi les cafards et les rats. A l’heure de la promenade, il y a trois prisonniers marchant et fumant par mètre carré. « Au-dessus de la cour se trouve un treillis qui limite l’arrivée d’air frais et ajoute encore à la touffeur extrême des étés d’Ahvaz, ce qui non seulement prive les prisonniers de la joie de voir le ciel mais les transforme aussi en animaux en cage. »

Une autre lettre révélatrice a été écrite par neuf prisonnières récemment transférées à la prison de Gharchak dans la banlieue de Varamine ; elle nous raconte les horribles conditions de cette prison. Bien qu’elles aient toutes été transférées de nouveau dans d’autres prisons depuis, il est douloureux de savoir que d’autres femmes et jeunes filles souffrent dans cette prison.

Le nombre de détenues excède plusieurs fois la capacité de cet ancien élevage de poulets. Elles souffrent non seulement du manque d’hygiène et de ventilation mais aussi de la faim, de l’insécurité, on les punit en les battant avec des matraques et en leur arrachnat les ongles.

Extraits de cette lettre :
« La prison Ghartchak de Varamine comporte sept cellules dont chacune a une capacité de quelques dizaines de prisonnières mais qui en abritent chacune 200. Le manque de ventilation ainsi que les odeurs de gaz provenant des égouts ont causé des problèmes respiratoires à beaucoup de prisonnières. Il y a deux salles d’eau et deux toilettes pour plus de 200 prisonnières. En raison de ces restrictions, beaucoup de prisonnières utilisent l’espace entre les bâtiments pour se laver. N’ayant pas d’autre point d’eau, les prisonnières sont obligées d’utiliser les robinets des toilettes pour faire leur vaisselle et leur lessive. Trois repas quotidiens sont censés être servis à la cantine mais en raison du manque de nourriture, plusieurs prisonnières ne les ont pas eu la semaine dernière. Chaque repas consiste en deux tranches de pain rassis et une pomme de terre ou une petite portion de pâtes. Et l’on voit les résultats de la malnutrition surtout qu’il y a beaucoup de prisonnières mineures. En raison du manque de nourriture, les combats sont permanents et on appelle la cantine la « pièce où l’on se bat ».

Nous avons de temps en temps des nouvelles des prisons de Shiraz et elles sont inquiétantes. Par exemple, les rapports sur la mort suspecte du militant politique Réza Mohammadi. A la famille, qui n’avait pas eu de nouvelles depuis longtemps, on a annoncé que la cause de la mort était « un chute sur le sol des toilettes ».  Non seulement on n’a pas rendu le corps à sa famille en dépit de ses demandes répétées, mais on l’a intimidée, les services du renseignement allant jusqu’à arrêter son frère pour l’empêcher de répandre la nouvelle de sa mort.

De la prison de Sanandadj, au Kurdistan, nous entendons que le ministère du renseignement et les gardiens de la révolution humilient et mettent les prisonniers sous pression pendant les interrogatoires, leur rendant la vie insupportable. Les gardiens attaquent les prisonniers politiques, les battant et détruisant ou emportant le peu qu’ils possèdent.

Les nouvelles de la prison Vakil Abad de Mashhad nous parlent non seulement d’exécutions de masse mais aussi de conditions généralement inhumaines. Seyed Hashem Khastar, représentant des enseignants au conseil des éducateurs et qui y est détenu, a écrit au responsable national de la justice ; dans cette lettre il dévoile quelques détails sur la prison : les prisonniers, quatre fois la capacité nominale de la prison, se voient refuser leurs droits les plus fondamentaux et il compare la prison aux « camps de la mort d’Hitler ».

En général, la surpopulation, la non ségrégation des prisonniers en fonction de leurs prétendus crimes, l’insécurité, le manque criant d’installations sanitaires et d’accès aux soins médicaux, le manque ou l’interdiction des mass media comme les journaux ou la radio, les droits d’appels téléphoniques et de visite, indiquent non seulement le mépris des règlements des prisons, mais aussi le mépris des droits humains en prison, ce qui n’est qu’une petite partie du plus vaste problème des violations des droits humains en ce pays.

Comment se taire lorsque nous voyons de nos yeux les meilleurs de nos enfants souffrir d’une telle situation ? Face à cette situation, il ne s’agit plus seulement d’exiger la libération de tous les prisonniers politiques. Ce qui se passe dans les prisons de la république islamique est contraire à la dignité humaine et s’est le devoir de toute personne éprise de justice de se soulever contre cette situation.

Les Mères du Parc Laleh (Mères en Deuil) et leurs sympathisants, en plus de souligner leur juste demande de libération inconditionnelle de tous les prisonniers politiques, demandent que jusqu’à ce que cela advienne, leur sécurité et leur bien-être soient garantis, que tous leurs droits, ainsi que ceux des prisonniers de droit commun, soient respectés en accord avec les règlements des prisons et que les prisons qui ne répondent pas aux normes internationales soient fermées. Luttant main dans la main avec les familles des prisonniers politiques, nous demandons à tous ceux épris de liberté et aux organisations internationales de défense des droits humains de soutenir nos exigences et d’obliger la république islamique d’Iran à se conformer aux lois internationales vis-à-vis de ses citoyens.

Nous exigeons la fermeture immédiate de toutes les prisons illégales et non enregistrées, l’accès à l’hygiène et aux soins médicaux (en particulier pour les femmes et leurs enfants), la séparation des prisonniers en fonction de leurs crimes et enfin le respect des droits fondamentaux des prisonniers, qu’ils soient politiques ou de droit commun.


Source: http://www.madaraneparklale.org/2011/05/mothers-of-laleh-park-mourning-mothers.html

lundi 9 mai 2011

Nasrine Sotoudeh interdite de conversations téléphoniques; on craint qu’elle ne soit transféré à la prison de Gharchak.


Dimanche 8 mai 2011 – Depuis son transfert au bloc méthadone d’Evine il y a 10 jours, Nasrine Sotoudeh n’a pas eu de contact téléphonique avec sa famille. Réza Khadan a declaré à la Campagne pour l’Egalité : « Après le transfert de Nasrine, nous nous sommes rendus en salle de visite mais les enfants n’ont malheureusement pas eu le droit de la voir ; depuis quelques temps, les enfants pouvaient voir leur mère de façon informelle quelques minutes dans le couloir. »

Lors de sa dernière visite, Nasrine Sotoudeh avait informé son époux, Réza Khandan, que les autorités judiciaires avaient l’intention de transférer plusieurs prisonnières vers une prison de Tcharmshahr de Varamine très prochainement. Il faut mentionner que le verdict n’a toujours pas été confirmé par le tribunal révolutionnaire, ce qui invalide son arrestation temporaire selon le code pénal islamique. 

« Emmener les enfants dans la zone de Varamine alors qu’on ne sait même pas s’il y existe des routes sûres, est très risqué, surtout en été quand il fait très chaud, ce qui rendra les visites en personne presque impossibles pour les enfants. »

Des prisonnières pourraient être transférées autour de Varamine, ce qui a causé un grand émoi parmi les familles de ces prisonnières. La prison Ghartchak de Varamine et aussi connue sous le nom de « deuxième Kahrizak ». Les prisonnières qui y ont été transférées venant de Radjai-Shahr ont décrit la situation comme effroyablement insupportable.

Source: http://1million4equality.info/spip.php?article7761

La prison de Gharchak à Varamin, un nouveau Kahrizak? Les prisonnières témoignent ...

Les nouvelles s'accumulent et vont malheureusement toutes dans le même sens. Depuis que 600 prisonnières de la prison de Rajai-Shahr ont été transférées à la prison Gharchak de Varamin, les inquiétudes montent. Les familles sont tétanisées par la peur. Les conditions de détention sont inhumaines. Nous traduisons ici certains passages des lettres rendues publiques, d'une part par les prisonnières politiques, et d'autre part par leurs familles.

Il est important de noter l'extrême urgence de cette situation car des vies humaines sont en grave danger. Nous demandons aux lecteurs de diffuser au maximum ces informations et de ne pas oublier celles qui subissent tous les jours, les pires tortures de ce régime totalitaire.


Dans une lettre publiée par le site DaneshjooNews le Samedi 7 Mai, les prisonnières politiques de la prison de Gharchak à Varamin écrivent: 

"Cela fait une semaine que nous avons été transférées de la prison de Rajai-Shahr à la prison de Gharchak à Varamin... après avoir vécu l'expérience de la détention à Rajai-Shahr, nous n'aurions jamais pensé que nous pourrions un jour nous trouver dans une situation aussi catastrophique... 

Nous avons été transférées mardi dernier à la prison de Gharchak dans des conditions de sécurité draconiennes, menottées et les pieds entravés, ..., des conditions que nous n'avions même pas vues lors des interrogatoires. Pendant le transport qui a duré 3 heures et demie, plusieurs prisonnières ont fait des malaises. Nous nous sommes donc trouvées très loin de Téhéran, dans un endroit tellement difficile d'accès et éloigné que l'on se demandait comment nos familles allaient pouvoir venir nous rencontrer. Une semaine plus tard, il n'est d'ailleurs toujours pas question de visites. 

La prison de Gharchak a 7 unités. Chaque unité compte quelques dizaines de lits. Mais à l'heure actuelle, il y a plus de 200 prisonnières dans chacune de ces unités. L'absence de tout système d'aération, les conditions d'hygiène catastrophiques, l'odeur des égouts et les gaz qui en émanent ont causé de graves problèmes respiratoires à de nombreuses prisonnières. Seulement deux blocs sanitaires pour plus de 200 prisonnières. Seulement deux salles d'eau pour ce même nombre de prisonnières. Les nombreuses restrictions ont fait que les prisonnières se servent en fait des espaces entre les lits pour faire leur toilette. En l'absence de tout autre robinet d'eau, les prisonnières doivent laver leurs vêtements et faire leur vaisselle dans ces mêmes blocs sanitaires. 

Tous les jours, normalement 3 repas sont prévus. Oublions les conditions d'hygiène déplorables encore une fois... depuis une semaine, à plusieurs reprises, il n'y a pas eu assez de repas pour pouvoir en  distribuer à toutes les prisonnières. Chaque repas contient normalement deux morceaux de pain rassi, une pomme de terre ou une toute petite quantité de pâtes. Comme parmi nous il y a aussi des prisonnières très jeunes, parfois âgées de moins de 18 ans, on peut facilement observer des signes de malnutrition grave sur plusieurs d'entre elles. Oublions le comportement des employés de la restauration ou des gardiens, qui se comportent de la pire des manières. Oublions aussi les conditions de sécurité dans ce réfectoire, où des heurts éclatent souvent pour obtenir de quoi manger...

Contrairement à d'autres prisons, il n'y aucun endroit pour acheter des produits alimentaires ou d'hygiène. La zone prévue pour que quelques dizaines de prisonniers puissent s'aérer, est en général remplie de plus de 400 prisonniers. Une zone avec des murs de ciment très hauts qui n'ont rien à voir avec les prisons d'Evin et de Rajai-Shahr. Le plus grand acte de gentillesse des responsables de cette prison a été de nous fournir de l'eau bouillante pour faire du thé à deux reprises en une semaine. Mais la casserole d'eau bouillante a été jetée en direction d'une prisonnière et ce geste a causé de graves brûlures à plusieurs prisonnières.

Les punitions extrêmement sévères, ainsi que les heurts entre prisonnières sont incompatibles avec la dignité humaine. Où dans le monde, un prisonnier peut-il être puni et avoir les ongles arrachés suite à une dispute pour de l'eau bouillante? Où dans le monde, des hommes armés de bâtons peuvent-ils être envoyés dans une cellule de femmes pour les frapper violemment? Où dans le monde, des enfants de 14 ou 15 ans peuvent-ils être détenus dans de telles conditions? Nous avons très franchement honte de ce qui se passe autour nous, de ce dont nous sommes témoins. Nous avons doublement honte lorsque nous constatons de tels désastres humains dans notre propre pays. Un pays qui a la prétention de vanter dans le monde entier son héritage culturel et artistique ainsi que son humanisme et son respect de l'Islam.  

Nous, les prisonnières politiques de la prison de Gharchak à Varamin, après avoir observé de telles conditions, avons fait beaucoup d'efforts pour témoigner auprès des responsables de cette prison d'une infime partie des injustices constatées et de l'absence totale de l'Etat de droit. Ace jour, nous n'avons entendu que de vagues promesses quant à un éventuel transfert vers la cellule des délinquants financiers en vue de contrôler "le taux d'occupation des cellules". Or cette cellule n'a rien de différent de la nôtre... Nous réclamons les droits les plus élémentaires pour des prisonnières qui ont été enfermées ici en vue d'être "corrigées" et "éduquées". C'est à se demander si les responsables judiciaires de ce pays n'ignorent pas volontairement leurs obligations légales, religieuses et humaines ainsi que leurs rôles de surveillance des prisons pour estimer que tous les détenus, quelque soit la gravité des délits commis, sont dignes de mourir. Un tel comportement est-il conforme aux règles élémentaires de la justice islamique (la Charia)? A quoi servent alors la Constitution et le code pénal?

Au début de nos propos, nous nous sommes adressées aux consciences éveillées. Nous nous adressons à présent aux responsables de la République Islamique d'Iran, aux organisations de défense des droits humains et aux autorités religieuses. Nous les exhortons à honorer leurs responsabilités humaines, morales et religieuses et à réclamer une évaluation de la situation des prisonnières détenues à la prison de Gharchak à Varamin.

Pour finir, nous rappelons qu'après avoir découvert de telles conditions de détention, nous avions évoqué notre droit d’entamer une grève de la faim. Nous réitérons aujourd'hui cet appel et réclamons ce droit si les conditions de détention restent inchangés. Nous n'avons en effet pas peur d'y laisser nos vies, car si nous craignions pour nos vies, nous ne serions pas dans cette situation aujourd'hui. Même, si par expérience, nous savons qu'en prison, la vie humaine n'a en fait aucune valeur et aucune importance. Encore moins dans une telle prison, dont la simple existence est la négation même de l'Etat de droit sous le régime de la République Islamique et une véritable remise en cause des principes humains. 

Aujourd'hui, nous nous adressons aux consciences éveillées pour leur dire que tant qu'il reste une part d'humanité en nous, nous ne nous tairons pas face aux atteintes à la dignité humaine.  

Les prisonnières politiques de la prison de Gharchak à Varamin