Mehdi Karroubi, religieux et politicien de 73 ans et, le plus important, l’un des leaders du Mouvement Vert a donné une interview au journal italien Corriere della Sera. Le texte en anglais est accessible ici.
Comment va votre fils maintenant?
Physiquement, mon fils Ali se sent mieux. Les premiers jours, son état était désastreux. Maintenant c’est son état mental qui nous inquiète. Le mal dont Ali a souffert n’est qu’un petit exemple de tout ce qui arrive aux enfants de cette nation. Mais le régime le paie déjà.
Qu’est-il arrivé le 11 février?
La répression a été violente, c’est sûr. Il y a eu un conflit sans précédent dans la population. Cette fois, le régime ne voulait permettre aucun rassemblement d’opposants et il a mobilisé toutes les forces des différents organes gouvernementaux. Ils ont arrêtés nos amis et les membres de notre famille et ils ont menacé les autres. Mais leur mobilisation et leur organisation ne nous a pas arrêtés. Je savais comment cela allait se terminer mais je suis allé manifester quand même. J’y retournerai s’il y a d’autres manifestations, même si le résultat doit être encore pire que la dernière fois. Les journaux ont écrit que la population avait empêché les conspirateurs d’entrer sur la place. Je voudrais demander à ces journaux, qui sont contrôlés par le régime et le gouvernement, pensez-vous que les gens normaux utilisent des gaz lacrymogènes ? Pensez-vous que les gens normaux utilisent des barres à mines et des couteaux ? Les maîtres doivent savoir que les jours passeront mais leurs signes perdureront.
La répression a été violente, c’est sûr. Il y a eu un conflit sans précédent dans la population. Cette fois, le régime ne voulait permettre aucun rassemblement d’opposants et il a mobilisé toutes les forces des différents organes gouvernementaux. Ils ont arrêtés nos amis et les membres de notre famille et ils ont menacé les autres. Mais leur mobilisation et leur organisation ne nous a pas arrêtés. Je savais comment cela allait se terminer mais je suis allé manifester quand même. J’y retournerai s’il y a d’autres manifestations, même si le résultat doit être encore pire que la dernière fois. Les journaux ont écrit que la population avait empêché les conspirateurs d’entrer sur la place. Je voudrais demander à ces journaux, qui sont contrôlés par le régime et le gouvernement, pensez-vous que les gens normaux utilisent des gaz lacrymogènes ? Pensez-vous que les gens normaux utilisent des barres à mines et des couteaux ? Les maîtres doivent savoir que les jours passeront mais leurs signes perdureront.
Les évènements de ces derniers mois ont souvent été comparés à la révolution de 1979. Vous comparez la violence de la répression à celle de l’époque du Shah, mais vous dites que son armée a montré plus de retenue. Voyez-vous d’autres similarités entre ces deux époques ?
Le régime du shah était corrompu jusqu’au coeur, mais il ne se conduisait pas comme ça avec le peuple. Qu’est-ce que les forces armées ont à voir avec les résultats des élections ? Pourquoi ont-ils traité ainsi le peuple le 22 Bahman (11 février) ? Pendant le règne du shah, il y avait des règles ; on n’emmenait pas les personnes arrêtées à la mosquée pour les battre à mort avant même qu’ils ne comparaissent. Ils arrêtent les gens sans mandat, les frappent et les gardent en détention. Pour ne pas mentionner le reste.
A quelle condition seriez vous prêt à trouver un compromis avec Ahmadinedjad et à le reconnaître comme président légitime d’Iran ? Vous considérez vous comme un dirigeant du Mouvement Vert ?
Je ne me considère pas comme un dirigeant du Mouvement Vert. Je me considère comme un membre de ce mouvement et du mouvement réformiste. Mes actions visent à un retour aux volontés et aux idéaux du peuple, c’est-à-dire à la souveraineté populaire. Je n’ai ni conflit personnel ni raison d’arriver à un compromis ou de faire la paix avec Ahmadinedjad. Nous considérons le gouvernement d’Ahmadinedjad comme un gouvernement établi qui doit répondre de ses actions, mais pas comme un gouvernement légal ni légitime. Je ne suis personne : ce n’est pas à moi de trouver un compromis ou un accord ; c’est le peuple qui doit décider s’il est en conflit avec le gouvernement. C’est le peuple qui est en conflit avec le gouvernement et qui n’accepte pas sa façon de gouverner ce pays. Le peuple n’accepte pas la stratégie qui nous met en conflit avec le monde sous Ahmadinedjad, et nous faisons partie du même peuple.
Vous avez dit que les slogans contre le guide suprême et pour un état laïc n’étaient pas corrects. Quels slogans devrait-on scander ?
Il faut séparer les choses. Nous n’essayons pas de faire tomber le régime. D’un autre côté, la constitution n’est pas une révélation divine et n’est donc pas immuable. Mais pour l’instant, la constitution n’est même pas appliquée dans ce pays.
Avant les élections, auriez-vous imaginé que le peuple iranien irait aussi loin pour réclamer ses droits et que sa colère grandirait autant ?
Je n’imaginais ou ne prévoyais pas que le régime iranien irait jusqu’à trafiquer les élections comme il l’a fait. D’un autre côté, le régime a adopté une attitude obstinée et sans concessions envers le peuple, ce qui a causé des problèmes actuels. Dans les premiers jours, le peuple disait : « où est mon vote ? » Le peuple est resté le même. Alors, qu’est-ce qui les a amené à adopter les slogans actuels ? Le peuple veut des élections saines, et veut que ses votes soient comptés.
Quand vous étudiez sous la direction de Khomeini, j’ai lu que vous étiez fasciné par lui. Est-il encore un modèle pour vos actions ?
J’aimais l’imam et je l’aime encore. Oui, c’est un modèle et un exemple pour moi. C’était un religieux dévot, il était capable d’analyse et de prospective. Mon amour pour lui s’est encore accrue après sa mort à cause de ce qui est arrivé. L’imam a conduit le pays dans les temps les plus difficiles, la première décade de la révolution islamique. Le pays était en guerre, des personnalités et des politiciens importants étaient tués pendant les attaques et à la guerre. Dans cette situation, on a pris des mesures spéciales et quelquefois excessives. Je ne dis pas qu’il était un modèle parfait. Mais les actions et les décisions doivent être évaluées en tenant compte de l’époque.
Quelle est la pire chose faite au nom de la révolution? Quels ont été les moments de la révolution ? Pourquoi croyez-vous encore en la république islamique ?
La république islamique se compose de deux concepts: la république et l’islam. La pire chose ce sont les dégâts à ces deux concepts et principes. Je ne dis pas qu’il n’en reste rien, mais les dégâts sont très sévères, à la fois pour l’islam et pour le concept de république qui veut dire « l’opinion et le vote du peuple ». L’imam a dit que la décision finale appartenait au peuple. Il a toujours respecté l’opinion publique et n’ a jamais permis, même dans les pires circonstances, l’ambiguïté ou le manque de clarté pendant les élections. Ce qui est endommagé ce sont les promesses que nous avons faites au peuple. Le problème n’est pas de faire tomber le régime mais de le réformer. Je crois encore dans la république islamique, mais pas dans ce genre de république islamique ! La république islamique que nous avons promise au peuple avait le soutien et le vote de 98% de la population, c’était la république islamique des élections libres et non des élections truquées. Je crois en un islam moderne, un islam rempli de bonté et d’affection, pas en un islam violent et fanatique.
Le premier ministre italien Berlusconi prétend réduire les échanges avec Téhéran et soutenir de nouvelles sanctions internationales. Pensez-vous que ces mesures aideraient l’opposition d’une façon quelconque ? Quel serait, selon vous, l’effet de sanctions de l’ONU sur le gouvernement et sur le peuple ?
Quand j’étais président du parlement iranien, les relations entre nos deux parlements étaient excellentes. A cette époque, je me suis rendu en visite officielle en Italie et deux présidents du parlement italien sont venus en Iran, preuve de bonnes relations politiques entre nos deus pays. La lettre envoyée par les présidents du parlement et du sénat italiens au chef du régime iranien sur les conséquences qu’aurait mon arrestation est une démonstration des bonnes relations que nous avions à cette époque. J’en suis reconnaissant aux présidents et aux membres du parlement italien. Mais je suis absolument opposé aux sanctions ; elles augmenteraient la pression économique dont on souffre déjà à cause des politiques erronées du gouvernement.
Quand j’étais président du parlement iranien, les relations entre nos deux parlements étaient excellentes. A cette époque, je me suis rendu en visite officielle en Italie et deux présidents du parlement italien sont venus en Iran, preuve de bonnes relations politiques entre nos deus pays. La lettre envoyée par les présidents du parlement et du sénat italiens au chef du régime iranien sur les conséquences qu’aurait mon arrestation est une démonstration des bonnes relations que nous avions à cette époque. J’en suis reconnaissant aux présidents et aux membres du parlement italien. Mais je suis absolument opposé aux sanctions ; elles augmenteraient la pression économique dont on souffre déjà à cause des politiques erronées du gouvernement.
Pensez-vous que la république islamique puisse dialoguer avec les Etats-Unis?
Nous avons dit plus d’une fois que le seul pays avec lequel nous n’aurons de relations c’est Israël parce que ce pays viole les droits d’un peuple. Une relation juste, basée sur le respect mutuel er respectant les droits réciproques doit être recherchée. Mais ce gouvernement a créé une situation à part qui ne permet pas de renouer des relations avec les Etats-Unis. D’un côté, le gouvernement iranien écrit au gouvernement américain et de l’autre il utilise des mots durs et blessants contre le gouvernement américain. Des conduites contradictoires ne fonctionnent pas en politique étrangère.
Nous avons dit plus d’une fois que le seul pays avec lequel nous n’aurons de relations c’est Israël parce que ce pays viole les droits d’un peuple. Une relation juste, basée sur le respect mutuel er respectant les droits réciproques doit être recherchée. Mais ce gouvernement a créé une situation à part qui ne permet pas de renouer des relations avec les Etats-Unis. D’un côté, le gouvernement iranien écrit au gouvernement américain et de l’autre il utilise des mots durs et blessants contre le gouvernement américain. Des conduites contradictoires ne fonctionnent pas en politique étrangère.
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