vendredi 30 juillet 2010

Un rapport de la prison de Radjaï-Shahr - Docteur Saïd Massouri

 Jeudi 29 juillet 2010 – RAHANADans une lettre émouvante, Saïd Massouri, incarcéré depuis 2000, décrit la situation poignante de la prison de Radjaï-Shahr. Le Docteur Saïd Massouri a été arrêté en décembre 2000, dans la ville de Dezfoul et est actuellement détenu dans la section 10 du pavillon 4 de la prison de Radjaï-Shahr de Karadj. Son procès initial et celui en appel l’avaient condamné à mort. De ses 10 ans de prison, il en a passé 3 à l’isolement dans les prisons de Téhéran et Dezfoul. Après des efforts intensifs, sa peine de mort a été commuée en emprisonnement à vie.

Suivant les rapports de RAHANA, Massouri n’a jamais bénéficié de permission pendant ses 10 ans ; pendant sa préventive et son isolement, il a été soumis à des tortures physiques et psychologiques intenses. Massouri a été transféré à la prison de Radjaï-Shahr connue pour ses conditions inhumaines il y a quelques années. Dans une lettre écrite de l’intérieur de la prison et qui est parvenue à l’agence de presse RAHANA « La maison des droits de l’homme d’Iran », Massouri décrit les conditions inhumaines de la prison :

La vie à l’extérieur de la prison continue comme d’habitude et il est difficile d’imaginer quel enfer, quelle tragédie humaine se passent à quelques mètres, derrière les murs de la prison qu’ils côtoient quotidiennement, un peu comme ceux qui vivaient à proximité des camps d’Auschwitz et de Dachau, qui n’avaient peut-être aucune idée de ce qui pouvait se passer derrière les murs de ces camps notoires.

Je veux dépeindre la prison de Radjaï-Shahr, qui parait grande aux citoyens de Karadj mais qui n’est en réalité qu’une très petite prison en raison de sa surpopulation. C’est un monde différent, ressemblant beaucoup à l’enfer décrit dans les films de fiction, plein de feu et de fumée. Un monde rempli de visages brûlés, noirs, ébouriffés, de corps nus couverts de sueur et de marques rouges de piqûres de puce. Un monde plein de pantalons déchirés donc les lambeaux servent de ceintures, de pieds nus et sales, de vêtements portés à l’envers et couverts de puces, déchirés, de claquettes dépareillées. Un monde à l’air pollué, par l’odeur extrême des ordures en putréfaction, par les égouts débordant dans les toilettes, par la toxicité du vomi séché, par le flegme infectieux et les odeurs corporelles de corps vivant dans la promiscuité et ayant rarement l’occasion de se baigner et culminant par l’odeur de l’urine de ceux qui ne se contrôlent plus.

Voilà la toile de fond du formidable tumulte et des cris des prisonniers qui semblent passer leurs journées entières à faire la queue. Des prisonniers faisant la queue debout, une bouteille de plastique retournée à la main pour leur servir de tasse à thé, tassés dans des queues multiples, longues, pour utiliser les toilettes ou prendre une douche, etc…

Des visages décharnés par la malnutrition mais cachés derrière des barbes touffues et des cheveux ébouriffés, des toux déchirantes causées par les problèmes respiratoires dus à la contamination de l’air à l’intérieur, des corps méconnaissables qui rappellent les enfants africains en temps de famine, des masses de prisonniers dans les couloirs, tels des zombies, frappés par la chaleur, leurs yeux sans vie fixant les murs et le plafond, des corps décharnés cherchant les puces dans les coutures des vêtements, des corps frôlant d’autres corps, trop habitués aux images qui les entourent.

Une foule d’autres prisonniers, isolés ou par groupes de deux, incapables de marcher à cause de la foule, regarde les autres qui jouent avec les points de suture sur leurs poignets ou leur cou, posés suite à des automutilations. Beaucoup ont à la main une petite serviette ou un morceau de tissu qui leur sert à s’éponger la sueur sur la tête ou le visage toutes les deux minutes ; cela leur sert également à se masquer la bouche et le nez pour mieux supporter la puanteur de l’air contaminé. Ajoutez à cela le tumulte et le bruit assourdissant de leurs haut-parleurs qui crient des insultes vulgaires, exigeant le silence, ordonnant de respecter les règles en usage aux toilettes et aux douches, etc… On ne réalise la dureté des conditions que lorsqu’on sait que l’endroi,t censé héberger 90 personnes au maximum, contient plus de 1.100 prisonniers. Il y a une douche pour 250 prisonniers, un pain ou un flacon de savon pour 500, une toilette (souvent pleine et en plein dégorgement) pour 170. Pour cinq prisonniers, l’espace disponible est de 5m2, ce qui oblige les prisonniers à utiliser les couloirs et les escaliers ; une couverture pour 5 ou 6 prisonniers ; des prisonniers contraints d’être en dehors de leurs cellules de 19h00 à 07h00, debout, à cause du manque d’espace. Même à l’air libre, on trouve rarement une place. On sert souvent la nourriture sur une feuille de journal et la seule façon pour pouvoir manger est de trouver une place où s’asseoir à l’air libre. Ces conditions touchent également les gardiens qui non seulement sont confrontés à la tâche redoutable de compter les détenus et de garder trace de leur passage, mais encore sont confrontés à toutes sortes de maladies et d’infections.

Il est toujours surprenant d’entendre du matin au soir la télévision parler de dignité humaine, de droits humains et de la façon de gouverner le monde, mais pas un mot de ce qui se passe derrière les murs de cette prison. Apparemment, la santé publique, les douches et les toilettes sont tellement liées à la sécurité nationale qu’en parler est considéré comme un crime contre la sécurité nationale. Prenons par exemple Reza Djoushan, 22 ans, transféré à l’isolement pour avoir eu l’audace d’élever la voix et de se plaindre de la situation. Bien que son transfert à l’isolement n’ait pas été une surprise pour moi, la situation à Radjaï-Shahr et dans d’autres prisons est si terrible qu’elle ne sera pas résolue en envoyant les gens à l’isolement. Rien d’étonnant à ce que beaucoup de prisonniers incarcérés dans les célèbres prisons iraniennes rêvent d’endroits comme les prisons de Guantanamo et d’Abu Ghraib comme de rêves inaccessibles, leur exécution devenant leur seul espoir tangible d’échapper à cette tragédie humaine insupportable.

Saïd Massouri - Prison de Radjaï-Shahr - Juillet 2010

Sources: http://www.rhairan.us/archives/21043

http://negar-irani.posterous.com/24433459

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