dimanche 14 mars 2010

Les femmes, victimes de la révolution iranienne - Mehrangiz Kar

Article de Mehrangiz Kar 
5 mars 2010
 
Les iraniennes ont joué un rôle important dans la victoire de la révolution iranienne de 1979. Elles furent également les premières, au nom de l’islam et de la révolution, à subir le manque de respect et l’animosité. Immédiatement après la révolution du 11 février, elles perdirent les droits qu’elles avaient acquis pendant la dernière décennie de la monarchie Pahlavi. Ce rapport expose des exemples de cette attaque qui continue depuis trente ans sous différentes formes. Le statut légal des femmes s’est grandement détérioré par rapport à ce qu’il était avant la révolution. Durant les trois dernières décennies, toutes les militantes ont fait l’expérience de la détention, des insultes et des contraintes qui ont en ont poussé beaucoup à quitter leur patrie. Actuellement, beaucoup d’iraniennes courageuses, qui ont soutenu le mouvement national de protestation, sont en prison. Certaines ont été libérées, mais les cautions élevées et la menace du retour en prison les ont contraintes au silence, elles ne peuvent même pas décrire ce qui leur est arrivé en prison. De plus, beaucoup de femmes ont été convoquées et menacées d’emprisonnement par le ministre du renseignement et les tribunaux révolutionnaires.

L’insatisfaction et les manifestations des femmes prennent leurs racines dans les méthodes par lesquelles leurs droits et leur dignité humaine ont été foulés aux pieds. Ce qui suit est un rapport sur les violations systématiques des droits des femmes après la révolution. Il est basé sur des observations, des documents et ce qui a été publié par la presse pendant cette période.

Le Hidjab obligatoire. 
C’était la première quinzaine de mars 1979. Au cours d’un discours important, l’ayatollah Khomeiny, le chef de la révolution, demandait aux religieux des séminaires d’annuler leurs cours et de se rendre dans les villes et villages éloignés pour préparer le pays au referendum. L’imam Khomeiny demandait à ses fidèles d’encourager la population à voter pour la république islamique. C’était tout, rien de plus, rien de moins. Il demandait également aux fonctionnaires femmes de porter sur leur lieu de travail, le vêtement prescrit par la charia, le hidjab.

Avant ce discours historique, beaucoup avaient insisté sur l’urgence d’imposer le hidjab, mais personne ne les prenait au sérieux. Ce sujet avait été avancé et justifié obstinément par la télévision d’état accaparée par les fondamentalistes islamiques. Mais les mots de l’ayatollah Khomeiny avait une autre dimension et un pouvoir unique. Les fonctionnaires commencèrent à ressentir le sérieux du danger. Certaines décidèrent d’influencer les décisions des nouveaux administrateurs du pays en organisant des manifestations pacifiques. Quelquefois, ces manifestations attirèrent l’attention. Les membres de l’association des avocats organisèrent la première manifestation et le ministère de la justice devint le point de ralliement des femmes éduquées et professionnelles qui ne voulaient pas rendre les armes devant le hidjab obligatoire. En d’autres termes, les iraniennes furent les premières à avoir recours aux manifestations pacifiques pendant les incidents politiques d’après la révolution, une tendance qui se poursuit jusqu’à aujourd’hui.

Dans le contexte des transformations politiques et sociales de l’Iran, la mise en application du hidjab obligatoire représente un tournant. On peut regarder ce problème sous des centaines d’angles différents et analyser les évènements politiques post-révolutionnaires comme ses conséquences. Il serait simpliste de penser que les Iraniennes qui travaillaient se sont rendues au hidjab obligatoire sans résistance après les discours de l’ayatollah Khomeiny. Nous avons été témoin de ce qui s’est révélé. L’histoire contemporaine de l’Iran révèle que le peuple iranien a réagi contre le hidjab obligatoire peut-être plus que contre toute autre restriction, en s’engageant dans des manifestations individuelles et collectives. Me renvoi généralisé des femmes de leur travail a été le facteur déterminant qui a peu à peu préparé la voie de la mise en application du hidjab obligatoire dans les bureaux officiels. Après les purges des différents bureaux et malgré toutes les insultes que les manifestantes avaient essuyées, l’organisation des affaires de l’emploi a publié la circulaire n° 29280 en 1981 qui rendait le hidjab obligatoire pour l’uniforme des employées. Cela s’est passé quatre ans après le discours de l’imam Khomeiny.

De mon point de vue, le hidjab obligatoire était la première étape pour monter les iraniennes les unes contre les autres. Ces femmes coexistaient pacifiquement avant la révolution. Le phénomène destructeur de « femmes contre femmes » était né et fut nourri par cet incident qui lui a donné une forme gouvernementale et agressive. Je vais relater un évènement qui a mis en marche un épisode calamiteux de l’histoire des changements sociaux et politiques en Iran.

Après la manifestation anti-hidjab du ministère de la justice, Sadeq Qotbzadeh, premier président de la radiodiffusion de la république d’Iran (IRIB) a rejoint un grand rassemblement de supporters et, après un discours de Gohar-ol-Sharieh Dastgheyb, l’un des principaux partisans de Khomeiny, il a bâti les bases des attaques contre les femmes qui refusaient le port du hidjab. Il parla devant une foule excitée qui avait été rassemblée par le nouveau régime et comptait dans ses rangs des femmes portant un hidjab total. Arguant du fait que 150 milles personnes avaient été blessées ou avaient perdu la vie pour la révolution islamique, il déclara :  « A partir d’aujourd’hui, nous expliquerons clairement ce que veulent dire les concepts de la république islamique. »

Une déclaration fut publiée pendant cette manifestation qui exalte la personnalité hautaine de Qotbzadeh et exige la formation d’une force organisée pour réprimer les critiques et défendre l’action des femmes contre les femmes. Voici deux paragraphes de cette déclaration :
  • Paragraphe 11 : « Nos femmes héroïques condamnent et rejettent toute forme de division et de fracture dans les rangs unis et organisés de nos frères révolutionnaires. »
  • Paragraphe 12 : « Nos sœurs musulmanes proposent et déclarent que le hidjab est l’arme du combat et la barricade de la vertu pour toutes les révolutionnaires combattantes. »
Cet incident montre la transition entre une étape de la révolution iranienne et une autre ; il a permis l’apparition d’un slogan qui, comme un avertissement, était constamment en évidence à l’étonnement général.

« Ma sœur, ton hidjab est plus puissant que mon sang. » Signé les Martyrs
L’image qui accompagnait ce slogan sur les murs représentait le visage d’une femme transformé en poing, un foulard bien serré sur la tête. Donc, au nom de l’islam et de la révolution, le premier droit perdu par les femmes fut celui de librement choisir ou rejeter le hidjab. Le régime révolutionnaire viola ce droit si franchement que maintenant, les iraniennes sont même privées du droit de choisir le genre de hidjab qu’elles désirent porter. Il ne faut pas oublier que de nombreuses révolutionnaires du pays assistèrent le nouveau gouvernement dans ces attaques. Si une grande partie de la population iranienne n’avait pas soutenu les radicaux (pour des raisons idéologiques ou matérielles) ces agressions auraient été étouffées dans l’œuf et nous ne serions pas obligées de lutter contre tant d’obstacles pour recouvrer nos droits humains au bout de trente ans.

Femmes et Juges
Avant la révolution des marja’-e taqlid (sources religieuses d’émulation) avaient suggéré que l’islam interdisait aux femmes d’être juges. Dans quelques interviews, l’ayatollah Shariatmadari, l’un des meilleurs marja’-e taqlid avait dit qu’à ses yeux, l’islam ne permettait pas aux femmes de devenir juges. Il a confirmé son point de vue dans des interviews avec Reuters et Voice of America le 27 janvier 1979. L’ayatollah Shariatmadari a répété son point de vue : les femmes ne sont pas faites pour être juges (journal Keyhan du 31 janvier 1979). A la suite du l’ayatollah Ali Shariatmadari, d’autres religieux ont crié en chaire que le droit des femmes à devenir juges, droit établi avant la révolution, était non islamique. Ces fatwas (décrets religieux) et d’autres déclarations de différents juristes islamiques furent imprimées dans les journaux quelques jours avant que la révolution islamique ne renverse le Shah. Bien sûr, la révolution avait déjà scellé sa victoire puisque le régime du shah avait annoncé sa propre mort. Immédiatement et sur la base de ces fatwas, la prestation de serment des juges se déroula hors la présence des femmes. Le ministre de la justice de l’époque Monsieur Assadollah Mobashéri, qui connaissait la loi et faisait de la politique depuis Mossaddegh, au lieu de désapprouver, s’en accommoda. Il ne voulait pas perdre son poste et son rang et essaya d’éviter le problème. Répondant à la question d’un journaliste, il dit : « A cause de nécessité administratives et sans attenter au droit des stagiaires femmes, on leur a conseillé de travailler comme administratrices et assistantes du procureur. » Apparemment, ce juriste et militant politique ne connaissait pas la définition de la loi ou bien il pensait que ses mots ne seraient pas retenus par l’histoire. Il est difficile de croire qu’il ne connaissait pas l’impact désastreux de ses mots sur les droits des femles. Plus tard, le porte-parole de l’association iranienne de défense des droits humains posa cette question à Monsieur Mobashéri : « Votre Excellence, vous êtes l’un des fondateurs de l’association iranienne de défense de la liberté et des droits humains. Naturellement, vous devriez vous efforcer de préserver l’égalité des droits des personnes et l’on attendait de vous d’aider à préserver les nominations judiciaires de stagiaires femmes (Journal Ayandegan, 10 avril 1979). »

Donc, si les iraniennes, surtout les jeunes, cherchent la trace de ceux qui ont attaqué leurs droits acquis pour mieux les connaître, elles ne devraient pas se limiter aux marja’-e taqlid ou aux religieux. Des personnes éduquées dans les universités iraniennes et occidentales ont également contribué à provoquer les problèmes actuels. Actuellement, certains survivants se posent en défenseurs des droits des femmes, mais ils ne sont pas vraiment fiables. Ils cherchent à se hisser sur les épaules des femmes, puis, une fois leur pouvoir consolidé, nous conduire dans sur le même chemin déviant.

A cause de la coopération assurée de Monsieur Mobashéri avec les ennemis de l’égalité des droits pour les femmes, les jeunes stagiaires de la justice, aux ambitions élevées qui attendaient que la révolution leur offre de nouvelles possibilités, perdirent leur illusions et commencèren en juin 1979 un sit-in d’une semaine au ministère de la justice. Assises sur un tapis rugueux, elles tenaient des cartons couverts de slogans. Certains leur apportaient de la nourriture et de l’eau, mais un groupe de sbires violents a fini par chasser ces femmes désespérées du bâtiment. Ces sbires avaient probablement reçu la permission de patrons éduqués comme Monsieur Mobashéri, ministre de la justice de l’époque ! Ils ont certainement réussi à comprendre le plan avec l’aide de femmes qui approuvaient l’usage de la violence révolutionnaire et physique contre ces jeunes stagiaires. Les incidents qui ont suivi démontrèrent que personne ne faisait attention aux manifestations des femmes. Le moteur de la révolution tournait à toute vitesse et écrasait impitoyablement le cadavre des droits acquis des iraniennes, avec l’intention de l’enterrer une fois pour toutes. Le moteur tournait à toute allure, si bien que, le 12 avril 1979, le gouverneur d’Anzali sortit un plan ingénieux : « Le plan de séparation des hommes des femmes dans l’usage de la mer. »

Les lois familiales
Les femmes se préparaient pour la journée de la femme le 8 mars 1979 quand le bureau de l’ayatollah Khomeiny annonça l’annulation de la loi de protection de la famille. Au début, un certain Hadj Nasser Zarkub, retraité du ministère de la justice, demanda une fatwa à l’ayatollah Khomeiny.

« Son Excellence, l’ayatollah imam Khomeiny, chef suprême des musulmans,
La loi de protection de la famille appliquée par les tribunaux pour les divorces, est en contradiction directe avecles précepte de notre coran magnanime. Je ne vois aucune mention de la loi de protection de la famille dans votre essai scientifique. Qu’en pensez-vous ? »

Le bureau de l’ayatollah Khomeiny répondit :

« Au nom de Dieu,
Au respecté responsable du tribunal aux affaires familiales dont je demande le succès à Dieu,
La loi de protection de la famille est contraire à la charia illuminatrice et le grand ayatollah a explicitement ordonné sa suspension jusqu’à ce que le ministère de la justice annonce son abolition.
Bureau de l’ayatollah Khomeiny. »

Immédiatement après la formation du conseil des gardiens en 1979, ses juristes religieux attaquèrent les droits que les femmes avaient acquis pour la protection et la garde des enfants. En approuvant un projet de loi, ils annulèrent les lois contraires aux provisions du code civil sur la protection et la garde (loi publiée dans Le Recueil des Lois de 1980, p. 206 journal officiel)

Le conseil des gardiens ne considéra pas cette attaque contre les droits des femmes suffisants et, en 1984, rassembla tous ses efforts pour éradiquer les lois passées avant la révolution. Bien que les lois d’avant la révolution n’aient pas déraciné la polygamie – puisqu’elle est permise par la charia- elles avaient du moins stipulé certaines conditions pour la contrôler et la restreindre. Les tribunaux du temps du shah ne légalisaient la polygamie que si la première épouse connaît son consentement. Et quiconque ne respectait pas cette condition était puni. Le conseil des gardiens démantela les conditions que les législateurs de la période antérieures à la révolution avaient édictées pour diminuer la polygamie. Le verdict du conseil des gardiens (n°1488 – 13 juillet 1989) de la loi sur le mariage et l’article 17 de la loi de protection de la famille étaient énoncés ainsi :
  • Paragraphe3 du verdict : « La punition de l’homme et de la femme qui contracte un mariage officieux aire qui les marrie (comme indiqué dans la section 1 de l’acte de mariage), et la punition d’un homme qui prend une seconde épouse (comme mentionné dans la section 17 de la loi de protection de la famille) sont contraires à la charia. »
Le conseil des gardiens annonçait donc que la nécessité d’un certificat de mariage officiel (sujet de la section 1 de la loi sur le mariage) était contraire à la charia. En conséquence, la punition de ceux qui violaient la section 17 de la loi de protection de la famille – peine de prison d’un an minimum pour l’homme, la seconde épouse et le notaire – était abrogée et perdait sa justification légale. Le conseil des gardiens a toujours été à l’avant-garde des attaques contre les droits acquis par les femmes.

La demande de divorce par la femme
La commission nommée en 1982 par le conseil suprême de la justice pour refondre et réformer le code civil, changea certaines lois sur le mariage. Il approuva l’article 1130 du code civil en ces termes :
  • « L’épouse peut requérir du juge islamique le divorce dans les cas suivants : quand il est prouvé à la cour que la poursuite du mariage cause des conditions difficiles et indésirables, le juge peut, pour éviter les dommages et la difficulté, contraindre le mari à divorcer de sa femme » (Recueil des verdicts du conseil des gardiens, éditions Docteur Hassan Mehpour, première période de juin 1980 à juin 1986, volume 1 p. 301, publications Keyhan)
L’article 1130 causa des dissensions au sein du conseil des gardiens. « Tandis que certains membres considéraient contraire à la charia l’obligation faite au mari de divorcer de sa femme, d’autres considéraient cela en conformité avec la charia. » Finalement, le conseil des gardiens décida de consulter l’imam Khomeiny sur ce sujet. L’ayatollah Khomeiny répondit ainsi :

« Au nom de Dieu
La façon la plus prudente et de conseiller le couple sur la nécessité du divorce. Si ça ne permet pas de résoudre le problème, il faut en référer au juge de la charia. Si j’étais plus courageux, je recommanderais une autre solution qui serait beaucoup plus simple.
Rouhollah Moussavi Khomeiny. »

C’est ainsi que l’article 1130 fut approuvé. Mais la question hantait toutes les femmes : quelle peur avait retenu l’ayatollah Khomeiny de proposer cette solution « beaucoup plus simple » ? Pourquoi le leader de la révolution, célèbre pour son courage, avait-il exprimé son manque de « courage » quand les droits des femmes étaient concernés ?

Les verdicts du conseil des gardiens et les fatwas de l’ayatollah Khomeiny ne font que nous rappeler les injustices que les juristes religieux ont infligées aux femmes de tout temps au nom de l’islam. Ils manquent d’audace et de cran pour s’attaquer sérieusement à ce problème historique. Au lieu de cela, ils s’efforcent de soumettre les femmes à encore plus de pression. Ce n’est pas simple. Quand une personnalité comme l’ayatollah Khomeiny a peur de s’occuper de ce problème, nous devrions peut-être aussi avoir peur et choisir la bonne tactique pour atteindre nos buts.

J’ai considéré plus intéressant d’organiser la discussion autour de l’article 1130. Néanmoins, il me faut mentionner que l’article 1133 du code civil revint en vigueur et retrouva sa gloire passé quand il faut approuvé par le conseil des gardiens en 1979. Cet article dit : « Un homme peut divorcer de sa femme quand il le désire. » Cet article a rendu la loi de protection de la famille superflue et sans effet. Les changements récents de sa formulation sont subtils et bien calculés puisqu’ils en n’altèrent absolument pas l’essence patriarcale. Les hommes peuvent toujours divorcer s’ils le souhaitent mais le droit d’une femme au divorce est soumis à de multiples conditions. Dans ces circonstances, si une femme ne supporte plus la vie conjugale, elle abandonnera ses droits financiers et même davantage pour obtenir le consentement de son mari et éviter ainsi les hésitations et les obstacles légaux au tribunal.

Les mères iraniennes ont perdu les droits qu’elles avaient acquis à la garde de leurs enfants à cause des interventions hostiles du conseil des gardiens. La loi de protection de la famille avait donné au tribunal le droit de déterminer qui aurait la garde suivant les intérêts de l’enfant. Après l’abolition de la loi et la refonte du code civil, la garde d’une fille jusqu’à l’âge de sept ans et d’un garçon jusqu’à l’âge de deux ans est accordée à la mère. Le père peut cependant récupérer la garde quand les enfants atteignent ces âges butoirs. Selon la loi de protection de la famille, à la mort du mari, la demande de la mère à obtenir la garde avait le même poids que celui des hommes de la famille du mari. Depuis l’abolition de la loi de protection de la famille, l’avantage revient aux hommes de la famille du mari, comme dans le code civil du temps de Réza shah.

L’âge minimum pour le mariage d’une fille, que la loi de protection de la famille avait augmenté jusqu’à 18 ans, a été diminué à 9 ans par la vision de la loi du conseil des gardiens. De plus, la nouvelle loi donne des pouvoirs tels au père et à la famille paternelle qu’elle peut même marier les enfants pendant leur enfance. D’après la vision de la loi du conseil des gardiens, qui est vite devenue la position officielle de la république islamique, les femmes sont pénalement responsables dès l’âge de 9 ans. Auparavant, l’âge de la responsabilité pénale était de 18 ans pour les hommes comme pour les femmes. Dans la section réservée aux punitions, on a introduit des articles jamais vus dans l’histoire de la législation iranienne. L’un de ces articles précise que le prix du sang d’une femme équivaut a la moitié de celui d’un homme. Ces changements négatifs de la législation ont été rendus possibles après les attaques contre la loi de protection de la famille.

Le service civique des femmes
Article voté en juillet 1968 :
  • « Article 1 : Pour permettre aux femmes de participer plus que jamais dans la transformation sociale du pays et suivant les principes de « la révolution du shah et du peuple », les services culturels, de santé, médicaux et sociaux sont aussi reconnus comme le saint devoir des femmes. Les femmes diplômées par l’université ou ayant un niveau d’études supérieures devront rendre ces services. »
  • « Article 2 : Les services mentionnés ci-dessus comprennent ;
    • Les services de la culture et de l’éducation
    • La campagne contre l’illettrisme
    • Les services de santé et médicaux dans les ministères et les institutions gouvernementales
    • Les services en relation avec le bien-être, l’assistance sociale et la promotion de la femme au foyer. »
  • L’article 4 exempte les femmes dotées d’un diplôme universitaire des services ci-dessus mentionnés dans les circonstances suivantes :
    • Les femmes mariées ou mères de famille
    • Les femmes soutien de famille
    • Les femmes qui, sur certificat médical, ne peuvent fournir les services ci-dessus mentionnés pour des raisons physiques ou mentales
Les femmes décrites dans les sections 1 et 2 de l’article 4 pouvaient fournir ces services sur la base du volontariat.

Cette loi était très progressiste mais elle a été abolie en trop vite après la victoire de la révolution. Un projet de loi pour son abrogation a été voté le 6 mars 1979 : « A partir d’aujourd’hui, date de l’approbation de la loi, les articles sur le service civique des femmes ainsi que les amendements ultérieurs sont abolis.2

Moins d’un mois après la victoire de la révolution, la république islamique commença à attaquer les droits acquis des femmes décrits dans les 15 articles de loi dont nous avons parlé. En conséquence, les femmes, enthousiastes et désireuses de mettre leur savoir et leur expertise au service des régions déshéritées socialement et économiquement, ont perdu l’opportunité enrichissante de prendre part à la vie de leur pays. L’abolition de cette loi est l’un des premiers signes du processus législatif visant à limiter la vie sociale des femmes et a réprimer leur liberté de choisir leur style de vie. Cette loi voulait étouffer le sentiment national des femmes engagées dans les services sociaux.

A côté de ces actions légales, différentes personnalités révolutionnaires publièrent un certain nombre de décrets pour faire plaisir aux personnalités religieuses de la révolution qui étaient devenues les décisionnaires. Par exemple, le général Madani, tout premier ministre de la défense d’Iran assista a une rassemblement de professeurs à l’université de Kermân et y déclara : « J’ai donne l’ordre d’exempter les femmes du service militaire (1) » Cet exemple montre que tous ceux qui avaient rejoint le complot pour empêcher une grande présence des femmes dans la société n’étaient pas nécessairement des religieux ou des marja’-e taqlid . Des personnalités comme le docteur Madani, éduqué en occident, ont contribué à emmener la révolution vers le chemin que les fondamentalistes religieux et les radicaux révolutionnaires désiraient. La conscience en paix, ils sacrifièrent les droits de la femme pour maintenir leur position à l’intérieur de la structure du pouvoir.

La situation des femmes dans le domaine des sports
Parmi toutes ces tentatives d’arracher les droits des femmes, il nous faut aussi parler des restrictions imposées au sport féminin. Les autorités du sport nouvellement nommées ont annoncé lors d’une conférence de presse :

« Nous prêterons plus d’attention au sport féminin que par le passé, mais nous n’utiliserons pas les femmes comme des outils. Dans le sport féminin, l’indécence et les rendez-vous avec les hommes n’auront pas cours. Nous construirons même des murs autour des courts de tennis. Il n’y a aucun problème pour que les femmes arbitrent les matches féminins. Il n’y a même aucun problème pour qu’il y ait un public entièrement féminin. Et si vous voulez un reportage sur ces matches, il vous faudra une journaliste. » (2)

Il n’est donc pas surprenant que, trente ans après la révolution, 99% du budget des sports soient alloués au sport masculin et seulement 1% au sport féminin. De plus, les femmes n’ont pas le droit de pratiquer des sports pour lesquels le hidjab islamique ne peut être porté. Elles sont également interdites de stades pour assister aux compétitions.

La situation des femmes dans le domaine des arts
La présence inconditionnelle des femmes dans les domaines littéraires et artistiques était l’un des droits les plus significatifs acquis avant la révolution. Les femmes avaient gagné ces droits graduellement et proportionnellement à leur degré de promotion sociale. La révolution n’en était encore qu’à ses débuts lorsque les femmes furent évincées du monde de l’art uniquement parce qu’elles étaient des femmes. Plus tard, malgré de nombreux obstacles, plusieurs femmes ont repris leurs activités artistiques et littéraires. Alors que le problème du hidjab dans l’art, qui les dépouillait de leurs émotions, n’a causé que peu de mouvements parmi les actrices, l’interdiction faite aux femmes de toucher les hommes a été un autre facteur qui a diminué la présence des femmes. Dans la littérature, les restrictions faites aux auteurs de décrire les relations entre hommes et femmes non mariés ont dramatiquement réduit l’impact de leurs œuvres. Les auteurs n’avaient plus le droit de définir la féminité ou d’exprimer le désir des femmes.

Au début, les nouveaux directeurs de la radiodiffusion de la république islamique d’Iran ont informé la presse que « Gougoush, Mahasti, Haydeh et beaucoup d’autres chanteuses n’avaient plus leur place à la radio-télévision. » Ils ont prétendu que ces chanteuses célèbres  « s’étaient livrées à la débauche à la cour du shah et dans d’autres lieux corrompus officiels. » Ce n’étaient que des excuses. Ils voulaient mettre fin à la présence des chanteuses solistes iraniennes. Et ils y ont réussi (voir le journal Ayandegan du 24 avril 1979, cité dans Shuresh [Rebellion] p.188).

Lorsque l’avis des nouveaux chefs de la radiotélévision révolutionnaire d’Iran fut imprimé dans les journaux, le parlement et les autres institutions n’avaient pas encore été formées. Néanmoins, la possession de cassettes des chanteuses célèbres devint « une preuve de crime ». Avoir ses cassettes à la maison ou dans sa voiture était dangereux et pouvait entraîner le harcèlement des membres armés du « comité ». Les chanteuses iraniennes célèbres étaient constamment traînées devant les tribunaux. Certaines s’échappèrent, d’autres restèrent en Iran où elles vivaient chichement. Pendant des années, certaines femmes dont le souvenir reste gravé dans la mémoire de l’Iran prérévolutionnaire, demandèrent l’autorisation aux ambassades iraniennes de vivre leurs derniers jours en Iran pour « mourir » dans leur pays. Pouran et Elahe furent deux chanteuses de premier plan qui rentrèrent en Iran et furent enterrées dans une terre devenue la tombe de tous les espoirs et de tous leurs souvenirs. Une terre inhospitalière qui accepta leurs corps sans vie avec douceur. L’iran était devenu un endroit pour mourir pour les femmes célèbres qui s’étaient illustrées dans le monde de l’art avant la révolution.

Avec les attaques des droits acquis des femmes dans le monde de la musique, les émissions en persan de beaucoup de chaînes de radio et de télévision en dehors d’Iran devinrent très attrayantes. On admirait les femmes qui travaillaient dans le domaine des arts ; on ne passait pas une journée sans écouter ses chanteuses favorites. Mais l’élimination irrationnelle de ces stars de la scène artistique post-révolutionnaire ces trente dernières années a empêché l’émergence de nouvelles artistes capables d’égaler Delkash, Elahe, Gougoush ou Pouran.

Pour attirer les téléspectateurs vers des programmes qui ressemblaient plus à de la propagande qu’à de l’art, la télévision d’état iranienne utilisa toutes sortes de tactiques et fit appel à un groupe d’acteurs de deuxième catégorie portant différentes sortes de hidjabs, de chapeaux, de perruques et de postiches. Les femmes, qui soit étaient assises derrière le samovar soit portaient un plateau de verres de thé au cercle des invités, devaient porter le hidjab en toute circonstances, même dans leur sommeil. Dans le monde du cinéma, il a fallu des années aux cinéastes iraniens compétents (hommes et femmes) pour créer leurs chef-d’œuvres. Malgré les contraintes énormes, ils ont donné vie à des oeuvres inoubliables dans le royaume des arts. Ils ont appris à contourner la censure et à communiquer l’émotion de l’amour aux spectateurs sans aucun contact physique entre hommes et femmes.

Mais le succès des femmes dans les arts du spectacle, la peinture et l’écriture ne diminue en rien les dommages causés par les attaques contre les droits acquis des femmes ; elles ont empêché à beaucoup de talents de s’épanouir.

La situation des femmes dans la politique
Avant la révolution, les femmes avaient acquis la possibilité de travailler en tant que représentantes et membres des missions diplomatiques. On les formait à la carrière diplomatique dans une faculté liée au ministère des affaires étrangères. Il y avait également beaucoup de diplômées de la faculté de droit et de sciences politiques de l’université de Téhéran et d’autres universités qui travaillaient dans les consulats et ambassades iraniens. Immédiatement après la révolution, ce droit acquis fut aboli. Le régime soit purgea les femmes diplomates ou les transféra dans l’administration. Il interdit également aux femmes d’entrer à la faculté liée au ministère des affaires étrangères.

Il y aurait beaucoup à dire. Ce qui est mentionné dans ce rapport n’est qu’une infime fraction de ce qui est arrivé aux Iraniennes. Mais les jeunes lectrices ne doivent pas s’imaginer que ma génération s’est rendue sans combattre. Il est vrai qu’il s’est trouvé un grand nombre de révolutionnaires nommées à des fonctions officielles pour soutenir les attaques contre les droits des femmes, mais il s’est également trouvé beaucoup de femmes dans tout le pays pour défendre ces droits. Même dans les villes éloignes, des sit-in et des manifestations ont longtemps continué. La lutte des iraniennes contre la dévastation de leurs droits acquis n’a pas commencé au lancement des campagnes ; c’est pourquoi l’histoire de ces luttes mérite d’être étudiée en détails.

Les manifestations des femmes après le 11 février 1979
  • Les femmes du Sépah-é Danesh (Armee du savoir) ont tenu des sit-in dans tous les bureaux du ministère de l’éducation pour exiger une formation complémentaire et une garantie d’emploi en tant qu’enseignantes à l’issue de la formation. Ces manifestations se sont déroules dans de nombreuses villes dont Amol et Gorgan (Shuresh, p.188 et journal Ayandegan, 24 avril 1979)
  • Quelques jours après les manifestations féminines des 8, 9 et 10 mars 1979, des manifestations ont eu lieu à Téhéran ainsi que dans d’autres villes contre le hidjab obligatoire. Par exemple, il y a eu des violences lors de la manifestation de Tabriz. Les hezbollahis (membres du parti de Dieu) ont attaqué des écolières de la province du Guilan occidental. Les femmes de différentes provinces ont publié déclaration sur déclaration contre le hidjab obligatoire. (Shuresh p.177)
  • Le service féminin du Sépah-é Danesh et du Sépah-é Behdasht (armée de l’hygiène) a été arrêtéen mars 1979. Nombre des femmes qui y travaillaient ont organisé une manifestation dans la province du Kehrmanshahan pour demander un emploi. (Shuresh p.178 et journal Keyhan du 11 mars 1979)
  • Les étudiantes sages-femmes d’une université iranienne ont fait un sit-in au ministère de la santé. Elles demandaient un meilleur statut pour leur diplôme (Shuresh p.187)
  • Manifestation des étudiantes de l’école d’infirmières du 17 shahrivar le 4 mai 1979 pour protester contre la nouvelle administration de l’école suivie de violences (Shuresh p.189)
  • Un groupe d’étudiantes de l’école Pishahang s’est rassemblé dans les bureaux du journal Ayandegan pour protester contre les actions anti-femmes du principal de l’école (Shuresh p.189)
Les manifestations ont explosé par centaines dans tout le pays, elles furent en général réprimées. Une armée de femmes révolutionnaires, dévouées au régime corps et âme, participèrent à la répression. Quand elles étaient absentes, l’attaque contre les droits des femmes s’arrêtait rapidement. Nous ne pouvons donc pas parler de ces attaques sans nous souvenir du rôle que ces gens y ont joué. Des gens éduqués, qui s’étaient fait une place dans la structure du pouvoir par leur opposition au shah, ont aussi largement contribué aux attaques contre les droits que les femmes avaient acquis.

References:1-Journal Keyhan, 27 février 1979
2- Journal Keyhan, 28 février 1979

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