dimanche 4 juillet 2010

Rooz/Fereshteh Ghazi : des accusés inconnus condamnés à mort

Fereshteh Ghazi
1er juillet 2010

L’organe judiciaire des forces armées a annoncé hier les verdicts du procès des accusés de KAHRIZAK. Cet organe a au même moment fait allusion aux conclusions du dossier des dortoirs de l’université [NDT : violente attaque des dortoirs de l’université de Téhéran intervenue le 15 juin 2009]. Ceci intervient alors que selon les familles Javadifar et Kamrani, [Amir Javadifar et Mohammad Kamrani ont été assassiné dans ce centre de détention], ces verdicts n’avaient pas été communiqués à eux ou à leurs avocats. Ces familles ont découverts les verdicts par la presse.

La cellule de communication de l’organe judiciaire des forces armées a annoncé dans un communiqué que le tribunal militaire a condamné deux accusés à la peine capitale ("ghesas") pour des coups et blessures volontaires. Ce communiqué n’a pas nommé les accusés mais a précisé qu’ils ont été jugés coupables pour coups et blessures ayant causé la mort de Mohsen Rouholamini, Mohammad Kamrani et Amir Javadifar. Ils ont été condamnés à la peine de prison avec interdiction provisoire d’exercer leurs fonctions, au paiement d’une amende, à des coups de fouet, au paiement du prix du sang ("dieh", compensation financière payée aux familles des victimes lorsqu’il y a meurtre, selon la loi islamique) et à la peine de morte ("ghesas nafs").
  
Selon ce même communiqué, un condamné a été relaxé et neuf autres ont été condamnés à des peines de prison, paiement de prix du sang ("dieh"), amendes, coups de fouet et interdiction provisoire d’exercer leurs fonctions.

Verdict non communiqué
Les verdicts prononcés par le tribunal militaire ne sont pas définitifs et les accusés peuvent faire appel. Ces verdicts ont été publiés dans la presse alors que les familles des victimes et leurs avocats n’avaient pas été tenus au courant.

Babak Javadifar, le frère d’Amir Javadifar a déclaré à Rooz : "Nous n’avons pas été informés. Nous avons pris connaissance de ces verdicts par la presse. Nous ne connaissons pas encore les détails de ces verdicts et ne pouvons de ce fait portés un jugement sur leur nature".

Ali Kamrani, le père de Mohammad Kamrani a déclaré à Rooz : "Nous ignorons toujours les détails du verdict. Il n’ont fait qu’une annonce très globale. Nous ne pouvons pas vraiment porter un jugement. Nous attendons que le juge du tribunal rentre de son pèlerinage à la Mecque pour découvrir les détails de ce verdict".

Ali Javadifar, le père d’Amir Javadifar avait déclaré à Rooz que les familles des victimes avaient critiqué contre certains passages du réquisitoire et ceci avait interrompu le cours du procès.

Aucune information concernant le déroulement du procès et la conduite des enquêtes n’a encore été publiée. Les familles des victimes ont aussi gardé le silence en raison du déroulement du procès à huit clos et de l’absence de toute publication d’information.   

Juger les vrais responsables de KAHRIZAK
L’organe judiciaire des forces armées avait déclaré que les accusés étaient des membres des forces de l’ordre. Les familles avaient déclaré à Rooz qu’elles voulaient voir les vrais instigateurs des atrocités commises jugés. Une demande qui n’a jamais été satisfaite. 

Ali Kamrani a indiqué à Rooz : "Nous ignorons quand le procès des responsables de KAHRIZAK sera tenu. Nous voulons que les vrais instigateurs soient jugés. Nous voulons que ce procès se tienne rapidement".

Babak Javadifar a aussi indiqué à Rooz : "Nous suivons cette demande des familles à 100%. Nous attendons que le procès des fonctionnaires du pouvoir judiciaire ayant donné l’ordre de transférer les prisonniers à KAHRIZAK se tienne dès que possible, sur la base du rapport rendu public par le Parlement et des rapports de l’organe judiciaire des forces armées et les informations évoqués lors de ce procès.

L’allusion de Monsieur Javadifar au rapport du Parlement concerne le document rendu public par le comité spécial chargé d’enquêter sur les incidents post-électoraux. Ce comité, avait identifié Saïd Mortazavi, le Procureur de Téhéran pendant les faits, comme celui qui avait ordonné le transfert des prisonniers arrêtés le 18 Tir au centre de détention de KAHRIZAK. Ce comité avait indiqué que Mortazavi avait motivé cette décision par "un manque de place à la prison d’Evin".

Les victimes de KAHRIZAK
Amir Javadifar, Mohammad Kamrani et Mohsen Rouholamini sont les victimes qui ont succombé aux coups et blessures et à la torture pratiquée dans le centre de détention de KAHRIZAK, dénommé depuis le Guantanamo d’Iran.

La République Islamique a reconnu la mort de ces trois individus à KAHRIZAK alors que la mort de Ramin Aghazadeh Ghahremani et d’Abbas Nejati Kargar, dans ce centre de détention n’a jamais été reconnue par les responsables militaro-judiciaires. Ces deux personnes ont succombé après avoir été libéré de KAHRIZAK et en raison des tortures subies pendant leur détention. 

Ramin Pourandarjani, médecin militaire, est une autre victime de KAHRIZAK. Les autorités ont tout d’abord annoncé que sa mort était due à une attaque cardiaque, ensuite qu’il s’était suicidé et plus tard, qu’il était mort d’une intoxication. Mais selon les révélations publiées par Rooz, le compte rendu de la première évaluation de la cause du décès ayant intervenu sur le lieu où le corps a été retrouvé faisait état d’un étranglement au niveau du cou. 

Les autres victimes de KAHRIZAK
Mais les victimes de ce centre de détention ne se limitent pas à ceux qui y sont morts. Selon l’organe judiciaire des forces armées, 98 prisonniers de centre avaient porté plainte à la suite des violences subies pendant leur incarcération. Ce même organe indiquait que 51 de ces prisonniers avaient retiré leurs plaintes suite au paiement d’indemnités et à la reconnaissance des faits par certains intermédiaires du Conseil Supérieur de la Sécurité Nationale. 

Selon ces informations, en plus des familles de ces trois personnes décédées à KAHRIZAK, il existe 47 autres plaignants.  

Mehdi Karoubi, l’un des leaders des opposants aux résultats de l’élection truquée du 12 juin 2009, dans une lettre adressé à Hashemi Rafsanjani, faisait état de viols subis par des prisonniers, homme et femme. Mais les autorités ont déclaré que ces affirmations étaient des mensonges et ont interdit à ces plaignants de porter plainte.     

La prison de KAHRIZAK qui avait été construite dans le cadre du nettoyage et de réorganisation de la région de Tehran Pars et qui, selon les affirmations des responsables militaires, avait été utilisé pour la détention des "racailles", a été utilisée après l’élection du 12 juin pour détenir les opposants aux résultats de cette élection.  

Une prison où, selon la description du comité spécial du Parlement, 147 prisonniers ont été détenus dans une petite superficie, sans système d’aération, souffrant d’un manque d’eau et de nourriture appropriée, subissant les pires insultes, les actes de tortures, les coups et blessures, la promiscuité avec les prisonniers dangereux, les actes d’humiliation et tout ceci dans l’indifférence totale des responsables de cette prison vis-à-vis de l’état physique des prisonniers.

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