mercredi 24 février 2010

Shadi SADR: "la violence n'appartient pas à notre culture"

Shadi SADR, avocate, journaliste, militante des droits de l’Homme et activiste politique dont le courage lui a valu d'être emprisonnée il y a quelques mois a eu un entretien avec Voice of America (VOA) après la réunion de l’ONU à Genève au sujet des droits de l'Homme en Iran, le lundi 15 février 2010. La traduction de cet entretien en Français ci-dessous a été réalisée par Ghazamfar. La traduction en anglais est disponible ici.

Shadi SADR, fait preuve d'un courage exceptionnel. Elle a été sur tous les fronts malgré les menaces, malgré son emprisonnement. Le 5 Mars 2010, elle interviendra lors d'un colloque à Francfort à quelques jours de la journée internationale des femmes (8 Mars). Elle symbolise à elle seule le combat des femmes iraniennes, leur détermination et leur contribution décisive au mouvement vert.
 

Traduction de la vidéo

Journaliste: Une conférence de presse a eu lieu suite à la réunion sur les droits humains à Genève. Shadi Sadr, avocate et militante féministe en était l’une des participantes. Comment la république islamique pourra-t-elle se défendre face au rapport qu’elle a publié alors que les militants des droits humains se sont rassemblés et que de nombreux meurtres et arrestations de militants des droits civils et politiques ont eu lieu ?

Shadi Sadr: La plus grande partie du rapport publié par la république islamique décrit notre constitution et nos lois pour montrer à la communauté internationale que nous avons des lois en Iran. Il est vrai que ces lois existent et qu’elles pourraient améliorer la situation des droits humains en Iran jusqu’à un certain point, mais à condition d’être respectées. La principale question c’est la mise en application de la loi et la règle de la loi en Iran. De ce point de vue, le rapport du gouvernement se tait ou présente des informations erronées.

Le problème ne se limite pas à la situation des prisonniers politiques ou des violations des droits humains après les élections. Par exemple, le problème de la « loi sur la famille » en Iran. Ce qui m’intéresse, c’est qu’après avoir combattu la loi pendant trois ans et montré sa nature « misogyne » ; il rend légitime la polygamie et encourage les « mariages temporaires » ; le gouvernement iranien a indiqué dans son rapport que la « loi sur la famille » fait partie des lois en cours de ratification par le congrès pour améliorer la situation des femmes en Iran. Pour les représentants des autres pays qui ne connaissent pas cette loi, il suffit de penser qu’il y a une loi en cours de ratification qui soutient les femmes et les familles. C’est parce qu’il ne connaissent pas réellement le contenu de notre législation. Nous nous efforçons ici d’expliquer plusieurs points comme celui que je viens de citer et de montrer que le contenu de ce rapport n’est pas véridique.

Un autre point que le rapport du gouvernement iranien met bien en avant : les organisations internationales de droits humains mettraient la pression sur l’Iran en tentant de lui imposer les valeurs et les normes occidentales, donc les organisations internationales de droits humains sont contre notre culture. Finalement, ils prétendent que les organisations internationales de droits humains sont contre l’islam et que c’est la raison pour laquelle ils ne peuvent accepter beaucoup de leurs lois. Je pense que la question qui mériterait d’être posée c’est la polygamie est-elle acceptable dans la culture iranienne. Et aussi, dans quelle partie de la culture iranienne est-il permis de battre des manifestants pacifiques qui cherchent simplement leurs votes et s’opposent aux décisions prises par des politiciens ? Il n’y a pas de violence dans notre culture. Une violence d’une telle ampleur dans la rue est absolument contraire à notre culture.

Justifier les violations des droits humains en utilisant la culture iranienne comme excuse n’aide pas la cause ; cela abîme l’image des Iraniens aux yeux de la communauté internationale. La communauté internationale est face à un gouvernement qui admet l’exécution et la lapidation, encourage la polygamie, bat les protestants et torture et tue les prisonniers. Ils font tout ça et l’attribue à la culture iranienne. Vous voyez ce que cela veut dire ?

Journaliste: Critiquez-vous la façon dont les rapports sont rédigés à cette importante réunion de l’ONU? Les décisions et les déclarations émanant de la convention de l’ONU sur les droits humains sont très importantes. Y a t il des points que vous aimeriez évoquer sur la conduite de la convention ?

Shadi Sadr: Voyez-vous, le processus d’examen des violations des droits de l’homme dans les pays est nouveau. A cause de toutes les restrictions mises par le gouvernement iranien sur les militants civiques ou politiques en Iran, nous en savons très peu sur les mécanismes et les processus de la commission des droits humains de l’ONU. C’est ce qui a rendu nos espoirs complètement utopiques parfois. Ici, il nous faut être réalistes et comprendre que ce sont les gouvernements qui jouent les rôles principaux dans ce mécanisme. Nous, les militants des droits civiques et humains, ne sommes pas les décideurs ici, nous ne pouvons qu’influencer le résultat. Les processus sont très complexes et bureaucratiques. Des milliers d’intérêts politiques sont en jeu. Même ceux qui prétendent être très impliqués par les violations des droits humains en Iran peuvent même éviter de s’exprimer à cause d’accords politiques ou économiques conclus secrètement.

Je pense que quelques points sont importants dans ce processus complexe. D’abord, nous ne devons pas en attendre trop. C’est un processus. Ce qui se passera lundi ne sera qu’un début. Lundi, ce n’est que l’ouverture du dossier. Nous aurons largement le temps dans les mois à venir, surtout en mars pour influer sur ce processus; c’est à cette époque que les décisions finales seront prises. Il est aussi important que nous exigions des normes internationales et de clarifier ce que essayons d’atteindre de ce processus. L’ONU et la commission des droits humains ne vont pas répondre à tous nos vœux. Nous devons seulement influencer le processus.

Il est aussi très important que tous les militants des droits civiques participent à ce processus parce que le gouvernement iranien a annoncé dans son rapport que le rapport national iranien avait été écrit en coopération avec des groupes de droits civiques, mais aucun n’est nommé dans son rapport. Il y a 30 organisations représentant l’Iran qui prétendent être des ONG de défense des droits civiques. Alors que la plupart des militants des droits civiques sont soit en prison, tués ou ont fui le pays, il faut trouver qui sont ces 30 groupes de droits civiques. Qui sont ces personnes représentant les droits civiques en Iran ?
Je pense également que, pour affecter le processus, les manifestations devant l’ONU doivent être de grande ampleur.


Autre texte de Shadi Sadr disponible sur ce blog: 

L'Ayatollah Montazeri: du pardon à l'éradication de la violence

ps: si vous avez accès à d'autres traductions des textes de Shadi Sadr en Français, veuillez nous les transmettre pour publication sur ce blog.   

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