mercredi 4 mai 2011

Déclaration d’Ahmad Zeidabadi, lauréat 2011 du Prix mondial de la liberté de la presse UNESCO / Guillermo Cano


Je voudrais remercier la Directrice générale de l’UNESCO, ainsi que les membres du jury du Prix pour tous leurs efforts mais aussi pour l’honneur qu’ils me font en me décernant le Prix mondial de la liberté de la presse UNESCO / Guillermo Cano 2011. Je suis triste de ne pas pouvoir écrire un message vraiment digne de cette occasion et de votre réunion. Comme vous le savez, la Cour révolutionnaire m’a condamné, en plus des six années de prison, à cinq ans d’exil et à une interdiction à vie de toute activité politique, sociale et journalistique. Elle m’interdit d’écrire et de parler. De fait, tout message de ma part ajouterait à mes souffrances et à celles de ma famille.

Malgré cette restriction, je voudrais dire clairement que dans l’exercice de ma profession, je n’ai jamais utilisé d’autres moyens que ma plume et ma parole. Ce faisant, je suis resté dans les limites étroites posées par les lois et règlements du gouvernement iranien. Mais, en violation de leurs propres lois et règles, ils m’ont imposé des souffrances allant au-delà de ce que je peux endurer. Des souffrances comparables à celles d’une personne crucifiée pendant des semaines ou enterrée vivante.  

De ma prison, j’essaye constamment de pardonner mais je ne peux pas oublier.  

En acceptant ce prix qui constitue une reconnaissance pour tous les prisonniers d’opinion de mon pays et pour tous mes collègues exilés ou détenus, je tiens à le dédier à ma famille, et en particulier à ma femme et à mes enfants. En plus des souffrances psychologiques de ces deux dernières années, ils ont du vivre pendant dix ans dans la terreur des coups frappés à la porte. Chaque visite imprévue faisait battre leurs cœurs innocents et fragiles.  

Je dédie aussi ce prix à la mère de Sohrab Arabi* et à toutes les mères dont le fils n’est jamais rentré à la maison. Je le dédie à toutes les mères, sœurs, filles inconsolables et aux enfants qui vivent dans la douleur parce que ceux qu’ils aiment sont en prison.  

Pour vous être souvenu d’eux, Dieu se souviendra de vous et il vous en saura gré.   

* Le 12 juillet 2009, 26 jours après que la disparition de Sohrab Arabi durant les manifestations du 15 juin, les autorités iraniennes ont informé sa famille que cet étudiant de 19 ans, était mort d’une balle dans le cœur. Sa mère, membre de l’organisation des Mères pour la paix, a tout fait pour en savoir davantage. La famille a finalement été sommée d’identifier Sohrab parmi plusieurs photographies de cadavres. Selon des membres de la famille, le corps ne serait parvenu au bureau du juge d’instruction que cinq jours après la disparition de l’étudiant. On ignore encore s’il a été tué durant la manifestation ou en détention. Le retard mis à annoncer cette mort inexpliquée fait planer un doute sur le sort de douzaines d’autres personnes portées disparues. Le cas Sohrab Arabi est aujourd’hui tristement célèbre en Iran.  

03.05.2011

Source: http://www.unesco.org/new/fr/media-services/single-view/news/statement_by_ahmad_zeidabadi_laureate_of_the_2011_unescoguillermo_cano_world_press_freedom_prize/back/18256/

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