C’est avec joie que nous saisissons l’occasion qui nous est offerte de vous exprimer notre gratitude au nom de toutes les mères et de tous les membres des familles de Khavaran. Nous sommes vraiment ravies que, par cette récompense, notre appel à la reconnaissance des responsabilités puisse atteindre la communauté internationale.
Plus d’un quart de siècle s’est écoulé depuis le début de notre quête de reconnaissance de nos droits et d’accès à la vérité sur le sort de nos proches. Les oppresseurs n’ont pas ménagé leurs efforts pour augmenter nos souffrances. Ils nous menacent, nous convoquent et nous emprisonnent. Ils s’opposent avec force à tout effort de nous rassembler pour nous souvenir de nos proches, chez nous ou sur leurs tombes. Ils nous refusent l’entrée à Khavaran. Ils nous refusent le droit de mettre une fleur ou un signe sur leurs tombes anonymes. Malgré toutes ces expressions de violence et de persécution, nous ne vacillons pas dans notre quête de la vérité qui inaugurera le règne de la justice sur notre terre.
Pendant ces décennies, d’innombrables survivants ont été traités injustement à cause des idées et idéaux de leur enfants défunts, des tentatives de découvrir la vérité sur leur sort ou de commémorer leurs anniversaires. Certains ont été licenciés, d’autres interdits de sortie du territoire tandis que la plupart font face à un cycle perpétuel de privations socio-économiques dans le but de rabaisser et de déshumaniser ces personnes lésées.
Durant la première décennie de la république islamique, les vies précieuses de nos proches ont été fauchées par l’exécution, l’assassinat ou la torture jusqu’à la mort. Les autorités nous ont refusé le droit de récupérer leurs dépouilles et d’observer les rites des morts ; au lieu de ça, ils les ont enterrés sans cérémonie, sans avoir l’humanité d’informer un seul survivant.
Khavaran est situé au sud-est de Téhéran ; c’est une annexe d’un cimetière où les non-musulmans sont forcés d’enterrer leurs morts. Il est connu sous le nom de Lanatabad (résidence des damnés). Il a été créé en 1981 quand les premiers contingents de militants politiques communistes ont été mis à mort. Très vite, d’autres militants de gauche ont subi le même sort. Aucune des personnes enterrées n’a été accompagnée de ses proches. Ce sont les fonctionnaires qui les ont jetés secrètement dans des tombes individuelles ou collectives.
C’est ainsi qu’ont commencé les années d’oppression pour les Mères de Khavaran ; on nous a refusé le droit d’honorer nos morts. Mais nous avons malgré tout persisté, nous nous sommes rassemblées près des tombes et nous avons insisté pour trouver la vérité sur leur sort pour fonder une justice de compensation.
Mais Khavaran n’est pas le seul cimetière où des dissidents ont été enterrés clandestinement. D’en d’autres endroits de Téhéran, dans différentes provinces, il existe des cimetières similaires, anonymes et peut-être même encore ignorés à ce jour, où nos proches ont été enterrés sans nous en avertir, sans avertir leurs familles ; et pendant tout ce temps, le gouvernement a harcelé les survivants parce qu’ils demandaient pourquoi et comment ils avaient été mis à mort. Tous font partie de nous et nous faisons partie d’eux. Ensemble nous sommes les Mères de Khavaran.
Sans nous occuper des dangers et des persécutions, nous avons saisi chaque occasion pour ouvrir nos maisons et nous souvenir de ceux dont les vies ont été ravies beaucoup trop tôt pour mettre fin à l’époque de la dénégation et pour contester la politique d’amnésie publique.
Maintes et maintes fois nous avons questionné notre gouvernement mais nous n’avons jamais reçu de réponse. Personne n’a osé faire la lumière sur comment et pourquoi ils ont été pris comme citoyens ou camarades partageant la même idéologie.
Nous en avons alors appelé au Rapporteur Spécial des Nations Unies sur la situation des droits humains en Iran. Malgré nos appels répétés, il ne s’est rien passé.
Nous ne cherchons pas à nous venger. Nous sommes opposées aux représailles même contre ceux dont les mains sont couvertes du sang de nos enfants. Ce que nous recherchons, c’est la justice. Ce que nous demandons c’est un tribunal transparent et juste qui jugera ouvertement les personnes impliquées dans ce crime contre l’humanité pour que les Iraniens s’unissent et adoptent cet appel « plus jamais ça ! »
Pour la plupart, nous sommes âgées et fragiles. D’autres sont parties de ce monde depuis longtemps. Mais la vérité reste : jusqu’à notre dernier souffle nous demanderons justice en l’honneur de ceux qui reposent en paix à Khavaran. Jusqu’à notre dernier souffle nous ferons tout notre possible pour construire une société où chaque enfant, chaque femme et chaque homme sera libre de croire, de vivre et de progresser.
Source : http://justice4iran.org/english/publication/articles/mothers-of-khavarans-call-of-never-again/
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire