samedi 3 mai 2014

Droits humains en Iran : président Rouhani, écoutez votre électorat – Sussan Tahmasebi @sussantweets 02 mai 2014

Le président iranien Hassan Rouhani a remporté des succès sans précédent sur le plan international mais il est dans l’impasse dans sa construction de la confiance et de la coopération entre les différentes factions de l’état iranien. En conséquence, il est tourmenté par des désastres humains récurrents en Iran car il ne les condamne pas publiquement.
En fait, lors d’une manifestation officielle pour le 1er mai, il a encouragé les citoyens à instaurer des organisations pour défendre leurs droits ; dans le même temps, environ 25 syndicalistes ont été arrêtés à Téhéran.

Parmi les personnes arrêtées, des membres du syndicat des bus de Téhéran, qui s’étaient rassemblés devant le ministère du travail pour offrir des fleurs et des bonbons.

Auparavant, durant une interview en direct sur la télévision d’état, mardi, Rouhani a juré n’avoir pas oublié ses promesses de campagne. Beaucoup ont interprété cette déclaration vague comme faisant référence à l’assignation à domicile, sans accusation ni procès, des candidats à l’élection présidentielle de 2009, Mir-Hossein Moussavi et Mehdi Karoubi.

Durant cette même interview, Moussavi a été hospitalisé d’urgence pour des problèmes cardiaques.

Les affections de Moussavi, continuels durant sa détention, suivaient de près une autre crise des droits humains en Iran.

Le 17 avril, les fonctionnaires de la prison et les forces de sécurité ont pris d’assaut la section 350 de la prison d’Evine, où de nombreux prisonniers politiques sont détenus.

Les prisonniers auraient été violemment battus, beaucoup transférés à l’isolement et certains rasés pour les humilier.

Les prisonniers et leurs familles soutiennent que ceux qui auraient besoin de soins médicaux n’ont toujours pas été traités dans un établissement correctement équipé.

Malgré tout, le porte-parole du gouvernement, Mohammad Bagher Nobakht, a annoncé qu’une enquête était en cours. Rouhani et son cabinet ont gardé le silence à ce propos, refusant de condamner publiquement le raid contre la prison.

Et ce silence n’est pas limité à ce problème : il s’étend à d’autres problèmes de droits humains comme le nombre élevé d’exécutions en Iran.

Les observateurs et les analystes savent bien que Rouhani n’a que peu d’influence sur les autres branches du pouvoir, dont la justice responsable de la mise en place des  peines, de la supervision des tribunaux et des prisons et des libérations anticipées.

On gamberge beaucoup sur les motivations de ce manque de coordination entre Rouhani et les autres branches du pouvoir sur divers problèmes dont les droits humains.
Certains analystes croient que l’augmentation du nombre d’exécution depuis l’entrée en fonction de Rouhani est un moyen de l’embarrasser et d’affaiblir sa position, tant au niveau national qu’international.

D’autres, comme Issa Saharkhiz, analyste politique et journaliste ont une analyse différente.

Dans un article récent, publié par Rooz Online, basé à Paris, l’ancien prisonnier politique soutient que l’attaque et les récentes arrestations ont pour but d’envoyer le message des durs du régime aux dissidents iraniens : les relations internationales peuvent changer, mais les politique intérieure restera la même et on ne tolérera que très peu de contestation.

Durant sa campagne électorale, Rouhani a, à de nombreuses reprises, promis de minimiser l’impact de l’institution sécuritaire sur les citoyens ; une fois en poste, il a accueilli favorablement les critiques constructives et encourage les Iraniens de l’étranger à rentrer chez eux.
Cependant, en dépit de cette nouvelle approche des droits humains en Iran, tout au long de ces nombreuses crises, Rouhani a refusé de condamné publiquement et clairement les agissements des groupes des durs du régime, adoptant une approche tranquille et diplomatique pour résoudre les problèmes.

Il a fait allusion à cette approche dans son interview télévisée lorsqu’il a déclaré qu’il entamait un processus de consolidation de la paix et de réconciliation au niveau tant international que national.

Il a aussi déclaré être « engagé par ses promesses de campagne mais que pour les tenir, il faudra du temps. »

Mais la patience s’amenuise parmi les critiques et les soutiens de Rouhani.

Beaucoup sont en colère à cause de la lenteur des changements et de la continuation de la répression et de la violation des droits en Iran.

Tandis que Rouhani, les durs du régime et les réformateurs s’engagent dans une bataille de tendances t de démonstrations de force, les Iraniens se construisent leur propre idée des droits humains.

Les Iraniens, de plus en plus fatigués et en colère, tiennent leur gouvernement et son administration pour responsables.

La semaine dernière, tandis que les familles des prisonniers de la section 350 manifestaient devant la présidence pour demander une enquête sur l’attaque de la prison, il s’est passé quelque chose d’étrange et d’inattendu.

L’incident a trouvé un large écho dans les médias sociaux.

Quelqu’un a rapporté : « Aujourd’hui, pendant que les familles des prisonniers se trouvaient devant la présidence, un groupe de femmes s’est approché et à déployé une banderole sur laquelle était écrit « Nous voulons la fin des exécutions » et elles ont commencé à scander leurs demandes. »

Ces femmes étaient de la famille de prisonniers condamnés à mort  pour trafic de drogue de détails, d’après d’autres rapports.

Ces femmes étaient venues à la présidence pour demander justice et empêcher l’exécution de leurs fils.

D’après un rapport sur Facebook : « Ces femmes étaient très directes dans l’expression de leurs demandes… au contraire des militants des droits humains. L’une d’elles a demandé : « Ils veulent qu’on ait plus d’enfants pour les exécuter ? »

« Elles étaient venues se plaindre de leur mauvaise situation économique qui avait poussé leurs enfants à recourir à la vente de drogue. Elles se plaignaient de ne pas avoir assez d’argent pour nourrir leurs familles et de l’absence des services publics. »

La population a atteint un degré de compréhension des droits humains qui révèle un profonde fracture entre l’état et la population.

Dans tout le pays, les Iraniens, dont des membres des familles de condamnés à mort, des jeunes des minorités ethniques privés de leurs droits et des travailleurs pauvres sont en train de rapidement changer leurs points de vue et leurs approches de l’état pour leur demande de droits humains.

Mais l’état ne semble pas prêt à répondre à leurs demandes.

Même si cette situation explosive est héritée de l’époque d’Ahmadinejad ou de ceux qui l’ont précédé, c’est quand même un héritage dont le président Rouhani doit s’occuper.

Si on ne répond pas à ces demandes, elles vont se transformer en problèmes pour des modérés comme Rouhani ou pour les durs qui préfèrent des représailles rapides.

Depuis l’élection de juin 2013, les efforts concentrés de Rouhani ont amené des succès considérables dans l’amélioration de l’image de l’Iran sur la scène internationale.

Quand il ressent la pression, la stratégie de Rouhani est de se vanter souvent du mandat légitime reçu de la « population »iranienne.

Jusqu’à ce jour, cependant, les efforts de Rouhani en ce qui concerne la réconciliation nationale se sont concentrés sur une recherche d’apaisement entre des ennemis politiques, les durs et les réformateurs, plutôt que sur la population.

Ces efforts ont eu lieu en silence et à huis clos.

Pour être couronnée de succès, la réconciliation nationale doit englober une partie plus large de la population iranienne.

Rouhani devrait s’inspirer de ses succès internationaux et commencer à instaurer la confiance avec la « population » qui semble avoir été oubliée.

L’instauration de la confiance doit s’étendre au-delà des réformes économiques.

La résolution des problèmes des droits humains en Iran devrait être, pour Rouhani, une stratégie critique pour assurer la sécurité nationale et humaine en Iran.

Sussane Tahmassebi est une militante des droits humains iranienne qui a vécu et travaillé en Iran entre 1999 et 2010. Elle est la co-fondatrice du Réseau International d’Action de la Société Civile (ICAN) dont elle est la directrice pour le Moyen-Orient et l’Asie du programme des droits des femmes, de la paix et de la sécurité.

Source : http://www.ipsnews.net/2014/05/op-ed-iran-human-rights-president-rouhani-listen-public/

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