Houshang Assadi est une victime de l’égalité des chances devant la torture. Il a été torturé du temps du shah et encore torturé après la révolution islamique. Il ressent encore les douleurs toutes les nuits.
Ce journaliste ancien communiste de 59 ans qui vit en exil à Paris peut finalement se venger de son ancien tortionnaire, un homme qu’il en est venu à connaître et à craindre sous le nom de frère Hamid grâce à Internet.
Le récit des malheurs d’Assadi reflète l’histoire moderne de l’Iran. Il y relate les horreurs et l’intrigue avec humanité et des touches de poésie et d’humour dans un livre intitulé « Lettres à mon tortionnaire » qui vient d’être publié en version Anglaise.
Quand il a été torturé pour la première fois par la police secrète du Shah, la Savak à la prison Moshtarek de Téhéran à la fin des années 70s, il partageait sa cellule avec un religieux musulman nommé Ali Khamenei. Ils sont devenus amis.
Quand Assadi a de nouveau été torturé dans la même prison au début des années 80s, Khamenei était handicapé suite à un attentat à la bombe et était devenu président de la république islamique, établie après le renversement du shah par la révolution de 1979.
Aujourd’hui, Khamenei est le guide suprême d’Iran supervisant une nouvelle répression des réformistes imposée après les manifestations contre la réélection controversée du président Mahmoud Ahmadinedjad l’année dernière. Certaines des mêmes prisons et techniques d’interrogatoires sont encore une fois utilisées, d’après l’opposition.
Pendant les deux ans de liberté relative qui ont suivi la tourmente révolutionnaire, Assadi est resté en contact avec Khamenei, avant sa seconde arrestation.
Le livre dépeint un Khamenei intellectuel, humain, passionné de littérature, qui apprécie les plaisanteries, méconnaissable par rapport au sévère idéologue fondamentaliste d’aujourd’hui.
CONNAISSEUR DE LA TORTURE
Quand Assadi a été condamné à mort pour avoir soi-disant pris part à un complot communiste visant à renverser le régime islamique, son épouse a contacté le président pour lui demander de l’aide.
Khamenei a envoyé au juge une lettre manuscrite disant simplement qu’il avait toujours été au courant des idées politiques du journaliste. Assadi ne croit pas que ce soit ce qui l’a sauvé de l’exécution.
« Je n’étais pas assez important dans le parti. Ils ont exécuté les membres dirigeants au tout premier niveau. Je ne faisais pas partie du premier cercle. J’étais un journaliste de Mardom, le journal du parti » a-t-il déclaré dans une interview à Reuters.
Assadi a survécu à l’assassinat en masse de milliers de prisonniers politiques ordonné par le dirigeant révolutionnaire, l’ayatollah Rouhollah Khomeiny en 1988 après avoir déclaré au tribunal qu’il avait renié le parti communiste Toudeh pour devenir un musulman fidèle.
En tant que connaisseur de la torture, il perçoit très distinctement les différences entre ceux qui la pratiquent :
« Le but de la savak était d’obtenir des informations tandis que les islamistes veulent vous casser, vous insulter. »
Frère Hamid l’appelait « mauviette inutile » et le faisait aboyer comme un chien quand il voulait « avouer » pour faire cesser la douleur.
Le but était de faire qu’un pécheur se repente et embrasse l’islam, même s’il n’y avait aucune garantie de finalement éviter l’exécution
Quelques unes des techniques employées :
- Suspendre les prisonniers par une chaîne attachée aux mains liées dans le dos
- Flageller la plante des pieds jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus marcher ou se tenir debout sans endurer le martyre
- Leur casser les dents et leur refuser de voir un dentiste
Assadi a également été soumis à l’humiliation d’être contraint de manger ses propres excréments et ceux de ses compagnons de cellule gauchistes.
Frère Hamid voulait qu’il avoue faire part d’un complot pour un coup d’état communiste qui aurait été étrangement forgé par les services de renseignement soviétique et britannique.
On lui ordonnait d’écrire ses « aveux » sur des feuilles de papier blanc laissées dans la salle de torture. S’ils ne correspondaient pas à ce qui était attendu, il était soumis à de nouveaux supplices.
« Ils veulent vous faire jouer le rôle qu’ils ont écrit pour vous dans leur propre scénario » dit Assadi, un fou de cinéma qui publiait un magazine de films à Téhéran jusqu’à ce qu’il soit envahi et fermé en 2005, année où il a fui en France avec son épouse.
Avant chaque séance de torture, frère Hamid invoquait les saints des musulmans shiites : « Au nom de la céleste Fatemeh… » Claque !
Quand le tortionnaire était fatigué, il mettait une cassette qui serinait un chant hypnotique shiite rappelant le champ de bataille où Hussein, le petit-fils du prophète Maohemet a été tué : « Kerbala, Kerbala, nous sommes en route… »
La prison de Moshtarek est aujourd’hui un musée avec des expositions dénonçant les tortionnaires du shah. Mais leurs techniques sont encore utilisées à la prison d’Evine, qui s’étend toujours ; c’est le principal centre de détention pour les délinquants politiques, d’après les détenus relâchés.
Maintenant c’est au tour de frère Hamid de transpirer depuis qu’Assadi l’a démasqué alors qu’il donnait une interview à Voice of America en tant qu’ambassadeur dans un pays d’Asie centrale. L’envoyé a été promptement rappelé à Téhéran et mis à la retraite.
Assadi, qui travaille avec son épouse Nooshabeh Amiri pour un site d’information (www.roozonline.com), a posté sur Internet une photo de son tourmenteur en compagnie du président Ahmadinedjad lors d’une visite officielle au Tadjikistan.
« Allah soit loué un million de fois, tu as grossi. Ton double menton s’étale au–dessus de ton uniforme officiel d’ambassadeur » a-t-il écrit. Bien que les yeux bandés la plupart du temps qu’il a passé en prison, il dit avoir clairement vu frère Hamid trois fois.
De jeunes exilés, militants de la démocratie faisant partie du Mouvement Vert interdit ont trouvé de nouvelles photos de frère Hamid, qui a été jusqu’au poste de vice-ministre du renseignement, assistant à une réunion d’anciens ambassadeurs.
Ils ont découvert son addresse, le nom de ses enfants et ont contacté sa fille via sa page FaceBook.
A l’âge d’Internet, même les tortionnaires doivent craindre pour leur intimité.
(Letters to My Torturer; Love, Revolution and Imprisonment in Khomeini’s Iran; published by Oneworld, Oxford Reuters)
Source :http://www.roozonline.com/english/news/newsitem/article/2010/july/17//torture-victims-saga-mirrors-irans-history.html
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