lundi 19 juillet 2010

NYT - Le président iranien renouvelle sa pression sur les conservateurs

WILLIAM YONG et ROBERT F. WORTH

Publié le 16 juillet 2010
 
TEHERAN — Ayant réussi à réprimer le soulèvement de l’opposition consécutif aux élections présidentielles controversées de l’été dernier, le président Mahamoud Ahmadinedjad et ses partisans concentrent maintenant leurs efforts sur un autre groupe rival, les conservateurs traditionnels iraniens.
 
Les rivaux conservateurs de Monsieur Ahmadinedjad répliquent , l’accusant publiquement de mettre à l’écart les religieux et le parlement, de poursuivre une idéologie « extrémiste » et d’intriguer pour consolider son contrôle sur toutes les branches du système politique iranien.

« Maintenant qu’ils pensent s’être débarrassés des réformistes, ils pensent peut-être qu’il est temps d’éliminer leurs opposants principalistes » explique Mortéza Nabavi, rédacteur en chef du journal du courant dominant conservateur lors d’une interview inhabituellement crue publiée vendredi dans l’hebdomadaire Panjereh. Les conservateurs iraniens, y compris le groupe d’Ahamdinedjad, préfèrent le terme « principalisme » à celui de « fondamentalisme ».

Les grèves qui ont éclaté dans le bazar de Téhéran la semaine dernière, provoquées par un projet d’augmentation des taxes, reflète la fracture croissante entre les factions conservatrices, les commerçants ou bazaris du côté des traditionalistes.

Monsieur Ahmadinedjad a souvent nourri les peurs traditionnelles des conservateurs ; il a fait allusion aux divisions entre conservateurs, mettant en garde : « Le régime n’a qu’un seul parti » lors d’un discours prononcé lundi sur son site Web officiel, ce qui a provoqué un scandale parmi ses rivaux conservateurs.

« Je pense que nous assistons à une sort de McCarthyisme à l’iranienne où Ahmadinedjad se débarrasserait de tous ceux qui ne sont pas avec lui en les accusant d’être anti-révolutionnaires ou non islamique » dit un analyste politique iranien qui a refusé d’être identifié par peur des représailles.

En un sens, la lutte pour le pouvoir au sein des conservateurs est un retour à la situation d’avant les élections présidentielles de l’année dernière qui ont déchaîné les pires dissensions internes depuis des décennies en Iran. L’occident a largement considéré les manifestations de rue comme un défi à la théocratie iranienne. Mais au bout d’un an, les épanchements de colère publique n’ont apporté aucun effet tangible, la poussière est retombée pour dévoiler de nouveau une fracture plus profonde de l’élite politique en Iran.

La faille est en partie une faille de générations, Monsieur Ahmadinedjad conduisant une cohorte conservatrice soutenue par l’élite des gardes révolutionnaires. De l’autre côté, une génération plus âgée dont l’autorité émane de ses liens avec l’ayatollah Rouhollah Khomeiny, le dirigeant de la révolution islamique de 1979. Les législateurs réformistes représentent actuellement une minorité largement impuissante au parlement. « Ahmadinedjad veut une nouvelle définition du conservatisme. Il veut dire, les vrais conservateurs, ce n’est plus vous, c’est nous » ajoute l’analyste politique.
 
Les conservateurs les plus anciens, y compris les religieux, les législateurs et les dirigeants du bazar, ancien centre des échanges et du commerce, ont longtemps mis en questions les compétences de Monsieur Ahmadinedjad et ont même accusé ses ministres de corruption. Mais récemment, ils sont allés plus loin, accusant la faction de Monsieur Ahmadinedjad de trahir les principes de la révolution islamique et d’être adepte d’un culte messianique qui rejette le rôle d’intermédiaire du clergé.

Pour certains, ces critiques se résument à un appel déguisé des anciens conservateurs au guide suprême de l’Iran, l’ayatollah Ali Khamenei, pour brider le président ou même le démettre. Les divisions ont surgi le mois dernier, quand les parlementaires conservateurs ont bloque par un vote les efforts de Monsieur Ahmadinedjad pour prendre le contrôle de la plus grande institution universitaire iranienne, l’université Azad, qui possède des établissements dans tout le pays et d’énormes atouts financiers. Cette université a été fondée par Ali Akbar Rafsandjani, ancien président de la république et figure centrale des conservateurs traditionnels. Apres le vote, un porte-parole de Monsieur Ahmadinedjad a déclaré que les législateurs « avaient aidé la conspiration » une expression souvent utilisée pour les manifestants et les groupes terroristes.

Le lendemain, une manifestation soutenue par le gouvernement s’est formée devant le parlement, les manifestants y dénonçant Ali Laridjani, président du parlement et rival conservateur de Monsieur Ahmadinedjad. « Nous dénoncerons les parlementaires perfides » disait l’une des affiches publiées par ILNA, l’agence de presse iranienne semi-officielle. A Qom, des étudiants partisans du gouvernement ont distribué des tracts disant : « Monsieur Laridjani, rendez-nous notre vote, vous ne nous représentez plus. »

Monsieur Laridjani s’est moqué de ceux qui le critiquaient les traitant d’ « impudents, sans logique et avides de controverses. »
 
L’ayatollah Khamenei a essayé d’apparaître neutre dans cette dispute à propos de l’université ordonnant aux deux parties, Messieurs Ahmadinedjad et Rafsandjani d’arrêter d’essayer de changer le statut de l’université

Depuis lors, un autre front s’est ouvert contre l’administration. .Les commerçants iraniens, les bazaris, se sont soulevés pour protester contre les plans de Monsieur Ahmadinedjad de les pressurer par plus d’impôts. Le grand bazar central de Téhéran, un vaste labyrinthe complexe formé de tunnels arqués et de cours, a fermé pour protester pendant plus d’une semaine, et la grève s’est étendue a d’autres grandes villes.

La dimension politique du conflit n’est pas encore totalement formée mais la classe des commerçants iraniens est profondément liée au parti conservateur traditionnel, le Motalefeh, dont les membres détiennent des postes clés dans l’université Azad. Monsieur Rafsandjani était membre du Motalefeh et a toujours de forts liens avec lui.

Les conservateurs traditionnels se sont opposés à l’administration de Monsieur Ahmadinedjad sur de nombreux problèmes durant l’année écoule, y compris sur des nominations controverses à des postes ministériels et sur la tentative de remaniement du système des subventions vieux de plusieurs décennies. En avril, la tension est montée d’un cran quand les législateurs conservateurs ont demandé l’arrestation du premier vice-président Mohammad-Reza Rahimi pour corruption.

Dernièrement, le ton est monté des deux côtés. Lundi, un parlementaire conservateur de premier plan, Omidvar Rezaï, a averti que le gouvernement de Monsieur Ahmadinedjad avait violé la constitution iranienne et que le parlement « pourrait être obligé de faire usage des ses pouvoirs légaux » y compris la dégradation et la destitution du président selon le site Web d’information Khabar Online.

Le mois dernier, beaucoup de conservateurs ont été choqués quand des chahuteurs pro-Ahmadinedjad ont empêché Hassan Khomeiny, le petit-fils de l’ayatollah Khomeiny de prononcer un discours lors d’une commémoration de la mort de son grand-père.

« La conduite d’extrémistes qui ne sont pas ouverts au débat ou à la logique a créé une division au sein des principalistes ».dit Mohammad Ashfrafi-Esfahani, un religieux important membre de l’organisme qui supervise les partis politiques, dans des commentaires publiés par ILNA. « Ce groupe n’épargne personne, pas même la famille de l’imam [Khomeiny] »

Un éditorial du 21 juin de Khabar Online, que l’on croit être lié à Monsieur Laridjani, met en garde contre : « Un mouvement extrémiste, portant les vêtements de l’islam et de la révolution. »

Monsieur Nabavi, rédacteur en chef du journal, suggère également que la faction de Monsieur Ahmadinedjad appartient à une secte, bannie il y a des décennies par l’ayatollah Khomeiny, qui met l’accent sur le retour prophétisé du 12ème imam shiite qui aurait disparu qu neuvième siècle. L’accusation est courante, mais les conservateurs ne l’avaient jusque là pas portée si clairement et ouvertement.

« Ces gens disent qu’ils ont un contact direct avec le 12ème imam et que donc ils peuvent nous diriger » dit Monsieur Nabavi dans cette interview. « Ce n’est pas qu’une affaire de clergé opposé au gouvernement, il s’agit de quelque chose de beaucoup plus profond. »

Sources : http://www.nytimes.com/2010/07/17/world/middleeast/17rift.html?pagewanted=1&_r=2&sq=iran nabavi&st=cse&scp=1

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