jeudi 1 mai 2014

La section 350 de la prison d’Evine est-elle vraiment calme ? – Mehrangis Kar – 28 avril 2014

Gholam-Hossein Esmaïli, chef de l’infâme prison d’Evine a dit à l’agence de presse Tadbir que la section 350 de la prison était calme et tranquille. Mais depuis, les familles des prisonniers de cette section ont crié sans relâche la violence perpétrée dans la section et on a entendu leurs voix dans le monde entier. Après la révélation, le directeur a dit avoir identifié la source de cette « fausse » nouvelle.

Depuis longtemps, quand nous voulions écrire sur les lois et le déroulement de la justice, nous pensions que nous avions perdu la tête et qu’après 35 ans de république islamique, nous n’avions toujours pas compris que les lois de cette république ne sont que des outils sans vie propre, ce ne sont que des blagues. Certains se sont entrainés à les faire voter tandis qu’à d’autres, beaucoup moins intelligents, on a appris à ne pas permettre de les appliquer. Quel raisonnement sous-tend cette politique ? Je veux dire la politique de la rédaction de lois dans le but d’en tirer des bénéfices sonnants et trébuchants ?

En fait, rien de surprenant à ce que le régime brutal qui s’est imposé en Iran ne prenne la loi pour une farce. Ce qui est en revanche surprenant, c’est qu’il commence par faire voter des lois. Une de ces lois, rédigée en bonne et due forme, se rapporte aux prisons et à la règlementation de l’administration des prisons ; elle a été votée en 2005. Ce qui se passe dans les prisons iraniennes n’a absolument rien à voir avec ce qui est inscrit dans la loi. Ceux qui ont été entrainés à nier la loi, ce qu’ils font très bien d’ailleurs, ont vu une aubaine dans la nomination d’Esmaïli à la tête de la prison d’Evine. Après tout, il avait déjà réussi à proclamer : « Il n’y a pas un seul gramme de drogue vendu et acheté dans toutes les prisons du pays. »

Maintenant qu’Esmaïli a clairement démontré aux détenus d’Evine que les lois qui gouvernent les prisons de ce pays ne sont là que pour faire joli, il prépare le terrain pour qu’on ne s’intéresse jamais à la « recherche de la justice » Il ne semble pas comprendre que la lame même qu’il a ordonné d’utiliser pour raser les prisonniers se retournera bientôt contre lui.

Quand ceux qui m’enseignaient me parlaient de la loi, ils ne s’imaginaient pas qu’un jour la loi connaitrait un tel sort. Ils étaient pleins d’espoir : la loi serait respectée et honorée par ceux à qui ils l’enseignaient. Ils croyaient qu’on n’arrêterait jamais la mise en place de la loi à coups de couteaux, la remplaçant par une matraque. Mais maintenant, ces rêves et ces espoirs sont perdus, mais pas l’amour de la loi, même si des gens comme Esmaïli ont supprimé tout espoir de mise en application des lois que le régime lui-même a promulguées.

La section 350 d’Evine est une base historique. Si elle est secouée, le tremblement de terre arrive. A cause de ce qu’il s’est passé dans les cellules de cette section, et dans les autres cellules des autres sections, des autres prisons du pays, une réconciliation nationale n’est qu’illusoire. Même le régime de l’apartheid avait confiance en lui tandis que ce régime se moque de ses propres lois et règlementations.

La loi régissant l’administration des prisons en république islamique parle des droits du prisonnier en tant que citoyen. Elle en fait la liste, définit leur portée, exige la présence des avocats à tous les étages de l’organisation carcérale. Nulle part elle ne mentionne que si un homme, issu du sein de la république islamique, arrive aux affaires et tente, ne serait-ce que modestement, de l’empêcher de s’écrouler, qu'ils s'appellent Khatami ou Rouhani, on renierait la présomption d’innocence. Cette loi prend toutes les dispositions en cas de violation des droits des prisonniers et contient des règles spécifiques sur les aspects disciplinaires. Elle prévoit un conseil de classement les prisonniers et un autre disciplinaire. Si ces deux conseils n’avaient pas été transformés en farce par des personnes comme Esmaïli, la section 350 de la prison d’Evine aurait vraiment été paisible. Et si le principe de présomption d’innocence jusqu'à la preuve de la faute, stipulé dans l’article 37 de la constitution, n’avait pas été transformé en outil pour la justice, les prisonniers, aujourd’hui blessés et injuriés, joueraient un rôle actif dans la société dans leurs domaines professionnels ou universitaires, et ils auraient œuvré à réduire le nombre de crimes commis dans leurs communautés.

Mais notre sort est entre les mains de criminels qui jouent du couteau et nous attaquent chaque fois qu’un de leurs rivaux prend le dessus dans la lutte perpétuelle pour le pouvoir ; il nous faut donc nous appuyer sur ces mêmes lois pour nous battre pour nos droits. Il nous faut utiliser leurs lois pour les tenir responsables.

La section 350 de la prison d’Evine a bien accueilli les réformateurs entre 1997 et 2006. Après l’élection présidentielle de 2009, c’est devenu le foyer des réformateurs et maintenant, c’est le lieu de résidence des militants des droits humains. Elle a toujours servi d’étalon pour jauger les libertés de pensée et d’expression. Aujourd’hui, ces attaques et cette violence dénotent la peur suscitée par Madame Ashton et les réactions à propos la déclaration sur les droits humains publiée par le parlement européen sur la situation des droits humains en Iran. C’est plus sérieux que cela ne l’a jamais été. On a maintenant peur d’un prisonnier doté de raison et de connaissances. Ce nouveau prisonnier connait la loi et sait que seules des déclarations et des résolutions écrites peuvent ébranler le régime. Ces documents sont une base pour un prisonnier qui ne possède rien dans son propre pays. Elles lui donnent espoir et confiance, et cette confiance signe l’arrêt de mort du réseau des tortionnaires. En plus, elles donnent le sentiment que le monde les regarde, et ça marche même si ce n’est qu’une illusion.

Ils sont très doués pour créer des crises, mais tout autant étroits d’esprit et ils ne voient pas plus loin que le bout de leurs nez.

Alors, par peur de perdre le pouvoir, ils se sont maintenant concentrés sur la section 350 d’Evine. Mais ils n’en tireront rien. L’économie, malade et non-traitée, cherchant toujours à guerroyer, ils ne peuvent s’en débarrasser.

C’est le moment pour tous les Iraniens, de l’intérieur comme de l’extérieur, de déposer plainte contre le régime. Tous les Iraniens seront alors reconnus comme prisonniers de la section 350 de la prison d’Evine. Les Iraniens peuvent commencer à utiliser ces plaintes dans l’intérêt du pays, qui n’est autre que la défense de la dignité humaine. Les outils législatifs sont disponibles à l’intérieur même des lois votées par la république islamique. Tant que les Iraniens ne se présenteront pas comme membres de la famille de tous les prisonniers politiques, aucun progrès n’aura lieu et les déclarations sur les droits humains de l’union européenne resteront sans effets.

Les lois régissant l’administration des prisons en Iran sont un bon outil pour des actions à grande échelle pour défendre leurs intérêts nationaux. La loi spécifie les infractions qui pourraient être commises par les prisonniers. Si l’on avait respecté les dispositions de cette loi, la crise actuelle n’aurait jamais eu lieu.

Les Iraniens de tous horizons peuvent manifester contre les politiques cruelles et sans fondement du régime à un niveau international et mondial. Ils peuvent révéler ses crimes.

Je dis à Monsieur Rouhani que s’il ne défend même pas les droits que son administration a identifiés dans sa charte des droits du citoyen, il sera relégué au rôle de simple « coordinateur d'agences », comme l’avait nommé le président Khatami, beaucoup plus vite qu’il ne le croit. Et ceux qui avaient voté pour lui se demanderont alors ce qui est arrivé à celui qu’ils avaient élu président pour qu’il se transforme en simple coordinateur. Monsieur Rouhani, ne succombez pas à la pression, soyez ferme sur la loi et les droits des citoyens. La population place encore en vous ses espérances et vous pouvez en jouer. Vous serez détruit plus vite que vous ne le croyez si vous n’agissez pas ainsi. Ne vous suicidez pas, le temps presse.

Source : http://www.roozonline.com/english/news3/newsitem/archive/2014/april/28/article/ward-350-of-evin-prison-is-peaceful.html

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