mercredi 22 juillet 2009

Fissures au sommet de l’Etat : rien ne va plus entre Khamenei et Rafsanjani

Dans le sermon de la prière du vendredi 17 Juillet, il y a eu une phrase qui méritait peut-être une plus grande attention. Rafsanjani a dit : "Dans cette histoire, nous sommes tous perdants". En vieux renard de la politique iranienne et en grand pragmatique qu’il est, Rafsanjani n’a effectivement aucun intérêt à provoquer ou à catalyser le renversement du régime. Après tout, il est toujours l’un des hommes les plus puissants et accessoirement les plus riches d’Iran.

Pour mieux convaincre Khamenei sur le fait que lui aussi, à sa façon, compte protéger le régime ("Nezaam") et le "système", il voulait tirer la sonnette d’alarme et rappeler à Khamenei qu’il était urgent qu’il change sa méthode de gestion de la crise faute de quoi, c’est bien tout le régime islamique qui risquerait de s’écrouler détruisant au passage tous leurs privilèges.

Khamenei s’est vraiment engagé dans une voie sans issue. En défendant bec et ongles un Ahmadinejad littéralement détesté par une énorme majorité de la population, en lâchant tout l’appareil répressif du régime pour écraser la rébellion populaire dans le sang, c’est bien le sort du Velayat-e faqih (la tutelle du juriste religieux) et donc de tout le régime islamique qui semble être scellé à court ou moyen terme. Jamais depuis 30 ans, le régime et son Guide ne s’étaient trouvés à pareille fête.

Pour sortir de cette impasse, il ne reste plus vraiment beaucoup d’options sur la table. Ce qui est sûr, c’est que pour s’en sortir, Khamenei aura besoin d’une manière ou d’une autre de Rafsanjani.

Or même s’ils sont dans le même bateau, rien ne va plus entre Khamenei et Rafsanjani. Nous avons assisté à une passe d’armes entre eux ces derniers jours. Après la prière du 17 Juillet, au lieu d’opter pour un ton plus consensuel, Khamenei a radicalisé encore un peu plus sa position en affirmant : "Que les élites (bien comprendre Rafsanjani) fassent très attention en passant cette grande épreuve! Si elles trébuchent, elles ne feront pas qu’échouer. Elles chuteront. Tous ceux qui créent de l’insécurité dans la société seront honnis par le peuple". La réplique de Rafsanjani ne s’est pas faite attendre : "Chaque génération est confrontée à ses épreuves. Celles liées à la société et au peuple sont les plus importantes. L’essentiel c’est de les traverser avec courage".

Ce clash va certainement se poursuivre. Rafsanjani et Khatami sont sous pression pour assister à l’inauguration d’Ahmadinejad le 2 Août. Seyed Hassan Khomeini, le petit fils d’Ayatollah Khomeini a même quitté le pays temporairement pour ne pas avoir à le faire. Une manifestation monstre devrait être organisée à Téhéran par la marée verte pour "célébrer" cet événement comme il se doit.

La question la plus brûlante pour Khamenei est : à partir de quel moment, Ahmadinejad deviendra-t-il un prix trop lourd à payer pour le régime ("Nezaam") et le "système"? Une porte de sortie serait l’élimination d’Ahmadinejad, soit politiquement, en l’écartant de la présidence, mais dans ce cas la légitimité du Guide, du moins pour ce qu’il en reste, serait totalement anéantie après une telle volte-face; soit physiquement, en le transformant en martyr et héros national assassiné par les ennemis du régime (complot des Moudjahedins du Peuple avec l’aide des sionistes est un scénario facile à vendre, d’ailleurs évoqué il y a quelques jours par le ministre des renseignements, le boucher de Téhéran, le terrible Hojjatol-Islam Gholam-Hossein Mohseni-Ejeie).

En voulant imposer Ahmadinejad en force, quelque soit la volonté du peuple, les instigateurs du coup d’Etat voulaient renforcer la main mise des ultra-conservateurs sur le pays et régler, une fois pour toute, le compte des mouvements progressistes et réformateurs. Mais ils ne s’attendaient absolument pas à un mouvement de contestation populaire d’une telle ampleur. A présent le régime a très peu de temps pour sauver sa tête. Sa désintégration est bien entamée.

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