Les agressions sexuelles contre les hommes et les femmes sont systématiquement utilisées en Iran pour essayer d’étouffer l’opposition. Cet article remarquable a été publié par Mahmood Delkhasteh dans le Guardian le 16 février dernier (traduction réalisée par Ghazamfar).
Les Violeurs du Régime Iranien
Mahmood Delkhasteh, Guardian
Tôt un matin de 1981, je suis arrivé au collège où j’enseignais à Téhéran et deux gardes de la fameuse prison d’Evine m’ont informé que l’un des collégiens avait été arrêté et ne reviendrait pas au collège. Je savais que son père était trafiquant de drogue et je supposais qu’il avait été arrêté pour des accusations semblables. C’était à l’apogée de la lutte post-révolutionnaire entre le front démocratique révolutionnaire conduit par le président d’alors Abolhassan Banisadr, et le front dictatorial conduit par le parti de la république islamique et ses alliés. Quelques mois plus tard, Banisadr était chassé par un coup d’état et j’étais renvoyé de mon poste d’enseignant.
Tôt un matin de 1981, je suis arrivé au collège où j’enseignais à Téhéran et deux gardes de la fameuse prison d’Evine m’ont informé que l’un des collégiens avait été arrêté et ne reviendrait pas au collège. Je savais que son père était trafiquant de drogue et je supposais qu’il avait été arrêté pour des accusations semblables. C’était à l’apogée de la lutte post-révolutionnaire entre le front démocratique révolutionnaire conduit par le président d’alors Abolhassan Banisadr, et le front dictatorial conduit par le parti de la république islamique et ses alliés. Quelques mois plus tard, Banisadr était chassé par un coup d’état et j’étais renvoyé de mon poste d’enseignant.
Plus tard, j’ai appris que le même jour, mon élève avait été libéré et engagé comme garde dans la même prison. J’ai aussi appris de sa grand-mère qu’il ne s’intéressait pas à la drogue mais qu’il avait violé sa sœur et l’avait mise enceinte. A cette époque, les histoires de femmes et de filles violée en prison étaient si nombreuses que l’Ayatollah Montazeri avait envoyé une équipe pour enquêter. Ils n’ont pu que confirmer les rumeurs. Les gardiens de prison, dont beaucoup de malades mentaux comme mon élève, avaient pour tâche de violer les femmes, l’un d’eux était même surnommé « hamishe dâmâd » (le jeune marié éternel).
En d’autres termes, le viol n’a rien de neuf pour ce régime qui maintenant tente même en vain de se cacher derrière l’islam. Néanmoins, après le soulèvement de juin dernier, nous voyons l’émergence d’une forme de viol plus largement répandue et qui s’étend aussi aux hommes. Non pas que cela n’ait pas existé auparavant, mais le viol est maintenant utilisé de façon systématique. Peu d’informations circule sur ce sujet à ce jour.
La maltraitance à la prison de Kahrizak, l’Abu Ghraïb iranien, n’a filtré que parce que Mohsen Rouh-ol-Amini, fils d’une personnalité conservatrice, y est mort sous la torture. Le régime a été contraint de fermer la prison, et, plus tard, en août 2009, l’Ayatollah Karroubi a publié une déclaration disant, entre autres, que quelques prisonniers avaient été violés. Après de telles révélations, on aurait pu penser que le régime arrêterait cette forme brutale de torture contre ses opposants. Mais les victimes et les témoins ont confirmé qu’elle continuait. Il y a quelques semaines, par exemple, les gardes révolutionnaires ont arrêté une groupe de femmes qui se rassemble tous les samedis au Parc Laleh pour protester contre la détention de leurs enfants. Une mère a révélé qu’elle avait vu pendant sa détention un adolescent implorer un juge de ne pas le renvoyer à l’isolement. Quand le juge lui demanda pourquoi, il répondit : « Parce qu’ils n’arrêtent pas de me violer ». Il y a deux mois, le fils d’un ami a été arrêté lors d’une manifestation et a dû mener le combat de sa vie pour éviter d’être violé par les gardes dans la voiture. Le 12 février, Fatéméh Karroubi, épouse de l’Ayatollah Karroubi a écrit une lettre ouverte à Khamenei donnant les détails de l’arrestation de son fils de 38 ans au moment de l’attaque de la voiture de son père pendant une manifestation lors du 31ème anniversaire de la révolution de 1979. Elle y décrit comment son fils a été méchamment maltraité physiquement et oralement dans une mosquée. Les gardes l’ont menacé de viol.
Bien que les faits soient maintenant connus, le régime continue d’utiliser le viol et la menace de viol comme une arme contre ses opposants qu’ils soient hommes ou femmes, pourquoi ? Il faut comprendre la question dans son contexte culturel. Le régime sait que tuer un opposant, c’est le transformer en martyr ce qui peut en encourager d’autres à se joindre à la lutte. Le viol peut lui avoir des effets dévastateurs non seulement sur une personne mais aussi sur la morale politique. Le régime croit que la société pense que personne ne peut devenir un héros pour avoir été violé. Dans ce contexte, il est facile de risquer sa vie pour ses convictions, mais plus difficile de se joindre aux manifestations, sachant que l’on peut être violé. De plus, le régime a du mal à cacher les meurtres de ses opposants, mais il peut souvent neutraliser les opposants par le viol, la plupart des victimes étant trop traumatisées ou ayant trop honte pour rendre les faits publics.
On ne sait pas si cette menace de honte gardera son pouvoir. Tout au long de cette lutte révolutionnaire, nous observons des changements époustouflants dans les normes et les valeurs culturelles, spécialement dans les relations entre les sexes et en opposition au patriarcat. On a vu comment les efforts du régime pour humilier un étudiant en publiant sa photo habillé en femme a fait chou blanc; en quelques heures, des milliers d’autres hommes se sont fait tirer le portrait en vêtements féminins et les ont publié sur Internet pour exprimer leur solidarité. Bien sûr, des siècles de valeurs et de relations marquées du sceau du patriarcat ne vont pas disparaître en une nuit. Mais la société iranienne a vite appris que, quiconque souffre à cause de sa lutte contre le régime le plus barbare que le pays ait connu lors des deux derniers siècles est un héros.
Ce régime lutte maintenant pour sa survie et n’a plus de limites. Depuis qu’Ahmadinedjad a été nommé président et que les généraux des gardes révolutionnaires ont envahi l’Etat et l’économie, on peut à juste titre considérer l’Iran comme une mafia militaro-financière. Et comme dans tout état totalitaire, on a recherché et entraîné les individus les plus déshumanisés pour en faire des armes décisives, efficaces et efficientes dans cette lutte.
Ils sont bien sûr coupables. Mais d’autres doivent être pris en compte. Khamenei, en tant que guide suprême et détenteur, aux dires de ses idéologues comme l’Ayatollah Mesbah Yazdi du pouvoir absolu, sur la vie, les propriétés et l’honneur de chaque Iranien, qui a ouvertement déclaré la guerre aux manifestants après les élections, porte la responsabilité ultime de ces crimes. Il a aussi été accusé d’avoir tué ses opposants par un tribunal allemand dans le procès Mykonos, et a reçu de nombreuses lettres l’appelant à rendre compte d’autres crimes et abus.
La lettre de Fatémeh Karroubi en est le dernier exemple public. Les organisations des droits humains ont également beaucoup de preuves de toutes sortes de crimes commis contre le peuple iranien par ce régime et nous espérons qu’ils vont bientôt commencer à mettre en place une cour internationale dans laquelle Khamenei serait accusé de crimes contre l’humanité.
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