vendredi 16 mai 2014

Lettre des Yaran (membres du comité provisoire de la communauté bahaïe) à Mohammad-Djavad Laridjani

Suite aux récentes allégations de Mohammad-Javad Laridjani sur la situation des bahaïs en Iran : « Personne n’est en prison parce qu’il est bahaï ; les droits de citoyens des bahaïs sont protégés tant qu’ils ne commettent pas d’actes illégaux »

Au nom de Dieu,

A son excellence Mohammad-Djavad Laridjani, chef du département des droits humains de la justice,

Vos remarques provocantes lors de l’émission Discussion de l’Information sur la deuxième chaîne de la télévision iranienne diffusée le 17 mars, nous poussent, nous, membres de l’ancien comité provisoire de la communauté bahaïe d’Iran (Yaran) actuellement emprisonnés, à porter à votre connaissance quelques points, sans aucun plan ou intention d’exprimer des pensées dérangeantes, en évitant toute orientation ou point de vue politique, uniquement poussés par notre sens des responsabilités.

Le problème des bahaïs et les cruautés qui leur sont imposées n’ont rien de neuf. Certains médias, surtout les chaînes de télévision de la république islamique, ont systématiquement et unilatéralement attaqué ce groupe de leurs compatriotes, les soumettant à des accusations non-fondées. Et tout au long de ces années, pas un seul bahaï n’a été autorisé à répondre légalement à ces accusations injustes pour éliminer ces soupçons.

Monsieur Laridjani,

Il est encourageant de noter que vous traitez les droits humains comme d’un sujet important et que vous trouviez important de prêter attention à ses différents aspects. Mais le plus important, ce qui nous remplit de joie, c’est que, pour la première fois, vous affirmiez qu’en république islamique, on traitera les bahaïs sur la base de leurs droits de citoyens et que leur sécurité est de la responsabilité du gouvernement. Nous accueillons favorablement votre point de vue et voudrions affirmer que les bahaïs aussi espèrent que leurs droits de citoyens seront reconnus et respectés.

Il est réconfortant que vous considériez les bahaïs comme des citoyens ; cela promet des jours meilleurs orientés vers des relations avec cette communauté opprimée. Cependant, lorsque vous déclarez que « personne n’est en prison parce qu’il est bahaï » et « si les bahaïs ne commettent pas d’actes illégaux, leurs droits de citoyen seront respectés », vous sous-entendez que lorsque les bahaïs sont attaqués, c’est qu’ils ont commis des actes illégaux. Cette déclaration montre que, sur ce point, vous ignorez beaucoup de choses. Nous espérons donc, en mettant quelques faits en lumière, vous informer, vous aidant ainsi à assumer votre responsabilité essentielle de chef du département des droits humains de la justice d’une part, et témoigner de faits historiques pour éclairer la conscience de nos compatriotes impartiaux d’autre part. Malheureusement, la communauté bahaïe d’Iran a toujours été victime d’énormes violations de ses droits humains et d’accrochages graves avec les forces de sécurité et la justice à cause de l’intolérance religieuse et du refus des autres croyances. Nous espérons qu’après le changement d’attitude des autorités de votre honorable gouvernement, nous verrons le respect des droits humains de cette communauté.
  • 1-Monsieur Laridjani, plus de 220 bahaïs ont été exécutés, depuis une jeune fille de 16 ans  (  Mona Mahmoudnejad, exécutée en 1983 pour avoir enseigné aux enfants d’un orphelinat expulsés de l’école pour leur foi http://en.wikipedia.org/wiki/Mona_Mahmudnizhad) jusqu’à un vieillard de 95 ans ; d’après les documents officiels, on a dit à tous qu’ils ne seraient pas exécutés s’ils renonçaient à leur foi pour se convertir à l’islam ; leurs droits de citoyens ont-ils été respectés ? Si une personne est un criminel, sera-t-elle blanchie de son crime si elle renonce à sa foi ?
  • 2-Licenciement de dizaines de milliers de bahaïs de l’administration, l’arrêt du paiement de leurs retraites et, très souvent, interdiction pour les bahaïs de travailler dans le secteur privé : est-ce là le respect des droits humains ? Ces personnes n’avaient commis aucun crime, la raison invoquée pour leur licenciement était « adhésion à la secte bahaïe dévoyée ». A ce jour, Monsieur Laridjani, pouvez-vous nous citer un seul fonctionnaire bahaï ? La réponse est sûrement non puisqu’à ce jour, aucune administration n’a le droit d’employer un bahaï.
  • 3-La confiscation collective des biens des bahaïs de Yazd, l’interdiction pour eux de toute transaction commerciale sont-elles basées sur leurs droits de citoyens ? Monsieur Laridjani, les nourrissons à l’époque de la promulgation de ce règlement sont maintenant des adultes et ils rencontrent toujours de nombreux problèmes dans leurs transactions commerciales. Est-ce que ces nourrissons et ceux qui sont morts depuis longtemps déjà étaient tous des criminels ?
  • 4-L’expulsion de milliers d’étudiants bahaïs des universités après la révolution islamique et l’interdiction faite à des dizaines de milliers de jeunes enthousiastes d’entrer à l’université pendant ces 35 dernières années étaient-elles uniquement dues à leurs droits en tant que citoyens ? Vous ne considérez certainement pas les nombreuses notes de service aux universités pour leur ordonner de ne pas inscrire les bahaïs ou d’expulser les étudiants bahaïs comme étant en accord avec le soutien à l’éducation de la communauté bahaïe et le respect de leurs droits humains. Ces notes de service existent et ont été rédigées par un gouvernement qui, à vos yeux, respecte les droits des citoyens.
  • 5-Nous vous invitons à revoir la résolution de mars 1991 sur les bahaïs, édictée par le conseil culturel révolutionnaire suprême et promulguée par les plus hautes autorités du pays et à la comparer avec la constitution, les lois définissant les droits humains et citoyens. Cette résolution stipule clairement que :

  • Il ne faut pas inscrire les étudiants qui se disent bahaïs
  • Les bahaïs ne peuvent être employés par le gouvernement
  • Il faut les expulser des universités soit au moment de l’inscription ou durant leurs études s’ils se disent bahaïs
  • Il faut stopper leur progression sociale et économique.
  • Il convient de mentionner que lorsqu’un groupe d’étudiants bahaïs expulsés a porté plainte auprès de la cour administrative de justice en 2008, le jugement a confirmé : « Vous êtes expulsés en accord avec une résolution du conseil culturel révolutionnaire suprême. » La question est donc : comment cette résolution est-elle liée au soutien à apporter aux bahaïs et au respect de leurs droits de citoyens ? Et d’une façon impartiale, cette résolution n’explique-t-elle pas mieux le point de vue du régime et sa façon de se conduire envers les bahaïs ?
  • 6-Monsieur Laridjani, en toute conscience, nous aimerions vraiment que vous répondiez à cette question : Lorsque les bahaïs ont créé une structure permettant de poursuivre des études supérieures à leurs jeunes qui ne pouvaient y accéder, de façon virtuelle, depuis leurs domiciles, sans assistance du gouvernement, quel crime ont-ils commis ? L’éducation privée est-elle un crime d’après les lois de ce pays ? Est-il juste de condamner à de longues peines de prison ceux qui se sont sincèrement donné de leur temps pour l’éducation des jeunes ? Les actions officielles contre cette tentative n’ont-elles pas pour but de stopper tout progrès culturel de cette communauté ? Tous ces actes officiels ne reflètent-ils pas l’expression du soutien du régime au droit à l’éducation des bahaïs ?
  • 7-Monsieur Laridjani, le licenciement des salariés bahaïs des secteurs public, semi-public et même privé, la confiscation des biens privés des bahaïs dans les secteurs de l’agriculture et de l’industrie, et, d’après les documents disponibles, la pose de scellés sur des commerces bahaïs dans différentes villes, sans aucune base légale, l’éviction de nombreux villageois bahaïs, la confiscation de leurs troupeaux et de leurs terres ancestrales, ainsi que les problèmes sans nombre et sans fin auxquels les bahaïs sont confrontés pour gagner leur vie ne sont en aucune façon une réponse factuelle à un groupe qui, comme vous le dites vous-même, est sous la protection du régime. Il est bien sûr superflu d’affirmer que la protection des citoyens fait partie des devoirs inhérents à tout gouvernement. La question est : ces barrières et problèmes perpétuels ne sont-ils pas faits pour mettre en œuvre l’un des mandats du conseil culturel suprême de la révolution, à savoir empêcher le progrès économique des bahaïs ?
  • 8-Comment considérer la confiscation des biens bahaïs et de leurs lieux saints dans tout le pays ? Quel acte criminel commis par un quelconque bahaï a causé la confiscation de tous les lieux de culte et de rassemblement dans différentes villes et villages ? Vous qui pensez que les relations avec les bahaïs sont basées sur leurs droits de citoyens, vous accepterez sûrement que les bahaïs soient enterrés selon leurs désirs, suivant les rites et coutumes, dans un endroit approprié que tout gouvernement se doit de sécuriser. Cependant, même ce droit a été retiré aux bahaïs. Monsieur Laridjani, la confiscation et la profanation des cimetières bahaïs s’accordent-elles avec leurs droits de citoyens ? A votre avis, que signifie l’enlèvement des cadavres de leurs tombes ?

Monsieur Laridjani,

Ce qui précède n’est qu’un petit exemple des restrictions et des violations des droits humains que les bahaïs endurent. Bien sûr, les violations des droits humains ne se limitent pas aux bahaïs, ni aux dissidents culturels, artistiques, politiques et sociaux qui demandent des droits égaux d’après les principes explicités dans la constitution et la déclaration universelle des droits humains. Comme expliqué auparavant, il est urgent de créer des lois qui sauvegardent explicitement ces droits ; ensuite, il faut mettre en place des structures gouvernementales pour que l’application de ces lois ne dépende pas d’une interprétation tyrannique et arbitraire. Nous croyons que l’unité, l’égalité et la liberté de tous ne sont pas que des sujets civiques et légaux mais plutôt des principes spirituels dont la source est le créateur unique qui a créé toute l’humanité de la même poussière. Les structures civiques et légales, la foi dans l’unité et l’égalité et le respect des droits des autres font aussi partie des principes qui doivent émaner de la conscience et de la foi. Il conviendrait donc que les honorables autorités de la république islamique d’Iran se servent de ses capacités législatives pour renforcer la nation iranienne et permettre aux nobles peuples d’Iran, quelles que soient leurs croyances et leurs ethnies, de bénéficier de ses droits de citoyens en tant qu’Iraniens.

Les membres de l’ancien comité provisoire de la communauté bahaïe d’Iran (Yaran)

Source : http://iranpresswatch.org/post/9946/?utm_source=feedburner&utm_medium=feed&utm_campaign=Feed%3A+iranpresswatch+%28Iran+Press+Watch%3A+The+Baha%27i+Community%29

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