samedi 6 mars 2010

Prison d’Evine, la visite des prisonniers politiques

Après les élections présidentielles du 12 juin 2009 et le nombre important d’arrestations politiques qui s’en sont suivies, la façon dont se déroulent les visites des familles des prisonniers politiques a bien changé. Le nombre de prisonniers politiques ayant beaucoup augmenté, le nombre de familles à la recherche des leurs a augmenté d’autant. La Campagne Internationale pour les Droits Humains en Iran a mené beaucoup d’entrevues avec des familles de prisonniers politiques sur la façon dont se déroulent leurs visites à la prison d’Evine. Ce qui suit est un résumé pour éviter les redites.

Ces jours-ci, la salle de visite de la prison d’Evine est pleine comme un œuf. La salle compte environ 80 cabines de visite, ce nombre serait suffisant pour que les familles rencontrent rapidement les prisonniers politiques si la politique des autorités de la prison n’était pas d’envoyer les familles par groupes de dix personnes. Pour obtenir la carte bleue de visiteur, il faut fournir le nom du prisonnier, de son père, le nom des visiteurs qui doivent tous être de la famille proche : père, mère, sœur, frère, conjoint(e) ou enfants.

Les familles des prisonniers politiques commencent à entrer dans la salle de visite tous les jours à 08h00 du matin, mais les fonctionnaires chargés des visites ne commencent à travailler qu’à 09h00 du matin. Les visites durent jusqu’à 14h00 mais sont qui ont obtenu le permis de visite peuvent rester dans la salle après, jusqu’à ce qu’ils aient terminé leurs visites. Il faut commencer par obtenir la carte ; ensuite on regarde si le prisonnier a droit aux visites, le cas échéant le permis de visite est délivré à la famille du prisonnier et enfin, les noms des prisonniers sont annoncés et les familles découvrent qu’elles doivent monter à l’étage pour la visite, un processus très lent dans la mesure où beaucoup de visiteurs sont très âgés et que les attentes prolongées leur sont pénibles. Un détail important, il n’y a que deux fonctionnaires et un soldat qui s’occupent du grand nombre de visiteurs. Les deux fonctionnaires s’occupent tour à tout de la file d’attente des femmes puis des hommes tout en répondant aux questions posées.

Quelquefois des altercations très brèves ont lieu entre les familles de prisonniers pour une place dans la file, ce qui semble faire plaisir aux fonctionnaires de la prison d’Evine, bien qu’il se trouve toujours des gens dans la foule pour mettre immédiatement fin à l’incident en observant « qu’on ne devrait pas se disputer quand ceux que l’on aime sont en prison » ; néanmoins, ces incidents ajoutent au stress et à l’anxiété des familles, spécialement pour les plus âgés et leur provoquent des douleurs cardiaques, des crampes dans les jambes ou des problèmes similaires. Jeudi dernier, le père d’un prisonnier politique s’est soudainement effondré et même après qu’on lui ait annoncé qu’il pourrait voir son fils, il n’a pas pu se relever. Une femme médecin venue voir un membre de sa famille a tenté de le ranimer pendant 30 minutes, on a fini par l’évacuer de la salle de visite. La scène était si dure que l’un des deux fonctionnaires de la salle de visite a fini par sortir de sa cage de verre et a dit qu’il était prêt à le porter sur son dos pour qu’il puisse voir son fils. Ces visites produisent because de stress car on ne sait jamais à l’avance, et même au bout de plusieurs heures s’il sera possible de voir les membres de sa famille.

Prenez la famille de Hamzeh Karami à la prison d’Evine depuis neuf mois ; elle n’a toujours pas réussi à trouver un mode régulier de visite. Même si on leur donne la carte tôt le matin, la famille Karami sera toujours dans les dernières à voir son prisonnier. Et pourquoi fait-on entrer les gens par groupes de dix ? On dit que toutes les conversations sont enregistrées et que c’est pour une meilleure qualité des enregistrements qu’on ne prend que de petits groupes. Les familles ont droit à une visite de 20 minutes. Cependant, pour certaines familles, le temps est réduit à 5 voire 3 minutes surtout sont qui ont obtenu leur autorisation après 13h00 parce que, lorsqu’il y a beaucoup de visites, on est parfois forcé d’écourter les visites vers la fin de la plage horaire. Il y a peut-être aussi une autre raison, la conduite du prisonnier et ce qu’en pense les autorités comme il est écrit sur les murs de la salle de visite.

Pendant chaque visite, les familles peuvent effectuer un versement de 10.000 à 50.000 tomans en même temps qu’ils demandent leur demande de visite. Les plus chanceux, ceux qui obtiennent le permis de visite peuvent, en plus de vêtements, apporter de la nourriture aux prisonniers et serrer leurs proches dans leurs bras. Bien entendu, cela ne peut se passer qu’en présence d’un fonctionnaire, à la demande de la famille, l’autorisation des enquêteurs et l’insistance de la famille du prisonnier ; c’est en général pour des prisonniers enfermés depuis quelques mois.

La plupart des visites ont lieu dans une cabine. Quand une personne est emprisonnée plusieurs mois, elle a droit à une visite physique par mois au maximum ; en fait il n’y a pas de règle établie. Un intermédiaire bienveillant peut évidemment s’avérer utile.

Les conversations sont enregistrées mais beaucoup de visiteurs et de prisonniers font passer leurs messages par signes ou en lisant sur les lèvres. Mais il y a des exemples de prisonniers auxquels ont a refusé des visites pour avoir dit certaines choses, surtout quand le prisonnier téléphone à sa famille ; les enquêteurs sont au-dessus de lui et les conversations téléphoniques sont diffusées. Bien que tous les prisonniers sachent que s’ils abordent certains sujets cela pourrait leur attirer des ennuis, pendant les visites en cabines il y a des fonctionnaires présents et parfois, pendant ces visites, il arrive qu’en plein milieu de la visite ou 10 minutes après son début, le rideau entre les deux vitres s’abaisse soudainement et que le son soit coupé.

Quand un permis de visite est accordé, il y a des pleurs de joie et des embrassades. On pleure en général en bas des escaliers de la salle de visites et devant la porte pour ne pas pleurer devant les prisonniers, en haut afin de ne pas les démoraliser. Ceux qui n’obtiennent pas de permis pleurent également, mais bien sûr ce sont des pleurs d’une autre sorte. Ils argumentent, implorent et peuvent dire qu’ils viennent de loi. Quelquefois, implorer donne des résultats, mais très rarement.

Original en Anglais :
http://www.iranhumanrights.org/2010/03/evin-prison-visiting-political-prisoners

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