dimanche 11 juillet 2010

Lettre de Madjid Tavakoli - 6 juillet 2010

Mercredi 7 juillet 2010 – Madjid Tavakoli, étudiant emprisonné de l’université Amir-Kabir (AUT) a écrit une lettre à l’occasion de l’anniversaire de l’attaque des cités universitaires du 9 juillet 1999 (18 tir). Texte intégral de la lettre publié par HRANA :
 
Le onzième anniversaire de l’attaque des cités universitaires, le 9 juillet, arrive et notre douleur persiste. A la veille de cet anniversaire, les bougies sont allumées pour nous rappeler une époque où notre liberté fut sacrifiée dans un complot comprenant des meurtres en série et l’interdiction de tous les journaux. Comme toujours, les étudiants étaient à l’avant-garde de cette lutte contre l’autoritarisme, mais hélas, les crimes commis dans les cités universitaires furent des atrocités sans précédent.
 
La trahison de notre désir historique de liberté et de notre lutte nationale pour l’atteindre a conduit à la fin de la démocratie et à une impasse pour la république. Les universités devinrent le foyer de la violence. Le respect fut piétiné, les frontières violées et les portes du sanctuaire des étudiants finalement enfoncées.
 
Ils ont détruit et brûlé tout ce qu’ils ont vu. Les étudiants sans défense devinrent la cible des matraques et des tirs, tout cela au nom de la religion et pour soutenir le guide suprême. Nos condisciples furent défenestrés, des nuits encore plus sanglantes, des journées encore plus douloureuses.
 
Le 9 juillet fut imbibé de sang ; ils ont détruit et brûlé jusqu’à ce que tout ne soit que cendres. Ils se sont assurés que la douleur infligée durerait des mois, des années. Le temps s’est arrêté ce 9 juillet et l’université est devenue le symbole éternel de la lutte des étudiants contre l’autoritarisme et pour la liberté. Dix ans plus tard, la haine de la tyrannie perdure au cœur des témoins de ce 9 juillet. L’histoire douloureuse du 9 juillet s’est perpétuée en 2009 quand le pouvoir en place prit sur lui d’utiliser la violence pour violer et tuer nos condisciples, changeant les salles de torture de la prison de Kahrizak en une exposition des crimes les plus haineux et les plus amers de ces années.

Il s’est trouvé partout dans le gouvernement, des individus plus que désireux d’envoyer des innocents dans les salles de torture de la prison de Kahrizak après les avoir réprimés et arrêtés le 9 juillet. Ils ont utilisé les techniques de torture les plus haïssables sur ceux dont le seul crime était d’être étudiant ; il y a eu beaucoup de morts sous le viol et la torture.
 
Tandis que le 9 juillet était devenu éternel, nous avons vu, cette année, la naissance du Mouvement Vert. Ce qui s’est passé la veille du 15 juin 2009 dans les cités universitaires, ce n’était que l’histoire qui se répétait : manifestations, tromperies, violence, superstition, flagornerie, tricheries, meurtres, cruauté et crimes. Cette fois-ci, les balles ont été ajoutées à la myriade des autres armes. Si le 9 juillet est le symbole du courage et de l’honnêteté de la résistance de l’université, le 15 juin 2009 et les manifestations qui l’ont suivi sont le symbole du courage et du refus de la violence de la tyrannie et de l’esclandre.
 
Le guide suprême, décisionnaire pour tout ce qui a suivi les élections de 1999, a mentionné les atrocités commises dans les cités universitaires mais hélas, comme pour les crimes de la prison de Kahrizak, ce n’était que des gesticulations sans signification causées par la nervosité ; les évènements du 9 juillet sont ainsi commodément oubliés. Les discours sous le coup de l’émotion et les conduites irrationnelles se sont multipliés, les responsabilités ont été oubliées. Si commentaire il y avait, ce n’était que pour menacer les dirigeants Verts et les militants politiques. Ceux qui posaient des questions ne s’attendaient pas à l’extrémisme et à la répression. De la même façon, le coup d’état contre le gouvernement au pouvoir le 9 juillet 1999 n’a jamais fait l’objet d’une enquête.
 
2009 est certes derrière nous mais les années d’absence de gouvernance, de manque de responsabilité envers ces évènements amers perdure. La dignité du peuple iranien est restée intacte malgré tout. Même si notre peuple est devenu plus alerte que jamais et s’il a prouvé au monde entier qu’il méritait un gouvernement meilleur, les souvenirs amers des évènements de l’université restent intacts.
 
L’intensification des crises culturelles et économiques, l’approfondissement des fractures sociales et culturelles, la perte de légitimité et de dignité du pouvoir en place, la conduite inacceptable et les agissements des autorités pendant l’année écoulée, n’étaient que des tentatives pour intimider et réprimer l’espoir ravivé par le Mouvement Vert. La bataille menée par le gouvernement contre l’espoir et la connaissance a conduit à la peur et à un prix élevé payé par tous ceux qui cherchent la liberté. Mais grâce à notre courage et à notre espoir, cela aussi disparaîtra.
 
Aujourd’hui, on empêche beaucoup d’étudiants de poursuivre leurs études universitaires. Chaque jour augmente le nombre des étudiants emprisonnés, les exclusions sans précédent de la poursuite des études et des examens, l’empiètement sur les droits des étudiants, les exclusions, les professeurs renvoyés et l’assèchement de nos cerveaux par l’exil de nos intellectuels. En dépit de la volonté des ennemis de l’université, elle ne s’est pas tue. En fait, la prison d’Evine s’est transformée en une sorte d’université, pleine de jeunes passionnés et pleins d’espoir, des fondateurs du mouvement étudiant, moteur qui pousse le Mouvement Vert, prouvant encore une fois que, malgré la répression, les intimidations et le lourd prix de la lutte, les étudiants ont triomphé, que ce sont eux les vainqueurs.
 
Le mouvement étudiant, les étudiants emprisonnés, ceux privés du droit de poursuivre leurs études, ils sont tous devenus des phares et des symboles d’espoir. Aujourd’hui, l’université est également accusée d’être le moteur qui pousse le Mouvement Vert à aller de l’avant ; elle est donc intensément attaquée. Les ennemis de l’université veulent qu’elle ferme ; ils cherchent à éliminer toutes les institutions indépendantes d’éducation et de sciences humaines, sources de connaissance et de lucidité. Ils veulent une université sans vie. Ils veulent effacer les souvenirs du 9 juillet et du 7 décembre de notre mémoire collective. L’université reste le pire cauchemar du gouvernement en place. Elle ne se laissera pas avoir par tous ces complots et tromperies au nom de l’islam. L’université triomphera et tous ses ennemis succomberont devant le courage et la persévérance outils de la résistance à l’oppression. Les souvenirs du 9 juillet sont toujours vivants ; c’est le témoignage de la force de notre volonté. Nous savons que le 9 juillet restera vivant comme un autre signe de victoire de ce mouvement dynamique qui a débuté il y a longtemps déjà.
 
Aujourd’hui, le mouvement étudiant est plus déterminé que jamais à poursuivre son chemin. C’est une source de conscience et un symbole de courage. Il comprend notre société et tend la main aux intellectuels. Notre mouvement étudiant est un fervent supporter des journalistes et soutient les activités politiques et sociales. Il est opposé à toute forme de violence et encourage notre culture. Le mouvement étudiant n’abandonnera pas les dirigeants Verts à cette époque charnière et fera le maximum pour que les étudiants collaborent le plus efficacement possible. Le mouvement étudiant respecte les expériences passées et entend bien enregistrer et partager ces expériences pour être encore plus actif. Aujourd’hui, le mouvement étudiant est conscient des tactiques d’oppression et fera tout pour protéger les étudiants. Il s’assurera que les tactiques utilisées soient en adéquation avec une stratégie destinée à nous rapprocher de la victoire.
 
Nous sommes heureux aujourd’hui que les voix de l’université soient entendues, même en prison. Nous sommes heureux de savoir que nos amis ont conservé vivant notre espoir. La voix de ceux qui cherchent la liberté a réduit les cris de la dictature au silence. Nous sommes heureux et honorés de nous tenir aux côtés de nos amis étudiants. Nous encourageons tous les étudiants à nous rejoindre car nous avons bon espoir, nous en sommes même sûrs, que dans un proche avenir, nous nous rencontrerons tous pour célébrer notre Verte liberté et l’avènement de la démocratie.
 
Notre histoire est sur le point de se renouveler, de changer. Cette fois-ci, nous aurons certes débuté par des souvenirs amers, mais nous aurons survécu aux épreuves, aux difficultés, à l’amertume de l’année dernière qui n’aurons fait qu’augmenter notre espoir. Cette fois-ci, notre vœu est de célébrer la nouvelle année. Nous voulons la célébrer car nous sommes certains de la victoire.
 
Majid Tavakoli

6 juillet 2010 – Prison d’Evine bloc 350



Source: HRANA http://hra-news.org/685/1389-01-27-05-26-23/2607-1.html

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire