dimanche 25 juillet 2010

Défense émouvante d’Issa Saharkhiz derrière le huis clos du tribunal révolutionnaire islamique-1ère partie

Honorables président de la cour et membres du jury,

Je suis sûr que vous savez ce qui va suivre : moi, Issa Saharkhiz, ai été arrêté il y a un an et deux semaines, le 3 juillet 2009 comme indiqué dans mon dossier n° 11257/88/TD, dans la cité de Pandjdastgah, village de Tirkadeh, ville de Nour. Les fonctionnaires du ministère du renseignement de la province du Mazandaran (très probablement de la ville de Sari), sur les ordres de leurs supérieurs hiérarchiques (y compris le ministre du renseignement de l’époque, Hojjatol-Islam Gholam-Hossein Mohseni-Eje'i et son responsable et supérieur hiérarchique direct Mahmoud Ahmadinedjad, qui, comme indiqué dans les articles 133, 134, 136 et 137 de la constitution est totalement responsable des instructions données à tous les membres de son cabinet et de leur direction) ont commencé, en l’absence de provocation de ma part, à me battre, ce qui a provoqué des blessures sérieuses : oedèmes et meurtrissures des côtés de mon torse et de mes poignets, une blessure au tendon à l’épaule gauche, fractures aux côtes et luxation des os du cartilage de la partie inférieure de la poitrine.

Au moment de mon arrestation, le responsable de l’équipe du ministère de l’information a même déclaré : « Si quelqu’un tente de s’obstiner ou de s’entêter à propos de votre arrestation, même si c’est votre propre enfant, je m’assurerai qu’il soit puni en conséquence. » Cette affirmation révèle d’elle-même son jugement a priori sur ma personnalité, basé sur les idées de ses supérieurs (peut-être le ministre lui-même)

Les tortures lourdes, les bastonnades et les coups que j’ai subis d’au moins six agents sont une violation grossière de nos lois nationales et en particulier une violation de notre constitution et du code pénal islamique.

Article 38 de notre constitution : « Toute forme de torture dans le but d’extorquer des aveux ou d’obtenir des informations est interdite. Obliger des gens à témoigner, à avouer ou à prêter serment n’est pas licite et tout témoignage, aveu ou serment obtenu sous la contrainte est dénué de valeur et de crédit. La violation de cet article est passible de sanction suivant la loi. »

Ce sujet a également été souligné dans le code pénal islamique article 574 : « Tout fonctionnaire de la justice ou d’une autre administration du gouvernement qui contraindrait un accusé aux aveux par l’usage du harcèlement ou de toute forme de représailles sera condamné à une peine d’emprisonnement de six mois à trois ans en plus des dommages et intérêts. »

Vous savez mieux que moi, et les membres du public aujourd’hui également, que la république islamique d’Iran s’est engagée à respecter les lois et règlements internationaux en particulier la déclaration universelle des droits humains. Article 5 de la déclaration universelle des droits humains : « Nul ne sera soumis à la torture ou à des traitements ou châtiments cruels, inhumains ou dégradants. ». Article 11 de cette même déclaration : « Tout accusé a le droit d’être présumé innocent jusqu'à ce qu’on prouve sa culpabilité suivant la loi lors d’un procès public durant lequel il aura toutes les garanties nécessaires à sa défense. »

Après avoir subi une telle violence physique et avoir été battu par les agents, je les ai informé que j’avais des côtes de cassées, mais ils n’ont fait que se moquer de moi, refusant de me transférer à l’hôpital ou dans un autre établissement médical. Alors même que j’aurais pu souffrir d’hémorragie interne, j’ai été emmené en voiture jusqu’à Téhéran, 400 kilomètres, et transféré directement à la prison d’Evine.

A la prison d’Evine, le médecin de garde a fait l’examen médical d’entrée et enregistré mes blessures : œdème et meurtrissures aux côtés gauche et droit du torse et aux poignets comprenant des blessures graves à la cage thoracique. En conséquence et après consultation avec les fonctionnaires de la prison, le médecin ordonna mon transfert immédiat, cette même nuit, à l’hôpital Ghamare Banihashem (situé au nord de l’autoroute Nord avant le pont de Seyyed Khandan). Un certain nombre de fonctionnaires furent alors envoyés à l’hôpital et le troisième étage fut vidé pour préparer mon admission éventuelle.

Honorables membres de l’assistance et des médias,

Mon arrestation a eu lieu dans les circonstances décrites ci-dessus et j’ai été accusé de délits (à savoir participation à des manifestations et incitation à manifester) alors que je n’ai jamais commis ces fautes. Les accusations dont on me charge étaient soit une forme de conspiration contre moi, soit arrangées spécifiquement pour traiter les évènements qui ont suivi les élections présidentielles du 12 juin 2009. Autrement, il n’aurait pas été nécessaire de publier de telles charges sous le prétexte que les actes commis allaient à l’encontre de la sécurité nationale, alors que l’offense commise n’était en fait que le simple crime d’information. Un acte qui est intrinsèquement contraire aux articles 37 et 39 de notre constitution.

Article 37 de notre constitution qui traite de la présomption d’innocence : « L’innocence doit être présumée et nul ne doit être considéré coupable à moins que sa culpabilité n’ait été établie par un tribunal compétent. »

Le premier des chefs d’accusation présentés à la cour, a été supprimé et remplacé par deux autres (insultes aux dirigeants de l’état et propagande à l’encontre du régime) ce qui parle en faveur de l’authenticité de mes plaintes. La question qui se pose à nous est donc de savoir pourquoi une personne accusée d’être un membre de la presse par des documents et des preuves (partant du principe que les accusations aient été prouvées), accusé d’être un journaliste, prenant la plume et écrivant des articles est également qualifiée d’accusé de collusion contre la sécurité nationale ? En se basant sur les accusations du ministère de la justice, comment justifier mon emprisonnement pendant 380 jours dans les sections 209 et 350 de la prison d’Evine, dans celle de Radjaï Shahr et dans celle de Fardis réservée aux criminels endurcis ? De plus, non seulement on m’a refusé la libération sous caution alors que j’étais en attente de mon procès, mais on m’a en plus privé du droit de permission temporaire.

Honorable membres de la cour et du jury,

Comme je l’ai expliqué auparavant, je suis un journaliste connu, et même si je n’ai pas commis de crime, j’ai été torturé physiquement et transféré à la section 209 de la prison d’Evine. En raison de mon état physique déplorable, j’ai été emmené à l’hôpital à 22h30 le 3 juillet 2009. On a pris des radios sous différents angles, j’ai été examiné par trois médecins, dont celui de garde à la prison ce soir-là et deux autres spécialistes appelé en urgence, je n’ai malheureusement pas été hospitalisé mais mes côtes cassées et ma cage thoracique fracturée ont été explicitement confirmées. L’examen médical a conclu que la performation pulmonaire et rénale par les os cassés et donc l’hémorragie interne étaient négatives.

A 01h30, samedi 4 juillet 2009, je fus ramené dans la cellule d’isolement 31 de la section 209 d’Evine. A cette époque, on m’a prescrit toute une gamme d’anti-douleurs (des pilules, des capsules, des crèmes et des suppositoires) pour soulager mes douleurs. Depuis le tout début, j’avais souligné que je devrais être examiné par un médecin légiste pour pouvoir entamer les démarches légales nécessaires. Malheureusement, les agents du ministère du renseignement et ceux chargés de mon dossier n’ont pas accédé à ma demande et ont même refusé de suivre la procédure qui m’aurait fourni le traitement médical nécessaire. Autrement dit, les personnes en charge de mon dossier ont quitté le droit chemin pour m’infliger des douleurs et leur conduite a fait que je souffre constamment de mes blessures et fractures, jour et nuit. Comme vous le voyez aujourd’hui, les fractures sont visibles sur ma peau et la nuit, quand je dors, je ressens comme une aiguille qui me transpercerait le corps, une douleur que je devrai endurer pour le restant de mes jours.

La question aujourd’hui est pourquoi, alors que mes amis et moi, citoyens de ce pays, portons plainte auprès des autorités, particulièrement contre le responsable de la justice, l’ancien ministre du renseignement et le procureur général, les années passent et nos plaintes ne sont pas envoyées au tribunal, mais quand l’ordre d’arrestation pour ceux qui me ressemblent est rédigé, mon arrestation et mon emprisonnement se font dans l’espace d’une seule journée depuis l’un des lieux les plus éloignés du pays ? De plus, bien qu’environ une année se soit écoulée depuis l’enregistrement de la plainte, alors que 8 mois se soient écoulés depuis les dernières enquêtes du procureur, le tribunal n’a pas tenu audience, pour, qu’au moins, l’accusé dont les crimes n’ont pas été prouvés, puisse bénéficier de quelques mois d’emprisonnement de moins que le minimum défini par la loi.

Honorable président du tribunal,

Article 34 de notre constitution : « C’est le droit imprescriptible de chaque citoyen de demander justice auprès des tribunaux compétents. Tous les citoyens ont le droit d’ester en ces tribunaux et personne ne peut être empêché d’accéder aux tribunaux auprès desquels il a un droit de recours légal. »

Monsieur Gholam-Hossein Mohseni-Eje'i m’a infligé des blessures comme prouvé par le rapport du médecin légiste (il m’a visé avec un objet lourd et m’a mordu l’oreille) ; j’ai contacté les fonctionnaires de la justice, j’ai fait enregistrer ma plainte il y a cinq ans, les preuves ont été jointes au dossier qui était complet ; le tribunal n’a jamais statué sur ce cas et l’accusé n’a jamais été arrête. Mais quand on dépose plainte contre moi, je suis torturé et frappé de façon éhontée, je suis arrêté et emprisonné pour une durée illimitée en tant que prisonnier de conscience. N’est-ce pas le signe d’un traitement de faveur dans le système de la justice iranienne ? Est-ce ce qui est évoqué comme le respect de la loi, de la justice et du système judiciaire islamique ?

Distingués membres du jury et du tribunal

Je fais référence à la page 17 de mon dossier et aux procédures réglementaires datées du 3 juillet 2009 (date de mon arrestation) ; le bureau du procureur de Nour m’a signifié les accusations suivantes :

  • Se basant sur le mandat d’arrêt du ministre du renseignement et la 3eme chambre du tribunal révolutionnaire chargée de la sécurité, vous êtes accusé de : « Participation à des manifestations avec l’intention de créer le chaos, et de porter atteinte au régime et à la sécurité de la nation » Que répondez-vous ?
  • Je réfute cette accusation je n’ai participé à aucun rassemblement, à aucune manifestation et je n’ai pas l’intention d’y participer dans l’avenir. Quand il y a eu des risques d’affrontements entre la population et le président, grâce à l’autorité qui m’avait été conférée par le quartier général de Monsieur Karroubi et agissant en tant que porte-parole officieux de la campagne de Monsieur Moussavi, j’ai donné une interview à Al-Alam (chaîne en langue arabe) ; j’y ai annoncé que le rassemblement initialement prévu place Vali-Asr le 30 juin avait été annulé et j’ai demandé à la population de ne pas se rassembler pour éviter les affrontements.

Les pages 115 à 120 de mon dossier sont consacrées aux interrogatoires du 8 au 10 juillet 2009 (environ une semaine après mon arrestation). On y trouve la question suivante :

  • Concernant l’accusation d’incitation à la participation aux manifestations, merci de donner toute information pouvant éclairer le sujet. 
  • Comme indiqué au juge président le tribunal de Nour, moi, Issa Saharkhiz, je n’ai participé à aucune des manifestations pacifiques de la population. De plus, en raison de ma position réformiste, j’ai toujours cherché à encourager la population à avancer vers la démocratie, davantage de droits humains plutôt que vers la révolte et le chaos. En ce qui concerne les évènements qui ont débuté le 12 juin 2009 et les manifestations d’une nation cherchant à retrouver ses droits perdus qui s’en sont suivi, j’ai concentré mes efforts sur la promotion de rassemblements basés sur le slogan Allah-O-Akbar (Dieu est grand) les rassemblements silencieux arborant des symboles verts et offrant des fleurs aux individus armés se conduisant de façon inhumaine pour que, avec l’aide de Dieu, nous puissions mettre un terme à ce type de conduite.
  • Qualifier les résultats des élections de coup d’état, n’est-ce pas inviter la population à manifester et à créer le chaos ?
  • Coup d’état est un terme légal et politique, basé sur certaines conditions ; il peut avoir des conséquences bénéfiques ou maléfiques. J’ai qualifié les résultats de coup d’état comme beaucoup d’autres personnes de premier plan de notre pays (comme Seyyed Mohammad Khatami) ce qui ne change pas la nature des élections. La constitution de la république islamique, qui a vu le jour suite à une révolution à laquelle je m’honore d’avoir participé, contient plusieurs principes dont le droit de la population à se rassembler et à manifester. Article 27 de notre constitution qui traite du droit de se rassembler et de manifester : « Les rassemblement publics et les défilés peuvent avoir lieu librement à partir du moment où les armes en sont absentes et où ils ne portent pas atteinte aux principes fondamentaux de l’Islam. » Naturellement, manifester et créer le chaos sont deux choses totalement différentes. En fait, le chaos vient de ceux qui se mettent en travers des droits d’une nation et de ses citoyens ou qui les foulent aux pieds, les privant ainsi de se rassembler et de manifester légalement. La moindre des choses serait que ce soit eux qui soient accusés et traînés en justice. »

Honorable président du tribunal, membres du jury et vous tous qui êtes présents,

Si l’on considère la preuve ci-dessus et ma déclaration, mon incarcération illégale dans plusieurs prisons ne viole-t-elle pas l’article 32 de notre constitution ? Imaginons un instant que les autorités du ministère du renseignement et les enquêteurs de la 3ème chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran spécialisée dans la sécurité aient eu tort de prétendre à une théorie de la conspiration et qu’il soit faux que j’ai participé à des manifestations et ai incité à y participer. Après avoir entendu ma défense et en l’absence de toute preuve du contraire, après qu’il soit devenu clair à leurs yeux que les accusations n’étaient pas fondées et que donc elles ont été abandonnées, n’auraient-ils pas du fermer mon dossier, me libérer de prison sans aucun châtiment afin de ne pas violer les lois édictées dans la constitution ? Mon incarcération de plus d’une année n’e vient-elle pas elle-même en violation de l’article 32 de notre constitution ? Ils prétendent que j’ai commis un crime contre la sécurité nationale pour s’assurer que je sois interdit de permission de sortie. Je n’ai donc même pas pu assister à la construction pour la fondation caritative de ma mère en l’honneur de mon frère martyr Saïd Saharkhiz, privant des douzaines d’orphelins d’assistance. Nous ne saurons jamais combien de vies auraient pu être sauvées si nous avions pu donner accès à cette fondation et à son assistance.

Article 32 de la constitution : « …un procès préliminaire doit être terminé aussi rapidement que possible. » Partant du principe que les accusations initiales n’aient pas été abandonnées, garder quelqu’un en prison pendant 380 jours, est-ce vraiment « un procès préliminaire terminé aussi rapidement que possible ? » Est-ce vraiment le respect de la loi par la justice de la république islamique ? Qui est responsable de la violation de cet article ? Quelle personnes, à quel poste et quels services doivent être châtiés en se basant sur les principes de cet article ? Est-ce la section sous l’autorité directe du guide suprême l’ayatollah Khamenei, dont le responsable est directement nommé par le guide suprême en contradiction avec la loi ? Ou bien le guide suprême de la république islamique a-t-il failli à ses obligations stipulées dans le paragraphe 2 de l’article 110 de la constitution : « Supervision de l’exécution correcte de la politique générale du système » ?

Dans ce cas, n’est-il pas sujet à l’article 11 de la constitution : « Si le guide devient incapable de remplir ses devoirs constitutionnels ou perd une des qualifications stipulées dans les articles 5 et 109, ou si l’on apprend qu’il ne possédait pas quelques unes de ces qualifications dès le début, il sera démis.. » ?

La question de savoir qui a violé l’article 32 de notre constitution doit être traitée et une peine spécifique doit être infligée

Source : Défense d’Issa Saharkhiz Kaleme: http://www.kaleme.com/1389/04/27/klm-26091



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire