mercredi 31 mars 2010

Lettre d’information SIC n°189 - 29 mars 2010

Student Information Center (SIC)
Lettre d’information 189 – Lundi 29 mars 2010

FUTURS PLANS
  • Intensifier la désobéissance civique non-violente
  • Allah-o-Akbar toutes les nuits
  • Ecrire des slogans sur les murs et les billets de banque
  • Sortir dans la rue tous les jeudis
INFORMATIONS
  • Radio Farda : Akbar Hashémi Rafsandjani, président du comité des experts a déclaré qu’en traitant ceux qui ont souffert après les élections avec « une bonté et une unité islamique », nous pourrions retrouver la paix dans la société.
  • JARAS : Mir-Hossein Moussavi et Zahra Rahnavard ont rendu visite à la famille de Mohammad Nourizad, journaliste et metteur en scène emprisonné. Pendant cette visite, Moussavi a loué la résilience dont Monsieur Nourizad a fait preuve durant ses 3 mois de détention. Il a aussi déclaré : « Dans les jours à venir, chacun devrait s’efforcer de faire de son mieux pour se conformer aux désirs du peuple pour qu’à la fin nous soyons vainqueurs. »
  • BBC : Plus de 40 cinéastes et auteurs iraniens ont écrit une lettre ouverte exigeant la libération sans prélable de Djafar Panahi et de Mohammad Nourizad, deux cinéastes actuellement détenus.
  • Deutsche Welle : Les sites Web d’information kurdes rapportent 181 cas de violations systématiques des droits humains dans la province kurde. Ils font état de morts suspectes de prisonniers. Suivant ce rapport, l’année dernière, environ 110 étudiants ont été convoqués par les conseils de discipline et 22 ont été expulsés ; 27 militants étudiants ont été emprisonnés, 17 ont été condamnés à mort et 3 sont décédés en prison et leur mort est suspecte.
  • JARAS : L’épouse du Grand Ayatollah Montazéri est décédée samedi dans la ville de Qom. Sa famille avait prévu des obsèques publiques mais les autorités ne les ont pas autorisées. Quand les obsèques ont finalement eu lieu lundi, les forces de sécurité étaient présentes en grand nombre. 30 personnes auraient été arrêtées. Messieurs Karroubi, Moussavi et Khatami ont exprimé leurs condoléances à la famille de l’Ayatollah Montazéri.
  • Plusieurs personnes arrêtées puis relâchées suite aux évènements post-électoraux ont été une lettre ouverte anonyme décrivant leur calvaire. Ils y décrivent la conduite humiliante et dégradante qu’ils ont subie en prison pour des accusations comme insultes au régime ou propagande contre lui. Beaucoup disent que la raison principale de leur arrestation est la réception ou l’envoi de messages ou de mails en relation avec la crise électorale. Ils mentionnent également que les audiences de la cour ont eu lieu à l’intérieur de la prison et hors la présence de leur avocat ; certains ont été condamnés à plusieurs années de prison.
  • Radio Farda : ITV, l’union internationale des télécommunications a publié vendredi une déclaration demandant à la république islamique d’Iran d’arrêter de censurer les programmes de télévision par satellite étrangers. Cette filiale des Nations Unies a rappelé au régime que le brouillage des signaux satellitaires était contraire à tous les usages.
NOUVELLES DES PERSONNES ARRÊTÉES
  • Radio Farda : Shahnaz Gholami, militante féministe et journaliste, a été condamnée à 8 ans de prison. Elle était accusée de propagande contre le régime et d’être en rapports avec les moudjahiddines-é-khalq (habituellement considéré comme une organisation terroriste). Shahnaz Gholami, qui avait été emprisonnée auparavant, se trouve actuellement en Turquie avec sa famille.
  • Radio Koutcheh : Aliréza Ganbari, professeur de lycée et d’université de Pakdasht, a été condamné à mort. Il était accusé de contacts avec des agences d’information étrangères par email. Il avait été arrêté il y a quelques mois. Plusieurs autres personnes ont été condamnées à mort pour le même motif, deux ont déjà été exécutées.
  • Radio Farda :Ahmad Miri, vice-président du front de participation de la province du Mazandatan, a été arrêté dimanche. Deux autres membres ont également été arrêtées ces dernières semaines.
  • JARAS : Somayeh Farid, féministe, a été relâchée la semaine dernière sous une caution de 60.000 USD. Elle avait été arrêtée lors d’une visite au centre de détention pour s’informer sur l’arrestation de son mari.
  • Kalameh : Sassan Aghaï, blogueu et journaliste qui avait été arrêté il y a trois mois a été relâché dimanche.
  • BBC : Un groupe des opympiades scientifiques a écrit à Monsieur Laridjani, responsable de la justice pour exiger la libération d’Abdullah Youssoufzadegan.
  • Comité des Droits Humains : Plus de 20 jours après la mise en détention de Mitra Ali, étudiant diplômé de l’université Sharif, on ne sait toujours rien de son sort.
  • JARAS : Le Docteur Ali Akbar Soroush, arrêté il y a 2 semaines, n’a toujours pas contacté sa famille qui ignore tout de son sort.
  • Kalameh : Monsieur Moussavi et son épouse le Docteur Rahnavard ont rendu visite à la famille du Docteur Nouraninedjad arrêté il y a 120 jours. C’est un militant politique du camp réformiste.
  • JARAS : Seyyed Mohammad Khatami a rencontré Saïd Leilaz, journaliste enfin relâché après 9 mois de prison.
  • JARAS :Le militant des droits humains et ancien membre de l’association des enseignants, Rassoul Bodaghi, arrêté début septembre a débuté une grève de la faim pour protester contre les incertitudes légales de son dossier et ses conditions de vie en prison.
  • Kalameh : Mohammad Nourizd, cinéaste et journaliste qui avait été arrêté il y a 93 jours, a enfin appelé sa famille.
  • Radio Farda : Le procureur de Téhéran a annoncé la semaine dernière que Hassan Lahouti, petit-fils de Monsieur Rafsandjani âgé de 23 ans avait été relâché contre une caution de 73.000 USD. Il était accusé de critiques contre le guide suprême.
  • Comité des droits humains : L mère de Kouhyar Goudarzi, membre du comité des droits humains, a rencontré son fils et annoncé que sa détention a été étendue de 2 mois. Il avait été arrêté il y a plus de 3 mois en même temps que Shiva Nazarahari et Saïd Ahéri.
  • Comité des droits humains : 40 jours après son arrestation, la famille et les amis d’Ali Akbar Ajami, militant étudiant de gauche , ne savent rien de son sort si ce n’est qu’il a été transféré à la prison d’Evine après son arrestation.
  • Advar : Ali Anjamrouz : journaliste et membre des diplômé du Guilan en Iran, arrêté le mois dernier, a été libéré sous caution la semaine dernière.
  • JARAS : Maryam Zia, militante des droits civiques et des droits des enfants, arrêtée il y a 3 mois se trouve à la prison d’Evine où elle a débuté une grève de la faim pour protester contre sa détention illégale et les mauvais traitements.
RECOMMENDATIONS ET AVERTISSEMENTS

Monsieur Sazégara a plus particulièrement souligné l’importance des célébrations du Sizdah Bedar. C’est le dernier jour des vacances du nouvel an et les familles le célèbrent traditionnellement en se rendant dans les parcs pour pique-niquer. Il a déclaré que c’était une bonne occasion pour manifester pacifiquement mais en même temps il a mit en garde contre des réactions violentes possibles des forces de sécurité en raison de l’étendue de cet évènement.

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Entretien avec Ahmad Salamatian - Page principale

Entretien avec Ahmad Salamatian - Mouvement Vert en Iran - Partie I

Entretien avec Ahmad Salamatian - Mouvement Vert en Iran - Parties II & III

Entretien avec Ahmad Salamatian - Mouvement Vert en Iran - Partie IV

Entretien avec Ahmad Salamatian - Mouvement Vert en Iran - Partie V

Le texte de l'entretien traduit en Français peut être téléchargé en utilisant le lien ci-dessous (PDF):

Entretien avec Ahmad Salamatian - Mouvement Vert en Iran - Partie V

V. Changement des comportements avant tout – maturité politique du mouvement







V. Changement des comportements avant tout – maturité politique du mouvement

J’observe la société iranienne depuis plusieurs décennies et je dois avouer que j’ai toujours été surpris et fasciné par le cours des événements. Je suis persuadé que le phénomène que nous vivons actuellement ne peut être correctement interprété avec des approches d’analyse traditionnelles. Cela fait de nombreuses années que je ressentais que le corps de la société évoluait de façon beaucoup plus rapide que la mentalité de ses élites politiques.

Déjà lors de la 9ème élection présidentielle, j’ai fortement soutenu la participation au vote. J’avais même appelé avec d’autres à participer au scrutin municipal. Nous disions à l’époque que la non participation au scrutin municipal signifiait ignorer l’importance tactique du vote. Dans le monde d’aujourd’hui, le vote est à la fois un outil stratégique et tactique. En Iran, voter revenait à simuler, pour un laps de temps très court, en l’occurrence un seul jour, la souveraineté du peuple. Même si cela n’était bien entendu pas vrai. Les élites estimaient que ce vote ne servirait pas à grand chose et qu’il donnerait même une certaine légitimité au pouvoir  au niveau international. Mais, d’abord par principe, depuis 1933 et l’avènement catastrophique du nazisme en Allemagne par un vote démocratique, le vote à lui seul ne confère plus de légitimité à un pouvoir politique. En plus, si le vote devait donner une légitimité au niveau international, aujourd’hui l’Arabie Saoudite ne serait pas l’un des alliés les plus importants des pays occidentaux. Si le vote devait donner une légitimité, la France n’aurait pas invité en grandes pompes pendant 3 années consécutives, l’Emir du Qatar aux cérémonies du 14 Juillet, ni MM. Kadhafi et Asad! Malheureusement, la réalité des relations internationales est organisée selon d’autres critères que la seule légitimité démocratique.

Aujourd’hui le vote est un outil de changement mais c’est aussi pour le peuple un moyen de transmettre des messages. En Iran, où le pouvoir est quasi exclusivement concentré entre les mains du guide suprême de la révolution et où les prérogatives du président sont extrêmement restreintes, le vote est peut-être dépourvu d’enjeu stratégique susceptible de modifier la composition du pouvoir mais peut au moins obliger le régime à réagir. Sans le vote du 12 Juin 2009, tous les acquis de ces derniers mois n’auraient pas été possibles. Malgré le fait que j’étais totalement en faveur de la participation au vote l’an dernier, je n’imaginais absolument pas l’ampleur du taux de participation (estimé entre 70 et 80%). De même, j’étais à nouveau sidéré par la participation massive de la population à la manifestation du 15 Juin 2009 (qui, même selon les gardiens de la révolution, ne comptait pas moins de 2,5 millions de participants!). Depuis, les événements se sont enchaînés et j’ai été systématiquement époustouflé par la ferveur populaire. Concernant la journée du 11 février (22 Bahman), j’étais parvenu à cette analyse qu’un combat politique ne pouvait se résumer seulement à un affrontement de rue pour jauger les rapports de force. Un mouvement qui, comme nous l’avons vu, dispose d’autres leviers et espaces d’expression au sein de la société. Malgré cela, j’ai été à nouveau surpris par le peuple. Nous ne sommes pas en présence d’un mouvement qui se rétracterait à cause de la simple répression d’une manifestation.  Ce mouvement a atteint un très haut niveau de maturité politique. Il ne commet pas l’erreur de 1979 qui consistait à vouloir changer les fondamentaux de la société par le changement de ses gouvernants! Pour la première fois en Iran, nous sommes en présence d’un mouvement qui a  comme objectif premier le changement des comportements. Ce mouvement, n’est pas de type à renverser le régime. Même le pouvoir actuel l’a compris. Il parle de "guerre souple" pour qualifier la lutte du mouvement vert. Le peuple s’intéresse plus à modifier les contenus que les contenants. Il se focalise davantage sur les comportements que sur les personnes qui incarnent le pouvoir. La survie politique des personnes dirigeantes et des systèmes de pouvoir est désormais conditionnée par leur aptitude à adapter leurs comportements. C’est pour cela que je pense qu’aujourd’hui, le plus grand risque menaçant les piliers du régime actuel n’est pas le mouvement vert. C’est la rigidité et l’absence totale d’une quelconque capacité d’adaptation et de changement qui sont en réalité les plus grands facteurs de menace pour le régime au pouvoir en Iran.

Le corps de la société iranienne qui a subi des bouleversements majeurs, est comme une base fluide en mouvement alors que la structure qui est censée de la contenir n’est plus capable de s’adapter. Toute la question est donc de savoir si le contenant peut s’adapter au contenu. Si le contenant peut s’adapter, il peut perdurer. Mais s’il échoue, il est certain que le contenu finira tôt ou tard par le déborder ou le rompre, telle l’eau accumulée derrière un barrage.  

Une chose est désormais sure. Dans l’Iran d’aujourd’hui, où le fils ne se soumet plus forcement à l’autorité paternelle, où la femme n’est plus subordonnée à son époux, la société ne peut plus se reconnaître dans une seule et unique personne, quelques soient ses qualités. La période où le peuple iranien voulait uniquement renverser son souverain est révolue. Aujourd’hui, si un chef religieux devait jouir d’un certain respect, ce serait dû au fait qu’il ne se considérerait pas comme le représentant de toute la société (nous pouvons citer l’énorme popularité de l’Ayatollah Montazeri qui avait su parler le langage du peuple).   

Ce mouvement vert, je ne le considère pas comme séparé de ce qui a été initié avec l’élection de Khatami à la présidence. Il n’est pas le fruit de l’intelligence extraordinaire de tel ou tel dirigeant. Il s’agit plutôt d’un processus, d’un mouvement social qui le distingue fondamentalement les mouvements révolutionnaires de l’Histoire de l’Iran. L’activité politique en Iran n’est plus exclusivement réservée aux révolutionnaires professionnels. Elle se transforme progressivement à un combat quotidien. La différence fondamentale que je perçois entre les militants politiques d’aujourd’hui et ceux d’il y a 30 ans est la volonté pour les militants actuels de mener une vie normale, d’exercer une profession et parallèlement, de formuler des revendications politiques. Le militant politique actuel a des souhaits pratiques. Il veut écouter la musique qu’il aime. Il veut s’habiller comme il l’entend. C’est une différence considérable par rapport à 1979. En 1979, de très nombreuses familles qui n’avaient pas forcement des comportements religieux, avaient opté pour des comportements religieux par nécessité idéologique. J’entends par là, une religion qui était devenue une idéologie. Aujourd’hui, nous ne sommes plus du tout dans un tel contexte. Aujourd’hui, les religieux, les non religieux et les anti-religieux se sont entendus sur des outils communs.

Dans les sociétés démocratiques, ce qui est vraiment important est le rapport des forces sociales capables de transformer la démocratie en un sujet normal et quotidien, qui n’a plus rien d’extraordinaire dans l’imaginaire des gens. On n’attend pas de la démocratie d’être un système providentiel ou destructeur. Le régime démocratique moderne est l’acceptation d’un certain relativisme en politique. Je considère que tant que la démocratie n’est pas transformée en une chose compréhensible, palpable et à la portée des gens "normaux", elle ne pourrait pas être atteinte. Elle doit être transformée en une expérience, en un exercice normal dans le cadre de la vie quotidienne des gens.   

Malgré les postures extrêmes du régime actuel en Iran, je suis persuadé que l’ère de la toute puissance des pouvoirs absolus et des idéologies providentielles est révolue en Iran. Nous nous dirigeons vers une société où le doute, la critique et le relativisme deviennent des piliers fondamentaux. Une société qui ne s’attend plus à choisir entre le diable et l’ange. Une société qui devient tout simplement "normale". Dans une telle société, même si l’air, la terre et l’eau ne conviennent toujours pas à ce jeune arbre qu’est la démocratie, petit à petit, la compréhension mutuelle, la conversation ouverte, deviennent des conditions nécessaires de survie.

Fin

Entretien avec Ahmad Salamatian - Mouvement Vert en Iran - Partie IV

IV. Différences fondamentales entre ce mouvement et ceux de 1951 ou 79






IV. Différences fondamentales entre ce mouvement et ceux de 1951 ou 79

En 1979, le lieu principal de réunion et d’expression politique c’était la mosquée. Une grande partie de la population qui venait de quitter massivement le milieu rural pour rejoindre les villes trouvait ainsi un lieu d’échange et d’expression à la mosquée. Alors qu’aujourd’hui, le lieu principal de rassemblement et d’expression politique est le cadre universitaire, en particulier les unités de l’Université Azad (privée) disséminées dans les villes et bourgades lointaines du territoire. Le pouvoir central a d’ailleurs plus de mal à contenir et à contrôler ces universités de province que celle de la capitale.

Ce mouvement a un véritable point d’appui au sein de la société. Contrairement aux mouvements précédents, il est basé sur des expériences concrètes de vie et des considérations pratiques. Prenons 3 symboles pour cette comparaison historique. Parmi les martyrs les plus connus de la révolution constitutionnelle, on trouvait des personnalités qui étaient quasi inconnues du grand public. Lors de la révolution de 1979 par exemple, l’un des tout premiers martyrs était un jeune prêcheur religieux dénommé Seyyed Ali Andarzgou. Aujourd’hui, l’un des premiers martyrs du mouvement vert est Neda Agha-Soltan, étudiante en philosophie qui meurt dans les bras de son professeur de musique! D’un point de vue purement symbolique, c’est comme si nous étions propulsés de plusieurs siècles vers l’avant!

Ces bouleversements extrêmement rapides ne sont pas dus à l’avènement d’une génération exceptionnelle de surdoués, mais au fait que pour la toute première fois depuis 150 ans, ce mouvement en faveur de plus de démocratie qui était à l’origine fondé sur des conceptions intellectuelles et abstraites des élites iraniennes peut trouver un appui solide au sein de la société.

Le slogan le plus caractéristique du mouvement vert qui a vocation à être fédérateur est "Où est Mon Vote?". Ce slogan reflète en réalité un besoin démocratique essentiel. Il s’apparente à une "clé" dont les futurs gouvernements auront besoin pour ouvrir des portes. Ce mouvement a même évité de demander ouvertement un changement de régime. Sous le Shah, les mouvements politiques de l’opposition avaient exigé à l’unanimité le renversement de la monarchie.  Aujourd’hui, le mouvement vert formule des demandes concrètes et atteignables. Mir Hossein Moussavi insiste sur le respect de la constitution actuelle pour défendre la liberté d’expression, le droit des citoyens de manifester pacifiquement et la libre parole.

Les demandes politiques de ce mouvement sont ainsi fondées sur des nécessités sociales. Ce mouvement est le résultat d’un changement social d’une ampleur sans précédent. Nous ne sommes pas en présence d’une contestation éphémère et superficielle.  Ce mouvement n’a peut être pas encore trouvé ses vecteurs d’expression politique, ses revendications minimales et maximales, mais ses fameuses "clés" sont trouvées! La vision de ce mouvement n’est plus manichéenne comme lors de la révolution de 1979 ("Mort au Shah, vive Khomeiny", "Quand le diable s’en va, l’ange apparaît" étaient à l’époque des slogans importants). Ce peuple a fait confiance à l’Ayatollah Khomeiny, considéré comme un sage, car ce dernier affirmait ne pas vouloir gouverner mais se conduire plutôt en chef spirituel et religieux de la société. Cette expérience était indiscutablement la dernière fois où le peuple iranien, porté par une naïveté utopiste,  a mis son destin entre les mains d’un guide charismatique.

La principale caractéristique d’une société moderne, d’une société marquée par l’avènement de l’individu, c’est le fait que les citoyens doutent, ne font plus confiance à quiconque et ne donnent pas de chèque en blanc à tel ou tel dirigeant. Confier le pouvoir à un gouvernement est toujours considéré comme un choix temporaire et non pas l’expression d’une confiance absolue et irréversible. En d’autres termes, une société moderne est une société qui n’a plus de père, qui est orpheline et qui peut néanmoins trouver son orientation et choisir son propre avenir.

Aujourd’hui, les revendications du peuple comprennent le droit de vote, le respect des droits de l’Homme, le droit d’influencer, même de façon minimale, les orientations de la vie quotidienne. Ces revendications sont à présent défendues comme des nécessités sociales. Aujourd’hui, le peuple, sans organisation, sans leadership, sans aide de quelque sorte que ce soit et alors que le régime a annoncé et mis en œuvre méthodiquement une répression sans précédent, que je considère sans commune mesure avec la répression exercée par le régime du Shah en 1979, est capable de défende énergiquement sa volonté. Aujourd’hui, le peuple se lève pour défendre ses revendications, malgré l’adversité.

mardi 30 mars 2010

Entretien avec Ahmad Salamatian - Mouvement Vert en Iran - Parties II & III

II. Une société en profonde mutation, littéralement propulsée vers l’avant
III. Avènement de l’individu






II. Une société en profonde mutation, littéralement propulsée vers l’avant

Si l’on regarde ces 50 dernières années, quelques soient les régimes au pouvoir et les politiques mises en œuvre, la société iranienne a été littéralement propulsée vers l’avant à une vitesse extraordinaire, entraînant un véritable bouleversement sociétal.

Le phénomène central à l’origine de ce bouleversement a été la croissance exponentielle des villes en Iran. Les importantes ressources pétrolières du pays, malgré toutes les dilapidations causées par la corruption des régimes successifs, ont été rapidement injectées dans la société durant le siècle qui vient de s’écouler. Cette croissance des villes a été bien plus importante et rapide dans notre pays que dans d’autres pays comparables en raison de la manne pétrolière.

Citons des exemples et des faits sociaux:
  • Scolarisation/illettrisme : La scolarisation gratuite et obligatoire a été introduite dans la loi en 1933 mais cette loi n’a été véritablement appliquée qu’à partir des années 80. Aujourd’hui, le taux d’illettrisme en Iran est inférieur à 10%. La différence des niveaux d’éducation entre hommes et femmes a été considérablement réduite. Elle n’a peut-être pas totalement disparu mais il n’est pas rare de constater que les femmes sont même dans certaines situations en avance sur les hommes en raison de leur dynamisme et leur mérite ou pour autres raisons sociales.
  • Expansion des villes : Il y a 50 ans, la ville de Téhéran comptait environ 50 fois moins d’habitants et sous la révolution islamique de 1979, Téhéran comptait 8 fois moins d’habitants qu’aujourd’hui. Une grande partie de la population iranienne était issue du cadre traditionnel et rural, d’une économie basée principalement sur l’agriculture, a été contrainte de suivre la marche accélérée de l’expansion des villes. Et aujourd’hui, soudainement, 30 ans après la révolution islamique, nous nous trouvons devant un phénomène très important qui est celui de la naissance sociale et culturelle de l’individu affranchi du poids du clan, du tribut, de l’institution religieuse et d’autres structures traditionnelles.
  • Place des femmes : Les restrictions légales contre les femmes n’ont pas manqué sous la république islamique, mais le dynamisme social a été assez fort pour y faire face. Ainsi, en 1979, l’âge légal du mariage pour les femmes était de 13 ans. Entre 13 ans et 15 ans, la présentation d’un certificat de croissance était requise par la loi. A cette époque, l’âge moyen effectif (moyenne statistique) du mariage était de 13-14 ans. Après la révolution islamique, l’âge légal du mariage (inspiré des lois religieuses) a été réduit à 9 ans pour les femmes. Or aujourd’hui, 3 décennies plus tard, l’âge moyen effectif du mariage est de 26-27 ans ! D’un point de vue purement démographique, ceci est un fait tout à fait exceptionnel. Un pays où, en l’espace de 3 décennies, l’age moyen du mariage des femmes est multiplié par 2 est un pays qui est en profonde mutation. Une femme qui se marie à l’âge de 26-27 ans, a obligatoirement un impact considérable sur le nombre et l’éducation de ses enfants, sur sa place dans la société et au sein de sa famille. Ce phénomène en soi est susceptible de refonder la société en profondeur. Aujourd’hui, quelque soit le niveau social considéré, le niveau des connaissances culturelles des femmes est en moyenne supérieur à celui des hommes. Par exemple, les livres avec les plus grands tirages sont ceux écrits par des femmes. Le nombre de romans écrits par les femmes est supérieur à celui écrits par les hommes. 

III. Avènement de l’individu

Cet avènement de l’individu correspond avant tout à la genèse d’une échelle de valeurs individuelles qui ne correspond pas forcement à la grille des valeurs traditionnelles de la société. L’individu revendique ses droits et ses exigences.

En 1948, lors de l’élection de la 15ème législature sous l’ancien régime, Mohammad Mossadegh et d’autres ont réclamé la tenue d’élections libres. Abdolhossein Hajir (alors premier ministre du Shah) a organisé les élections et orchestré des fraudes massives afin d’éviter que Mossadegh ne puisse être élu. C’est à la suite de cette fraude électorale que Mossadegh est ses sympathisants ont fondé le Front National ("Jebheye Melli") pour demander la reforme des lois électorales. Il est important de noter qu’au début, ce mouvement ne revendiquait pas la nationalisation de l’industrie pétrolière. Mais à l’époque, la réforme du système électoral n’avait pas une signification décisive pour la majeure partie de la population. En d’autres termes, cette demande n’émanait pas directement du peuple mais d’un groupe de militants politique et d’une certaine élite. Aujourd’hui, nous observons un phénomène tout à fait différent. L’avènement de l’individu a consacré la toute puissance des revendications exprimées à l’échelle individuelle, que ce soit dans l’environnement familial ou au sein de la société. L’époque où l’individu devait suivre, imiter ou se soumettre à un père ou à une source de référence politique, religieuse ou morale est définitivement révolue. L’individu qui réclame désormais sa place et le respect de ses opinions personnelles au sein de sa famille et dans son milieu professionnel, recherche également à faire de même au niveau de la société en réclamant son droit de vote, sa liberté de choix et le respect de ses revendications. Il rejette bien entendu fortement la fraude électorale. Le slogan à mon sens clé "Où est Mon Vote" est donc le prolongement, la transcription d’une expérience par essence personnelle au niveau de la société.   

Le dernier dirigeant charismatique capable de mobiliser et d’organiser à des fins politiques les dernières structures traditionnelles de la société iranienne a été l’Ayatollah Khomeiny lors de la révolution de 1979. Aujourd’hui, la démocratie n’est plus considérée comme un concept théorique issu du travail intellectuel de tel ou tel dirigeant politique ou s’inspirant de telle ou telle pensée abstraite venue d’ailleurs. C’est dans leur vie quotidienne que les gens ont désormais besoin de la démocratie. C’est pour atteindre leurs idéaux personnels et améliorer leur cadre de vie qu’ils la considèrent désormais comme une nécessité.

Entretien avec Ahmad Salamatian - Mouvement Vert en Iran - Partie I

Monsieur Ahmad Salamatian, né en 1941, fut secrétaire d'Etat iranien aux Affaires Étrangères en 1979 dans le premier gouvernement post-révolutionnaire dirigé par Mehdi Bazargan, puis député d'Ispahan jusqu'en 1981. Avant la révolution islamique, il fut un militant très actif du Front National d’Iran (Jebheye Melli), le parti politique proche de l’ancien premier ministre Mohammad Mossadegh. Monsieur Salamatian réside en France depuis 1981 d’où il observe la vie politique iranienne.

Dans le cadre de cet entretien, Monsieur Salamatian décrit les spécificités du mouvement vert, ses causes et ses principales différences avec les mouvements révolutionnaires qui ont jalonné depuis 1905 la marche du peuple iranien vers la démocratie.

Une traduction en français est proposée ci-dessous.

I. Pour la première fois, ce sont les élites qui suivent le peuple




I. Pour la première fois, ce sont les élites qui suivent le peuple

Ce que nous appelons désormais communément le Mouvement Vert, ce phénomène politique issu de l’élection présidentielle du 12 Juin 2009, est avant tout une révélation de changements extrêmement profonds au sein de la société iranienne. C’est la toute première fois depuis la Révolution Constitutionnelle (1905-11), que nous observons un phénomène politique caractérisé par une société dont la volonté de changement est en avance par rapport aux changements politiques voulus par les élites.

Pendant la période de la Révolution Constitutionnelle, ceux qui réclamaient un régime constitutionnel ("Mashrouteh khahan") étaient issus des élites autant que les protagonistes de l’autre camp, celui des partisans de la monarchie despotique des Qadjar. Ce sont des élites tribales, religieuses, aristocratiques et celles du bazar qui étaient des véritables acteurs quasi exclusifs de la vie politique iranienne. Leurs bases sociales  étaient peu préparées aux idées démocratiques et en retard par rapport aux aspirations des élites. Le même décalage par rapport aux élites pouvait être observé dans le camp adverse. Ainsi la majeure partie des combats politiques se déroulait entre les élites qui entraînaient derrière elles le corps de la société iranienne. Ce constat restait aussi valable pendant la mise en place de la monarchie des Pahlavis et les luttes populaires contre cette monarchie, par exemple le mouvement de nationalisation de l’industrie pétrolière (1950-53) : les élites avaient des utopies, des rêves, des motivations et des idéaux politiques dont le corps de la société ne percevaient pas encore totalement ni le sens ni la nécessité. Ce constat restait également vrai pendant la révolution de 1979 malgré la spectaculaire irruption populaire sur la scène politique. Les élites de cette époque, aussi bien celles qui ont pris les reines du pouvoir au lendemain de la révolution et  celles qui ont été vaincues malgré leur participation active au renversement du régime Pahlavi, souffraient de même décalages respectifs avec leurs bases sociales. C’étaient encore les  élites  qui entraînaient les populations derrière elles. Même l’Ayatollah Khomeiny, a devancé la partie traditionnelle et religieuse de la société en politisant l’islam chiite. Cet islam n’avait jamais été autant politisé par le passé. Articuler un système de pouvoir autour de cet islam désormais politisé  était aussi une innovation. Il s’agissait bien de la première fois qu’un tel gouvernement religieux était fondé en Iran depuis l’avènement de l’Islam.

Mais les événements actuels en Iran, dont nous découvrons progressivement l’ampleur et la portée, sont les fruits d’un processus de changement extrêmement profond au sein de la société. Pour la première fois, ce sont les élites qui suivent la volonté du corps de la société! Il s’agit d’une différence fondamentale par rapport aux mouvements ("Jonbesh") précédents. Ceux-là étaient dirigés par des leaders charismatiques qui transcendaient les aspirations populaires et  qui entraînaient derrière eux les masses. Il existait un lien de "suivi (guide) " à "suiveur" ("Moridi va Moradi") entre les élites et le peuple. Mais plus maintenant. Nous voyons à présent une société dans toute sa diversité, son pluralisme et sa complexité, qui exprime ses volontés multiples. Ses revendications émanent par essence des couches populaires très vastes. Elles ne sont plus issues d’utopies, de convictions abstraites ou de trouvailles intellectuelles de leaders politiques puisant leurs aspirations dans tels ou tels modèles de pensée. Les revendications populaires sont devenues bien plus terre-à-terre et concrètes. Elles émanent directement des situations de vie quotidienne. La politique en Iran peut désormais s’appuyer sur des réalités sociales. Ce point d’appui ne trouve plus son origine dans un serment ou une subordination politique (entre un dirigeant et les masses populaires). L’expression du fait politique, de la formulation des slogans et des objectifs aux premiers actes, s’inscrit désormais dans le cadre d’un changement extrêmement profond et puissant de la société.

lundi 22 mars 2010

Blog/Message à l’occasion du nouvel an iranien (1389)

Chers amis, chers lecteurs,

A l'occasion du nouvel an iranien (1389), en ce premier jour du printemps, toutes nos pensées vont à nos frères et sœurs dont la vie a été brutalement fauchée par une puissance bestiale qui a commis l'irréparable. Ces vies brisées auront marqué à jamais nos cœurs et nos esprits. Grâce à leur sacrifice, plus rien en Iran ne sera jamais comme avant. Nous partageons le deuil de leurs proches.

Nous pensons également à chaque instant et du fond du cœur à tous ceux qui subissent les pires violences dans les prisons infâmes d'un régime criminel à bout de souffle. Leur résistance héroïque et leur dignité sont une leçon de vie.

Nous avons vécu une année charnière durant laquelle le destin de tout un peuple a basculé. Nous avons tous pris conscience du fait que ce pays millénaire n’était pas destiné à être gouverné éternellement par un clan mafieux fondé exclusivement sur le crime et la violence. Nous avons pris conscience du potentiel immense de la volonté populaire lorsqu’elle s’exprime de façon intelligente, spontanée et unie, de la base vers le sommet et sans véritable leadership politique, pour réclamer ses droits fondamentaux. Nous avons cru à nouveau en notre destin collectif, celui qui n’est pas comptabilisé en millions de barils de pétrole brut mais qui s’identifie à cette jeunesse courageuse, avertie et assoiffée de liberté.

Ce mouvement est fortement enraciné dans toutes les catégories de la société iranienne. Sa vigueur et sa maturité sont étonnantes. Il réclame des changements profonds. Ces changements sont d’ailleurs en cours depuis plusieurs années, que le régime le veuille ou pas. Nous n’avons certes pas (encore) vu de mur s’écrouler ou de statue de tyrans déchus à terre mais nous pouvons d’ores et déjà constater que la société iranienne n’est décidément plus la même qu’il y a 30 ans. Ces changements sont avant tout dans les mentalités. Ils expliquent pourquoi les femmes sont aux avant-postes de cette lutte et pourquoi le respect du verdict des urnes est devenu un élément aussi crucial. 

Malgré nos cœurs meurtris par la peine des familles qui souffrent, c’est avec un espoir immense que nous abordons cette nouvelle année. Que 1389 soit l'année de consécration pour le peuple iranien après plus d'un siècle de lutte pour la démocratie. Dans cette attente, restons mobilisés et unis !

Collectif Francophone pour un IRAN Libre et Démocratique

dimanche 21 mars 2010

Téhéran est une prison à ciel ouvert

Cet article du Blog Pedestrian, traduit par Ghazamfar, relate l'ampleur de la répression visant les responsables politiques des partis réformateurs. 
 
Pedestrian, 12 mars 2010

On dirait qu’en faisant profession de condamner les atrocités à Gaza, les autorités de la république islamique s’inspirent consciencieusement de ceux qui les ont commises et qu’il fassent de l’Iran une prison à ciel ouvert (Je ne compare absolument pas les conditions de vie montreuses imposées au peuple de Gaza avec celles de Téhéran).

Pourquoi relâcher Tadjzadeh ? Je me le demande. Et Djalaïpour ? Tabataï ? Abtahi ? Bon, voyons comme ils se sont tenus tranquilles après leur libération. Ils sont obligés d’être silencieux comme des tombes, parce que, dès qu’ils parlent, c’est le retour immédiat en prison (comme Emad Bahavar qui a « visité » la prison cette semaine). Ils gardents les dissidents en prison pendant des mois, la plupart du temps à l’isolement, dans des conditions affreuses et brutales… puis ils les relâchent, les obligeant à renouveler leur sortie quotidiennement pour être sûr qu’ils se tiennent cois.

Les autorités de la république islamique ont appris qu’ils pouvaient les relâcher… pour les tenir en laisse et s’assurer qu’ils ne pipent mot. La perception des médias est moins négative s’ils sont dehors, mais ils vivent quand même dans une prison à ciel ouvert.

Même ça ne marche pas ! Rappelez-vous la permission de 10 jours de Nabavi… Sa maison était en feu !

Cela rejoint le rapport de Samaneh Navab sur son blog à propos de son entrevue avec Safaie Farahani (récemment relâché) ; c’est une démonstration fouillée.

Papa faisait la queue pour des sandwichs ; nous étions un peu en arrière. Papa courut soudain vers nous pour nous dire : « Vite, venez le voir ! »

Au début, nous avons cru que papa l’avait pris pour quelqu’un d’autre, mais quelques secondes plus tard, nous aussi nous courions vers lui. C’était bien lui : Safaie Farahani.

J’avais arrêté de penser et je n’arrivais pas à parler. Nous avons seulement réussi à dire que nous étions fiers de lui et que c’était grâce à lui que nous espérions encore.

En souriant étrangement, il répondit : « Notre temps ici-bas est presque terminé. Vous devriez espérer en Dieu en premier, puis en vous-même, la jeune génération. »

Papa lui a dit que j’étudiais à l’université Amir Kabir. Ce qui m’interpella fut sa première question : « L’université a-t-elle organisé les examens ? (On avait parlé de l’annulation des examens) . Il était même au courant de ça ?

Il a dit qu’il attendait le verdict de la cour d’appel à tout instant et qu’il était impossible qu’il prenne moins de cinq ans. Il a dit que même maintenant, ils ne sont pas libres et qu’ils doivent renouveler leur permission de sortie toutes les semaines.

Il semblait très déterminé et quand maman lui a dit que nos cœurs étaient avec lui et que nous priions pour lui tous les jours, il a dit que le destin de chacun était dans les mains de Dieu.

Il semblait calme et déterminé ; il laissait beaucoup à penser.

Je me suis souvenu de Galilée , de Tadjzadeh, de Nabavi, d’Abtahi,de… la tête me tournait.

Lire aussi:

Prison d’Evine, la visite des prisonniers politiques

L’Iran: une prison pour les Journalistes


L'appel à l'action de la mère de Sohrab Aarabi

La mère de Sohrab Aarabi, l'un des martyrs les plus emblématiques du mouvement vert, envoie son message de Nouvel An: “Si nous nous reposons, notre inaction marquera notre anéantissement



19 mars 2010

Se rendre sur les tombes de ceux que nous aimions le dernier jeudi de l’année iranienne est pour nous une responsabilité nationale et religieuse et démontre notre proximité avec ceux que nous avons perdus.

Je regrette de ne pas être à Téhéran pour remplir ce devoir.

Nos chers enfants abattus ne sont plus à nos côtés à la veille du Nouvel An, mais leur souvenir vivra pour toujours.

J’espère que ceux qui sont emprisonnés et qui manquent tant à leurs familles soient libérés et puissent retrouver les bras de leurs proches.

En tant que mère au cœur douloureux, je prends refuge dans la grâce de Dieu. Quel crime avaient commis nos enfants pour être l’objet de telles injustices ?

Nos jeunes ne demandaient qu’à avoir les mêmes droits dont tout être humain devrait bénéficier.

De nouveau, en tant que mère, je désire la paix, la liberté, la joie et la santé pour tous. Mon fils voulait la même chose mais il a été…

Parvin Fahimi, Mère de Sohrab 
Jeudi 18 mars 2010

Versions persane et anglaise: ici

Lire aussi sur ce blog

SOHRAB, NOUS NE T’OUBLIERONS JAMAIS

Témoignage émouvant de la mère de Sohrab Aarabi (Première Partie)

Témoignage émouvant de la mère de Sohrab Aarabi (Deuxième Partie)

Lettre d’information SIC n°186 - 20 mars 2010

Student Information Center (SIC)
Lettre d’information 186 – Samedi 20 mars 2010

FUTURS PLANS
  • Intensifier la désobéissance civique non-violente
  • Allah-o-Akbar toutes les nuits
  • Ecrire des slogans sur les murs et les billets de banque
  • Sortir dans la rue tous les jeudis
INFORMATIONS
  • Norouz : Mir-Hossein Moussavi a publié une vidéo pour la nouvelle année. Le texte complet est attaché à la lettre d’information originale.
  • Norouz : Zahra Rahnavard a aussi publié une vidéo pour la nouvelle année. Le texte complet est aussi attaché à la lettre d’information originale.
  • Radio Zamaneh : Mehdo Karroubi dans sa déclaration de Norouz a critiqué le gouvernement de la république islamique et a déclaré qu’il ne croyait pas dans un régime dans lequel un petit groupe de religieux et de militaires avaient pris le pouvoir.
  • Radio Farda : John Kerry, chef du comité des affaires internationales a publié une déclaration félicitant les Iraniens pour Norouz.
  • JARAS : Les militants des droits humains en Iran ont décompté 59.040 cas de violations des droits humains par le régime.
  • DW : Barack Obama a publié une déclaration vidéo félicitant les Iraniens. Il a aussi fait part de son soutien pour permettre l’accès libre à l’information pour les Iraniens.
NOUVELLES DES PERSONNES ARRÊTÉES
  • Rahana : Après une semaine d’emprisonnement, Abdollah Youssefzadeh a eu le droit de contacter sa famille ; on ne sait pas quand il sera libéré.
  • Norouz : Mir-Hossein Moussavi et Zahra Rahnavard ont rendu visite au Docteur Mohsen Mirdamadi qui a été libéré hier.
RECOMMANDATIONS ET AVERTISSEMENTS

Dans son allocution de jeudi, plus courte que d’habitude, Mohsen Sazégara a abordé les points suivants :
  • Une étude plus approfondie des évènements du Tchaharshanbeh Soori révèle qu’ils se sont déroulés dans la plupart des villes du Kurdistan, Zandjan, Hamedan, Araj, Qom, Khorram-Abad, Sharé-Kord, Kermanshah, Ahvaz et Téhéran ; partout des slogans incendiaires ont été scandés. Le point à retenir est l’extension géographique du Mouvement Vert.
  • Environ 500 personnes, y compris les membres des familles des personnes arrêtées et des gens ordinaires se sont rassemblées devant la prison d’Evine hier soir.
  • Il est très important de se rendre au cimetière pour rendre hommage au martyrs du Mouvement Vert le dernier jeudi de l’année.
  • Trois leçons importantes à tirer du Tchaharshanbeh Souri : 
    • Il devient difficile pour le régime de réprimer les manifestations quand elles sont éparpillées dans différents endroits.
    • Il vaut mieux se servir des jours de congé et des fêtes nationales que des jours approuvés par le régime.
    • La forme la plus efficace de désobéissance civile contre le régime qui tente de déprimer et décevoir tout le monde est de souligner le bonheur, la vie et l’espoir.
Lors de son allocution de vendredi, Mohsen Sazégara a abordé les points suivants :
  • Trois points sont à retenir des déclarations de Mir-Hossein Moussavi et de son épouse Zahra Rahnavard :
    • L’unité entre les militants à l’intérieur comme à l’extérieur du pays
    • La nécessité d’expansion géographique du Mouvement Vert
    • Comme Madame Rahnavard l’a souligné dans sa déclaration, l’importance du pluralisme et de l’unité de tous les mouvements civiques à l’intérieur de l’Iran sous la direction du Mouvement Vert.
  • Hossein Marashie, ancien directeur de cabinet d’Ali-Akbar Hashémi Rafsandjani pendant plusieurs années a été arrêté. Son arrestation montre une lutte sévère dans les rangs du régime entre les défenseurs du coup d’état et Monsieur Rafsandjani.
  • Les forces de sécurité ont fait régner une atmosphère militaire à Béhesht-Zahra [cimetière principal de Téhéran] jeudi dernier. Le besoin perpétuel d’établir ce genre d’atmosphère finira par épuiser le gouvernement du coup d’état.
  • Plusieurs militants politiques à l’extérieur de l’Iran ont déclaré être en grève de la faim depuis jeudi 18 mars jusqu’au samedi 20 en soutien aux prisonniers politiques en Iran.
Après les félicitations pour le Nouvel An, Mohsen Sazégara a mentionné les points suivants dans son allocution de samedi :
  • Aujourd’hui, nous fêtons le 59ème anniversaire de la nationalisation de l’industrie pétrolière. Le Docteur Mossaddegh est un excellent modèle pour la lutte et la persévérance.
  • On propose d’écrire des slogans sur les billets de banque que l’on offre pour les étrennes.
  • Faire circuler et propager les informations sur le Mouvement Vert à l’occasion des voyages du Nouvel An.
  • Issa Saharkhiz [prisonnier politique et journaliste renommé] qui a commencé sa grève de la faim, a été suivi par plusieurs prisonniers détenus à la section 350 de la prison d’Evine. Des militants politiques à l’étranger sont aussi en grève de la faim en solidarité avec lui et les autres prisonniers politiques.
  • Les ministres des affaires étrangères de l’Union Européenne ont porté plainte contre l’Iran qui envoie des signaux sonores pour brouiller les chaînes par satellite.
  • Les vacances qui approchent sont une bonne occasion pour en apprendre d’avantage. Nous en reparlerons plus en détail dans les prochains jours.
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vendredi 19 mars 2010

L’Iran: une prison pour les Journalistes

Article de Pejman Yousefzadeh
version anglais: ici

Les journalistes sont devenus la cible principale de la répression de l’opposition par le gouvernement iranien après les élections présidentielles controversées de juin dernier ; 52 d’entre eux sont actuellement détenus ; l’Iran est ainsi devenu le premier pays pour le nombre de journalistes emprisonnés suivant le Comité de Protection des Journalistes.

La vague d’arrestations, qui s’est accélérée récemment, a jeté un froid sur les journalistes iraniens à une époque où l’opposition lutte pour maintenir son défi au gouvernement face à la répression lourde des personnalités réformistes.

En réponse, une sorte de journalisme « clandestin » a émergé, explique Réza Valizadeh, 32 ans, qui travaillait pour la radiotélévision d’état mais a fui le pays pendant la répression postélectorale.

« Nous avons une sorte de journalistes guérilleros, portant des masques, anonymes, écrivant sous des pseudonymes et envoyant des mails sans mentionner leur vrai nom aux médias extérieurs à l’Iran, publiant sur des blogs sous des pseudonymes » explique Valizadeh qui vit maintenant à Paris.

« Une période très noire et très amère attend les journalistes » a-t-il déclaré à The Associated Press. Réplique aux Leveretts, qui vont sûrement bientôt nous expliquer que les journalistes iraniens jouissent de libertés sans pareil, grâce au grand et bon Mahmoud Ahmadinejad.

La famille de Shiva Nazar Ahari écrit au procureur de Téhéran

Cette lettre a été envoyée par la famille de Shiva Nazar Ahari au procureur de Téhéran, Abbas Djafai Dolatabadi.
Version persane ici, anglaise: ici
Comité des Reports pour les Droits Humains (CHRR) 
15 Mars 2010 

80 jours se sont écoulés depuis l’arrestation de la militante des droits humains Shiva Nazar-Ahari et sa famille attend toujours sa libération. Shiva Nazar-Ahari avait déjà été arrêtée le 14 juin 2009 sur son lieu de travail et elle avait passé 100 jours en prison.

Ce membre du CHRR a passé 190 jours de l’année persane 1388 (2009-2010) en prison, dont 100 jours dans les cellules d’isolement de la prison d’Evine.

Le CHRR est un organisme indépendant dont le but est de diffuser les violations des droits humains et d’en défendre les victimes. Pendant ses quatre ans d’activité, le CHRR a publié de nombreux rapports, déclarations et articles sur les violations des droits humains. L’organisation est politiquement indépendante de toute organisation iranienne ou étrangère. Malgré cela, neuf membres du CHRR ont été arrêtés par les forces de sécurité l’année dernière. De plus, les autres membres du comité ne sont pas exempts de pression de la part des forces de sécurité.

La lettre qui suit a été écrite par la famille de Shiva Nazar-Ahari au procureur de Téhéran, Abbas Djafai Dolatabadi.

Cher Monsieur Djafari Dolatabadi, Procureur de Téhéran
 
Nous vous écrivons car nous n’arrivons pas à vous rencontrer. Ces derniers jours, nous avons tenté de vous rencontrer à plusieurs reprises au bureau du procureur de Téhéran. Nous avons donc décidé de faire entendre notre voix en vous écrivant, même si nous vous avions rencontré auparavant et que nous vous avions alors dit ce que nous vous écrivons aujourd’hui. A cette époque, nous ne pensions pas que notre fille serait détenue aussi longtemps. Lors de cette réunion, nous avions été choqués d’entendre les charges qui pesaient contre notre fille et nous ne les croyons toujours pas vraies. En tant que parents de Shiva Nazar-Ahari, jeune femme détenue de la prison d’’Evine, nous aimerions commencer l’année réunis tous ensemble, comme les autres familles iraniennes. Mais il semble que nous n’aurons pas cette chance cette année.

Monsieur le Procureur, 
Puisque vous ne voulez pas relâcher notre fille sous caution (comme vous le savez, Shiva a été libérée de prison une première fois sous une caution de 200.000USD), au moins laissez-nous la rencontrer en prison. Quatre mois après son arrestation, nous n’avons toujours pas pu la rencontrer ; nous n’avons eu droit qu’à un entretien avec notre fille derrière une glace sombre et par téléphone.

A la veille du Nouvel An, est-ce une demande si importante ?

Nous vous demandons, si vous n’avez pas pris la décision de libérer notre fille, d’au moins alléger ses conditions de vie en prison. Qu’elle soit dans une cellule dotée au moins d’un poste de télévision. Notre fille est actuellement dans une cellule sans confort et on lui refuse même les livres et les journaux. Voilà plus d’un mois et demi que nous apportons des livres à Evin ; à chaque fois, les autorités nous obligent à les ramener avec nous.

Monsieur le Procureur, donnez au moins l’ordre que notre fille puisse bénéficier de livres et de journaux. Enfin, nous espérons que votre bonté islamique se rappellera de nous et de notre famille et que notre fille sera avec nous.

mardi 16 mars 2010

Lettre d’information SIC n°185 - 15 mars 2010

Student Information Center (SIC)
Lettre d’information 185 – Lundi 15 mars 2010

FUTURS PLANS
  • Intensifier la désobéissance civique non-violente
  • Allah-o-Akbar toutes les nuits
  • Ecrire des slogans sur les murs et les billets de banque
  • Aller sur les tombes des martyrs du mouvement vert à Béhesht-é-Zahra (cimetière) le dernier jeudi de l’année
  • Sortir dans la rue tous les jeudis
  • Participer aux évènements du « Tchaharshanbé souri »
INFORMATIONS
  • Jaras : Ce mardi auront lieu les festivités traditionnelles du « Tchaharshanbeh Souri ». Les dirigeants réformistes ont demandé à la population de descendre dans la rue pour exprimer leur insatisfaction de la situation actuelle. En réponse, le guide suprême a publié une fatwa disant que participer à ces manifestations est un sacrilège. Les bassidjs et les gardes révolutionnaires ont uni leurs forces pour empêcher tout rassemblement. Le chef de la police de Téhéran a également annoncé que les forces de police « s’occuperaient de tous ceux qui n’arriveraient pas à contenir leur excitation pendant les vacances. » et qu’ils arrêteraient tous les fauteurs de trouble.
  • Radio Farda : Le ministre iranien du pétrole a accordé le contrat de construction d’un pipeline d’une valeur de 850 millions de dollars aux gardes révolutionnaires.
  • Site web de Sahamnews : Environ 50 personnes ont encerclé l’appartement de Monsieur Karroubi (cirigeant réformiste) ; ils ont hurlé des obscénités, brisé les vitres et vandalisé la résidence. Madame Karroubi a décrit la situation et expliqué que les forces de police du quartier avaient coordonné les attaques avec les voyous. Elle a ajouté que rien ne les détournerait, elle-même et son mari, de défendre les droits du peuple et que ces méthodes « primitives » étaient insignifiantes.
  • Radio Zamaneh : Le procureur de Téhéran a annoncé la condamnation à mort de six manifestants arrêtés le jour de l’Ashoura : « Aujourd’hui, le régime a, avec toute son autorité et sa puissance, réduit au silence l’opposition et le « peuple » ne permettra jamais que ces évènements se reproduisent. »
  • Radio Zamaneh : Les associations des droits humains ont réfuté les allégations de l’agence de presse officielle Fars, selon lesquelles ils recevraient des fonds des Etats-Unis. Elles ont aussi déclaré qu’elles allaient déposer plainte contre Fars.
  • Radio Farda : l’Ayatollah Dastgheib, membre du conseil réformiste, a déclaré que les manifestants sans défense n’étaient pas des agitateurs et que les responsables de l’agitation et de la violence étaient ceux qui attaquaient ces rassemblements légaux.
  • Jaras : Un journaliste iranien partisan du gouvernement a été arrêté à Rome sous l’accusation d’implication dans un trafic d’armes. Le secrétaire iranien de la défense à répondu : « Nous produirons nous-mêmes les armes qu’on l’accuse de trafiquer. »
  • Jaras : En réponse aux commentaires du vice-ministre de l’intérieur sur la dissolution du parti de la participation, le membre du comité central de ce parti, Ali Shakouri-Rad a déclaré qu’il n’en avait pas entendu parler et que seule une décision de justice pouvait dissoudre un parti politique.
  • Jaras : Sheikh Khaled ben Oussama ben Laden, fils du dirigeant d’Al-Qaida Oussama Ben Laden a écrit au guide suprême pour demander la libération de membres de sa famille assignés à domicile en Iran. Il a déclaré que sa famille avait demandé sa libération à plusieurs reprises mais qu’on avait répondu à leur demande par « la violence et la torture ».
  • Jaras : ¨Plusieurs employés des sous-traitants travaillant sur la tour Milad de Téhéran se sont rassemblés devant la tour pour demander que leurs salaires, impayés depuis 4 mois, leur soient payés. La même situation existe pour les ouvriers du Tunnel de l’Imam qui n’ont pas été payés depuis 5 à 6 mois.
  • Radio Zamaneh : Plusieurs politiciens français et finnois ont annoncé soutenir des sanctions unilatérales contre l’Iran si l’union européenne n’arrive pas à se mettre d’accord sur des sanctions contre l’Iran.
  • Radio Zamaneh : Monsieur Hashémi Rafsandjani a critiqué l’IRIB qui travaillerait selon lui pour un « gang » ; il a ajouté que la population perdait confiance dans l’agence nationale d’information.
  • BBC : Un bateau iranien qui aurait pénétré illégalement dans les eaux territoriales du Yemen a été arrêté par les garde-côtes yéménites. Ce bateau est suspecté de trafic de drogue.
  • BBC : Le parlement américain a reconnu le nouvel an iranien comme une tradition historique de valeur et a félicité la présence positive d’Iraniens dans la communauté américaine. Il a mentionné que 539 ans avant JC, Cyrus le Grand a été le premier à édicter une charte des droits humains abolissant l’esclavage et permettant la liberté religieuse.
NOUVELLES DES PERSONNES ARRÊTÉES
  • Jaras : Mohammad Olayfard a été libéré. Il a été condamné à un an de prison pour avoir donné des interviews à  des médias étrangers.
  • Jaras : Saïd Leilaz, précédemment condamné à 6 ans de prison a vu sa peine réduite en appel ; il a été libéré sous une caution de 500.000 USD.
  • Rooz Online : Kian Tadjbakhsh, emprisonné depuis l’été dernier, s’est vu accorder une permission de 15 jours sous une caution de 800.000 USD. Mehdi Boutrabi, membre de la campagne réformiste de Moussavi et pionnier du blog réformiste a été arrêté hier.
RECOMMANDATIONS ET AVERTISSEMENTS 

Lors de son allocution de dimanche, Mohsen Sazégara a abordé les points suivants :
  • L’inscription de slogans hostiles au guide suprême sur les murs de Téhéran se serait intensifiée.
  • Le gouvernement a demandé aux magasins pour le Tchaharshanbeh Souri. Ils vont sûrement aussi bloquer les rues et boulevards principaux ; ceci ne peut qu’avantager la population qui sort traditionnellement dans la rue dans toute la ville et qui est donc beaucoup plus difficile à contrôler.
  • Monsieur Hassan Rouhani souligne qu’actuellement, toute l’énergie du régime est focalisée sur la sécurité, situation impossible à soutenir à long terme.
  • Le régime intensifie sa répression sur les militants des droits humains soit en les convoquant, soit en les arrêtant.
  • Le régime a arrêté toirs méthodes d’attaque du Mouvement Vert. Premièrement en arrêtant les militants des droits humains, féministes et étudiants, deuxièmement en arrêtant les militants politiques et réformistes et troisièmement en contrôlant les médias et Internet. Ils veulent ainsi étouffer  le Mouvement. Ils n’ont toujours pas compris que le refuge du mouvement ce sont les domiciles des familles et des amis, de la communauté et qu’ils n’ont aucun pouvoir sur ces endroits. C’est là que le peuple a la haute main.
Lors de son allocution de lundi, Mohsen Sazégara a abordé les points suivants :
  • Des officiers de marine seraient détenus pour abandon de poste. On a également remarqué des changements dans les rangs des gardes révolutionnaires.
  • Le guide suprême a faussement annoncé que les célébrations du Tchaharshanbeh Souri étaient sacrilèges, ce qui nous offre une chance de le défier et de lui montrer notre point de vue.
  • En réponse à la question « Quand le Mouvement Vert sera-t-il vainqueur ? », Sazégara affirme qu’on ne peut préciser la date exacte ; le Mouvement s’approche de la victoire à mesure que l’équilibre du pouvoir passe du régime au peuple. Les stratégies non-violentes, comme la résistance, employées par le peuple y aide grandement.
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lundi 15 mars 2010

Fouad Shams: "Je suis encore en vie pour raconter l’histoire"

Lettre de Fouad Shams après sa libération: "Je suis encore en vie pour raconter l’histoire"
Du blog personnel de Fouad Shams, récemment libéré après trois mois de détention.
Un grand merci à l'infatigable Marthe Neda Gonthier (Twitter) pour la remarquable traduction de ce texte important.

Mercredi 10 mars 2010

Je rêve encore

Quatre-vingt-dix-sept jours à moité éveillé sur les collines d’Evine ne m’ont rien apporté d’autre que des rêves. Les plus beaux enfants du soleil et du vent sont sur les collines d’Evine pendant les derniers jours de froidure d’automne et d’hiver, ces mêmes collines qui sont, depuis des décennies le point de rencontre des amoureux de la liberté. Tout ce qui reste des « portes de la grande civilisation » ce sont les murs d’Evine [note du traducteur : quelques années avant la révolution de 1979, le shah d’Iran prétendait que l’Iran progressait rapidement vers les « portes de la grande civilisation ». Ici, l’auteur utilise ce terme ironiquement, pour nous rappeler que la prison d’Evine a été construite à l’époque du shah]. Oui, depuis des années il y a une fête sur les collines dont les « Parrains » sont les hôtes. J’ai eu la chance de partager cette fête avec beaucoup de monde pendant le second semestre de cette année.

Cette expérience de la prison pendant le second semestre de cette année [calendrier persan] est la meilleure chose qui me soit arrivée. C’est une expérience qui ne se répètera pas. Pour nous, la prison n’était pas aussi restrictive que les gardiens l’auraient espéré. Au contraire, notre génération a tourné la page et la prison est devenue pour nous un lieu de création. Les hôtes de cette fête nous demandaient d’oublier nos idéaux, mais ce n’est pas ce qui est arrivé. Nous rêvions, même en prison. Ils ont essayé de nous limiter par leurs propres méthodes. Bon, ça nous a peut-être un peu contraint. Mais à l’isolement, alors qu’ils pensaient m’avoir tout pris, mes rêves me permettaient de m’envoler par la meurtrière, dans une nuit de pleine lune, comme un papillon.

Quand vous croyez ne rien avoir à perdre, quand vous vous enfoncez dans le silence de la cellule 105 du bloc 209, tout d’un coup, vous entendez Hashem qui siffle pour vous dire qu’il y a encore une flamme qui brûle dans les cœurs. Et vous entendez Moussa tapant sur les murs pour vous dire que vous n’êtes pas seul. Et le bruit que fait « Orange » [un surnom] venant d’une cellule, ce n’est pas seulement une voix, c’est de l’espoir. Dans les rêves, quand le crépuscule tombe, ils chantent soudain « Le Crépuscule ». Quand vous vous pensez seul, que personne n’est avec vous, soudain, Alrahman-ol-Rahim [surnom], vous parle de sa « fleur » qu’il a vu quelques minutes, après des semaines sans aucun contact, il l’a même embrassée. Vous avez envie de pleurer, mais vous souriez à Alrahman-ol-Rahim et vous lui dites de rester fort: ils ne peuvent pas briser les racines de ta fleur.

Vous passez le plus clair de votre temps à écouter une partie d’échecs entre Mahtab et Sogand [deux prisonnières] et les tricheries de Mahtab. Quand je pense à Sogand, à son moral, je deviens triste, je me reproche de lui avoir dit que nous resterions longtemps en prison. Maintenant, je suis dehors, elle y est toujours. Quand je pense à Sogand, je ne pense qu’aux aubes du lendemain, un avenir dans lequel Sogand serait avec nous au nom de la liberté. Rêver veut dire quelque chose quand vous êtes à l’isolement et que le silence règne. Même le son du Coran récité par les frères d’Al-Qaida vous manque. Il n’y a quel le son de vos rêves pour vous donner de la force à l’isolement. Quand Roya [prisonnière] vous dit que tout le monde était dehors non seulement le 16 du mois, mais aussi le 17 et le 18, vous avez envie de hurler de joie.

C’est pourquoi l’isolement m’a manqué au bout de 80 jours. J’étais dans un isolement qui n’avait ni la couleur, ni l’odeur de la solitude, une solitude dans laquelle j’ai trouvé les meilleurs amis de ma vie, des amis dont je ne me souviens pas du visage, mais c’est comme si nous avions vécu 10 ans ensemble.

Mais l’expérience de la cellule, où le simple son d’une voix familière vous remonte le moral, où vous sentez la présence d’un ami que vous n’aviez pas vu depuis deux ans est une expérience précieuse. Taper sur les murs, chanter de la musique Bandari est la plus grande joie des jours qui se traînent. En confidence, rêver, être à demi éveillé 97 jours, ça veut dire que rien n’a plus de goût que le berlingot de lait et les quelques concombres qu’Abbas vous a donnés quelques heures avant sa libération. Ce sont les discussions avec Abbas et les nouvelles sur l’action héroïque de Madjid [Tavakoli], le vrai animateur du mouvement étudiant, qui ont été mes plus grandes sources d’énergie.

Le souvenir de ma visite d’un jour à Kianoush et la chanson immortelle d’Aghassi : « Je vis de ton amour » m’accompagna jusqu’à mon dernier jour de détention. Kianoush m’a appris à résister et il a appris de notre génération comment s’avouer que l’on a changé intérieurement. Et bien sûr le souvenir du plus grand tricheur de l’histoire « Abbas Eslami » dont les histoires étaient aussi longues, belles et divertissantes que les films indiens; bien sûr, elles étaient fausses. Mais les rêves ne prennent leur vraie signification que, lorsqu’au bout de 40 jours, soudain un ami vous aborde pour vous demander : « Monsieur ! Monsieur ! Quelle heure est-il ? » pour essayer de réduire, même un tout petit peu, la pesanteur de la cellule.

Et bien sûr, la nuit, nous chantions notre spectacle « maudissant ceux qui vivent à l’étranger » et le top ten de nos spectacles nocturnes ! Mehrdad m’a appris comment profiter de la vie même dans les pires circonstances pendant ces deux semaines. Oui, je rêve encore. C’est comme si tout n’était que rêve. Ca ne pouvait qu’être un rêve quand nous avons fabriqué des cartes à jouer avec des boîtes de dates et que nous avons joué toute la nuit avec les jeunes d’Al-Qaida. C’était sûrement aussi un rêve ; je me souviens avoir joué au jacquet avec les membres officiels d’Al-Qaida si longtemps qu’ils en ont oublié l’heure des prières. J’ai du rêver que pendant 20 à 25 jours, je me trouvais dans un endroit où le chant communiste « l’Internationale » ne voulait plus sauver le genre humain mais internationaliser la prison elle-même. Des Américains, des Arabes, des Afghans, des Kurdes, des Canadiens et des Sri-Lankais étaient à cinq mètres les uns des autres. Comme si je rêvais : « tout va vien… tout va bien…Le seul qui manquait c’était Lénine en personne »

Ca a réellement dû être un rêve ; sur la route du tribunal, un agent m’a suggéré ironiquement de pousser un bouton pour qu’une belle dame apparaisse ; j’étais assez bête pour regarder le bouton 15 secondes avant de comprendre qu’il se moquait de moi. C’est comme si je rêvais d’être en train de marcher dans ma cellule, revoyant tous les souvenirs de ma vie. J’ai tué tous mes regrets. J’ai dû rêver Heshmat [Tabarzadi]. C’est lui qui s’est tenu à mes côtés, solide comme un roc pendant les jours les plus durs de mon emprisonnement. Il souriait à tout ce qu’il y a de sérieux dans la vie et il m’a invité à une partie d’échecs. C’était comme un rêve quand j’ai vu que la porte de la salle commune du bloc 209 était encore plus populaire que tous les chats de Yahoo ! Tout le monde y laissait des messages à tout le monde.

C’est comme si je rêvais encore ; le gardien vient à moi et me dit : « Fouad, ramasse tes affaires. » Après 97 jours, pour la première fois, j’ai eu les larmes aux yeux quand j’ai quitté l’étreinte d’Heshmat, que je lui ai tourné le dos pour le laisser dans son coin.

C’est comme si je rêvais encore ; je passe les portes de la prison et que soudain, les gens commencent à crier de joie et que je suis dans les bras de mon père. Je rêve encore. Ce n’est qu’un rêve. La prison et ses limites m’ont accordé le don de créativité. J’ai encore des rêves dans lesquels la prison n’est qu’un conte.

Je dois d’abord remercier mes chers parents, semblables au soleil et à la mer. Pendant ces 97 jours, ils m’ont donné la lumière et la pureté. J’aimerais aussi remercier tous mes amis dont je ne ferai pas la liste, elle serait trop longue. Ces amis étaient avec moi, en dépit des murs élevés d’Evine, et ils ne m’ont pas oublié. Et bien sûr, je voudrais remercier tous les médias qui ont couvert les nouvelles me concernant de toutes les manières possibles.

Enfin, j’espère que le jour viendra où les rêves de milliers d’êtres humains, parmi les plus beaux enfants du soleil et du vent, se réaliseront. Ce sont eux qui ont eu raison à la fin, là, sur ces collines d’Evine ; l’hiver est finalement terminé, le printemps fleurira.

Mais jusque là, je continuerai de rêver. Bien que les hôtes de la fête ne voient en Evine qu’un rêve, moi et des millions d’autres pousses vertes la voyons comme une réalité indubitable. Nous rêves deviendront réalité et leurs prisons deviendront un conte.


Texte en anglais et en persan disponible ici

dimanche 14 mars 2010

Lettre de Farzad Kamangar depuis la prison d’Evine

Farzad Kamangar est un enseignant qui a travaillé dans les zones déshéritées du Kurdistan. Il milite pour les droits humains et l’environnement. Il a été arrêté, torturé et condamné à mort lors d’un procès qui a duré moins de trois minutes.
 
11 Mars 2010

Les anges qui rient le lundi 
J’écoutais la berceuse de mon camarade de cellule, il chantait pour ses filles Parya et Zahra. Cette berceuse mélancolique était suivie des sanglots d’un autre camarade de cellule, et moi aussi j’éclatais en sanglots. C’est la deuxième fois qu’il est arrêté. La première fois, il avait été condamné à un an de prison et cette fois il va devoir y rester 10 ans. Toute sa joie et son excitation venaient de la visite prévue de ses enfants lundi.

Le jour de la visite, les enfants, sans s’occuper des gens qui les entouraient, devant les yeux de leurs parents, au milieu des sièges de la salle de visite, sautaient partout et marchaient sur les mains pour montrer à leur père leurs progrès en athlétisme.
 
Le père, fier de ses enfants, souriait. La mère à l’expression innocente, essayait de nier ses peines, sa solitude et ses espoirs. Elle regardait son mari avec joie et l’excitation de ses enfants avec amour.
 
Eloigné du milieu scolaire depuis des mois, je n’arrêtais pas de regarder Parya et Zahra ; j’en parlerai à ma mère. L’un des moments les plus forts gravés dans mon esprit est ce moment que cette famille a passé réunie.
On aurait dit qu’ils étaient dans le vide, dans les cieux, dans un endroit hors du monde, sans environnement. Ils n’avaient que compassion les uns pour les autres. Ils ne faisaient pas attention aux gardes, aux murs, aux autres prisonniers, ils partageaient leurs sourires. J’espère toujours voir Parya et Zahra en dehors de la prison, j’aurais voulu qu’elles restent une demi-heure de plus. Alors qu’elles disaient au revoir, j’ai essayé de ne pas les regarder pour que ce moment spectaculaire de leur réunion soit gravé à jamais dans mon esprit. Ces belles fillettes se moquaient du monde factice qui entourait leur père par chacun de leurs mouvements et de leurs sauts.
 
Le destin d’enfants comme Zahra et Parya, c’est l’histoire de notre époque. Cela fait des années qu’elle s’écrit et, chaque jour, d’autres Zahra et Parya rendent visite à leur père. Ou bien une enfant comme Ava s’assoit près de la table des Haft-Sin (décoration sur une table traditionnelle du nouvel an iranien) et chante à son poisson rouge : « Cette année, papa est en prison ! »
 
J’ai vu Parya et Zahra sur le point de partir, tenant encore la main de leur père. Elles marchaient vers la sortie, le sourire aux lèvres, comme si elles partaient pour la fête foraine.
 
Moi aussi je voulais leur tenir la main et partager leur joie. Avant que le père ne dise au revoir, je détournais les yeux pour ne pas voir ses yeux pleins de larmes. Et là, j’ai vu ma mère, les yeux pleins de larmes se préparant à se séparer de son fils. En embrassant ma mère, j’ai imité Parya et Zahra.
 
Quand Parya et Zahra nous rendaient visite, je ne pouvais plus détourner le regard. Les deux anges me faisaient signe de la main. Ce sont des anges, sauf qu’elles n’ont pas d’ailes.
 
Farzad Kamangar
Prison d’Evine
10 mars 2010

Père du médecin de KAHRIZAK: "Identifiez et poursuivez les assassins de mon fils!"

Interview du père de Ramin Pourandarjani avec Rooz. Ramin Pourandarjani était le médecin du centre de détention de Kahrizak où le régime pratiquait des actes de torture et de barbarie conduisant à plusieurs décès dans les semaines qui ont suivi l'élection du 12 juin 2009.
 
Version anglaise

Identifiez et poursuivez les assassins de mon fils 

La première audience du procès du centre de détention de Kahrizak s’est tenue hier à huis clos tandis que les véritables coupables des crimes sont toujours en poste au gouvernement, dans l’armée et la justice. Les parents de Ramin Pourandarjani, médecin rattaché au centre de détention qui avait examiné certains des détenus assassinés et a lui-même été assassiné mystérieusement, ont dit à Rooz qu’ils exigeaient que les assassins de leur fils soient identifiés et poursuivis.
 
Un procès pour rien!

Le bureau de communication du tribunal militaire a annoncé hier que le procès des accusés des crimes liés au centre de détention de Kahrizak s’est tenu à huis-clos, et aucun détail n’a filtré des noms des accusés.
Le bureau de communication a déclaré: « Les inculpations de tous les accusés dans ce procès, au nombre de 12 leur ont été lues ; les charges qui pèsent contre eux et les accusations leur ont été expliquées par le juge. »
D’après l’annonce du tribunal militaire, Saïd Mortazavi, identifié par la commission d’enquête spéciale du tribunal comme l’accusé principal dans le procès de Kahrizak, n’est pas au nombre des accusés.
 
Les commandants de la police Radan et Ahmadi-Moghaddam sont d’autres fonctionnaires qui sont aux yeux du public, les vrais exécuteurs des crimes commis en cet endroit. Certains détenus libérés de l’horrible lieu de détention, ont témoigné que Radan avait assisté à plusieurs séances de torture et avait joué un rôle direct dans les crimes horribles qui y avaient été commis. Les deux commandants continuent d’occuper leurs postes en république islamique et ne font pas partie des accusés de ce procès.
 
Ambiguïté du rapport du juge d’instruction 
Dans le même temps, le procès de Kahrizak ne comprend pas la plainte de la famille de Ramin Pourandardjani, un docteur mort mystérieusement alors qu’il était affecté à Kahrizak. On a d’abord annoncé qu’il était mort d’une attaque cardiaque  puis d’un suicide. Le bureau du juge a fini par annoncer que le jeune docteur avait été empoisonné.

Le père de Ramin Pourandardjani, Réza Ghole Pourandardjani que la dernière information reçue était le rapport du juge d’instruction qui, aux yeux de la famille Pourandardjani n’est pas claire.
Il a expliqué : « Nous avons porté plainte et exigé que le meurtrier soit identifié et poursuivi et nous suivons notre plainte. »
 
Le père de Ramin Pourandardjani a expliqué : « Le bureau du juge d’instruction a dit que Ramine avait été empoisonné, mais le rapport du juge est très ambigu et nous ne pouvons accepter cette théorie. Il leur faut maintenant expliqué comment il a été empoisonné et par qui ? »

Lire aussi:

Crime contre l’Humanité à KAHRIZAK (I)

Crime contre l’Humanité à KAHRIZAK (II)

En Iran, l’horreur de la prison de Kahrizak percée à jour

Interview de Zahra Rahnavard

Interview de Madame Zahra Rahnavard, l'épouse de Mir Hossein Moussavi avec Kaleme
Date:  jeudi 11 mars 2010
Version persane: Kaleme
Version anglaise: Khordaad88

 Le Docteur Zahra Rahnavard, peintre, sculpteur et professeur à l’université de Téhéran:
  • « J’espère que toutes les prisonnières politiques seront relâchées avant le nouvel an, toutes, des militantes féministes, aux journalistes, aux militantes des droits humains ou des droits des enfants, jusqu’aux anonymes arrêtées lors des manifestations de rue, aux étudiantes qui n’ont fait que réclamer leurs droits. »
  • « Nos cœurs et nos prières sont avec les mères en deuil dont les fleurs se sont fanées. Les mères de Néda, Sohrab, Seyyed Ali, Ashkan, Kianoush, Ramin Ramezanin Aliréza Eftekhari, Mahram Tcheguini et les mères des martyrs innocent comme Nasser Amirnedjad, Iman Namzaï, Kaveh Sabzalipour et ceux dont le nom ne sera jamais connu. Et les mères et les familles dont les proches ont enduré de grandes souffrances après les élections, certains blessés lors des manifestations, d’autres torturés en détention ; certains sont en prison depuis des mois maintenant. »
  • « J’espère que l’année qui vient sera l’année de la liberté, de la démocratie, de la justice et la fin des discriminations,spécialement contre les femmes. »
C’est une bonne idée de commencer l’interview par une question sur les femmes et le mouvement vert. Il y a quelques temps, les féministes ont publié une déclaration se plaignant qu’aucune déclaration ou discussion post-électorales il n’ai été fait mention de leurs exigences. Ces militantes écrivent qu’elles croient que les problèmes des femmes représentent une grosse part de la crise actuelle et que, si l’on ne tente pas de les résoudre, aucune solution ne sera viable dans la durée. C’est pourquoi un groupe de ces militantes a écrit une lettre critique à Karroubi et Moussavi. Qu’en pensez-vous ? Croyez-vous que, depuis les élections, les candidats aient oublié les femmes et leurs problèmes ?

Vraiment, pourquoi nous les femmes devrions nous asseoir et attendre qu’on nous materne ? C’est à nous de faire quelque chose. Nous avons beaucoup à apprendre des grandes figures féminines de l’histoire. Nous avons des milliers d’années sur lesquelles nous pencher. Depuis le jour où, suivant le Coran, l’humanité était une seule nation, ou le temps où, suivant certains théoriciens, les femmes étaient les décisionnaires originales, quand, suivant les découvertes archéologiques, les dieux étaient des déesses et gouvernaient le monde. L’histoire de la civilisation, si nous ne voulons considérer que cette partie, nous dit que les premiers industriels, les tisserands, les potiers et les fermiers (si non les chasseurs) étaient des femmes. Bien sûr, à cette époque les accords n’étaient pas écrits ; ils répartissaient les tâches suivant le physique, l’économique, le religieux et la tradition entre hommes et femmes. On n’a pas prouvé historiquement qu’une société gouvernée uniquement par les femmes ait existé ; mais nous savons au moins qu’il fut un temps où, même si elles n’étaient pas au pinacle de la loi, elles jouaient quand même un rôle prépondérant dans les lois et le gouvernement de la société.

Qu’est-ce qui nous empêche d’apprendre de leurs expériences ? Au troisième millénaire pendant les élections récentes les femmes furent peut-être traitées comme des citoyennes égales, mais, juste après les élections, ce statut leur fut retiré à la vitesse de la lumière. En dépit de ce qui s’est passé, nous continuons à exiger la liberté, la fin des discriminations, de la violence et l’arrêt de la polygamie.

Le Mouvement Vert et celui des droits des femmes sont-ils lies? Si oui, pouvez-vous nous parler de ce lien?

Sur les problèmes les plus généraux, les deux mouvements se recoupent beaucoup. Sur les problèmes plus spécifiques, le mouvement des droits des femmes doit s’élargir et faire remonter ses demandes au somment du Mouvement Vert et même au-delà. En ce qui concerne les droits de bases, l’égalité des sexes, la démocratie et le respect de la loi, les deux mouvements sont en totale harmonie. Mais j’aimerais réaffirmer fermement que dans toute l’histoire, les mouvements politiques réformistes généraux ont prouvé que la lutte des femmes pour l’égalité a besoin de se séparer du mouvement politique généraliste pour la démocratie.
En Iran, on ne peut pas attendre d’un mouvement politique généraliste – dans ce cas, le Mouvement Vert – qu’il élimine l’inégalité et la violence contre les femmes sans l’aide d’un mouvement de femmes bien établi et indépendant. Les défendeurs des droits des femmes doivent lutter férocement pour l’égalité des sexes et lutter contre les lois à deux vitesses sur la valeur de la vie humaine, les décisions des tribunaux, les lois du divorce, la sanction légale de la polygamie, les lois concernant la citoyenneté entre autres.
Les mouvements politiques généralistes des deux siècles passés, la révolution industrielle, la révolution française, la démocratie américaine, la révolution bolchevique, la chute du régime communiste en Russie, n’ont pas vraiment œuvré à la promotion des droits des femmes. Ce n’est que bien après, quand les femmes ont bâti un combat séparé pour elles, qu’elles ont commencé à faire avancer leurs droits légaux.

Quelle est la responsabilité du mouvement vert envers l’égalité des sexes ? 
Le Mouvement Vert doit comprendre qu’aujourd’hui, les femmes sont à l’avant-garde ; elles prennent des initiatives et se sacrifient majestueusement, comme elles l’avaient déjà fait lors de la révolution islamique. Donc, le Mouvement ne devrait pas détourner les yeux des droits des femmes. La plateforme du Mouvement doit être attentive aux problèmes du droit des femmes et l’égalité des sexes doit y être incorporée. Comme Moussavi l’a dit lors d’une interview précédente, nous sommes des amis du mouvement des femmes et cette amitié est de la camaraderie.

Cependant, la réalité c’est que le Mouvement Vert est comme un parapluie pour beaucoup d’autres mouvements sociaux significatifs, par exemple le mouvement des femmes, le syndicalisme, le mouvement étudiant et le mouvement des enseignants. Les slogans généraux du Mouvement Vert sont la liberté, l’égalité, le respect de la loi et la démocratie. S’il penche trop en faveur d’un des mouvements qu’il abrite ou d’un autre le ferait paraître partial. Comme je l’ai déjà dit, le mouvement des femmes qui est soutenu par le Mouvement Vert, doit être actif et également imposer un programme indépendant du Mouvement Vert.
Dans le même temps, le Mouvement Vert devrait, dans ses déclarations et ses points de vue, reconnaître l’importance de chacun des mouvements qu’il abrite et exiger l’amélioration de l’environnement politique et insister sur un gouvernement qui répondrait aux désirs de chacun des mouvements qu’il abrite, sans apparaître partial.
Dans cette situation, quel est le rôle du gouvernement ? 
J’ai dit à de multiples reprises que ce gouvernement est illégitime. Mais, comme il a été établi comme étant officiel et qu’il se reconnaît lui-même comme officiel, il devrait faire face aux responsabilités qui lui incombent et non détruire les familles, condamner des femmes et des enfants à la misères en ne prenant pas leurs exigences en compte, en les réprimant, en proposant des lois anti-femmes du nom de la protection de la famille alors qu’elles ne satisfont que les hédonistes. S’ils prétendent être un gouvernement, ils devraient retirer immédiatement les lois anti-femmes, désigner des commissions pour restaurer les droits des femmes et s’inspirer par les idéaux du mouvement des femmes en interaction avec le législatif et le judiciaire. Mais ce gouvernement est bien incapable d’agir ainsi.

Au lendemain de la 10ème élection présidentielle, un groupe de députés et leurs supporteurs ont décidé de voter la soi-disant loi de protection de la famille et ce, alors qu’on répond à la plus petite manifestation d’étudiants, d’enseignants, d’ouvriers ou de journalistes contre la violation des droits des citoyens avec des menaces, des arrestations et des procès injustes. Pourquoi tant de hâte à faire voter une législation qui légaliserait la polygamie et serait plus rétrograde que celle votée il y a 35 ans ?

Je suis perplexe. D’un côté ils essaient de tirer avantage de la situation en avançant leur ordre du jour contre la volonté des femmes éprises de liberté de ce pays. Ils pensent que le Mouvement Vert ne fait pas attention aux problèmes des femmes et qu’ils peuvent donc profiter de l’occasion pour mettre en œuvre leurs exigences rétrogrades. Pour eux, il s’agit bien sûr d’une occasion, mais ce n’est pas la raison de leurs actions, alors, quelle en est la raison ? Ce gouvernement a un esprit rétrograde qui cherche la violence. Ils sont liés à des groupes de pression répressifs qui se sont imposés dans certaines couches de la société islamique, qui ont commis des meurtres en série, qui en ont accusé et menacé d’autres, qui ont physiquement attaqué les opposants lors de réunions publiques pour pouvoir créer une société fermée. Aujourd’hui, ces groupes sont au pouvoir et ont l’autorité d’imposer et de mettre en œuvre leurs points de vue. Mais, même s’ils y arrivent temporairement, ils perdront sur le long terme. Ils devraient savoir qu’on ne peut pas toujours présenter des points de vue rétrogrades au nom de l’Islam. L’islam est une religion progressiste qui peut interagir avec le monde moderne et les idées nouvelles et son idjtihad [1] permettent « l’innovation » dans un contexte contemporain. En fait, je pense que le parlement est soumis à la pression du gouvernement pour voter ces législations anti-femmes.

Lors d’une interview, vous avez déclaré que vous ne reconnaissiez pas le gouvernement et que vous ne feriez pas de compromis avec lui. Cette interview a été largement diffusée et est devenu le sujet du jour. Quelles raisons discernez-vous derrière une telle attention portée à vos mots ?

A ce moment là, il y avait des rumeurs prétendant que les dirigeants du Mouvement Vert négociaient, chacun de leur côté avec le gouvernement. C’était bien sûr une interprétation fausse. De telles rumeurs ont été propagées par les journaux des conservateurs de droite. Ils faisaient grand cas de rumeurs sans fondement pour briser le moral de la population. Ils glorifiaient la nouvelle selon laquelle le Mouvement Vert aurait eu peur, qu’il aurait perdu et aurait regretté les actions accomplies. En tant que membre du Mouvement Vert, aux côtés du peuple, j’ai déclaré ce qu’il pensait, je n’ai rien dit de neuf. Je n’ai fait que porter la parole du peuple qui avait refusé la retraite. C’est ce peuple qui guide les dirigeants du Mouvement Vert vers la liberté et la démocratie.

Comment voyez-vous le futur du Mouvement Vert ?

Si une nation veut changer sa destinée, elle gagnera, c’est sûr. C’est le message d’espoir du grand Coran. Si vous servez Dieu, Dieu vous aidera et affermira vos pas. C’est la promesse du tout-puissant. Si nos pas sont affermis, nous gagnerons certainement et nous pourrons jouir d’une nouvelle vie en incarnant nos pensées.

Certains sont inquiets des violences qui pourraient survenir lors des célébrations du dernier mercredi de l’année. Quelle solution préconisez-vous pour arrêter la violence ? 

Ces célébrations font partie des anciens rites nationaux des Iraniens. C’est un jour de joie, un jour où les gens sourient et enlèvent la tristesse de leurs visages. C’est l’époque où la nature s’épanouit en un printemps de fleurs colorées. Grâce aux célébrations du Norouz, le premier jour du printemps et au bon esprit qui règne en ce jour, à son don de liberté, le Mouvement Vert sera certainement heureux et fier. Le Mouvement Vert, c’est la compassion, la résistance et le calme. Nous devrions commémorer le souvenir de gens comme Néda, Sohrab et les autres martyrs. Nous ne devrions pas commettre de violence, nous devrions aimer tous les gens, qu’ils soient verts ou d’une autre couleur. Nous disons aux militaires que nous les aimons aussi. Soyez nos frères et offrez des fleurs au peuple au lieu de matraques et de balles. Si violence il y a, ce sera celle du gouvernement.

Durant les 9 derniers mois, vous avez été attaquée à plusieurs reprises. Quelquefois, les attaques étaient physiques comme celle de la « Journée de l’Etudiant » ou le jour anniversaire de la révolution. D’autres fois, ces attaques prenaient la forme de calomnies et d’accusations de la part des médias liés au gouvernement. L’un des chefs de l’opposition au Mouvement Vert est allé jusqu’à vous traiter de sioniste et de supportrice de la minorité bahaï qui aurait dissimulé ses idées au peuple. Pourquoi toute cette violence à votre encontre ?

Il savent très bien ce dont nos femmes sont capables dans leurs travaux scientifiques et d’encadrement. Ils connaissent également mon implication et ma passion pour le Mouvement Vert et le rôle que j’y joue. M’emprisonner ne leur servirait à rien pour l’instant ; ils ont donc décidé à la place de me tourmenter dans la rue et dans les médias. Quelles illusions ! Notre peuple n’a pas oublié les trente livres que j’ai écrits et qui démontrent clairement mes principes et ce en quoi je crois. Ce que je peux faire m’a été accordé par Dieu. Suivant le Coran, je leur dirais simplement de ne pas se battre les dons de Dieu, car c’est sa volonté.
Ils n’ont pas pu m’étouffer par la malédiction de leurs mensonges et leurs diffamations car le Mouvement Vert me procure l’oxygène dont j’ai besoin pour continuer vivement et allègrement.

Dans l’une des attaques dans les médias, l’opposition au Mouvement Vert avait dit que Moussavi aurait dû nommer Zahra Rahnavard chef de cabinet. Est-ce une attaque contre vous ou une louange adressée à une femme ? 

Ceux qui ont fait circuler ces rumeurs et qui sont situés politiquement à droite, n’ont jamais ressenti la joie d’être un(e) intellectuel(le) et un(e) artiste à la recherche de la liberté de sa nation. Ils sauraient autrement que s’ils nous donnaient à nous, les intellectuels, tout ce qui peut exister sous le soleil, y compris le pouvoir, nous leur renverrions promptement, car il nous suffit pour être heureux (ses) de travailler avec notre esprit, notre art et d’enseigner à des étudiants merveilleux. J’ai néanmoins décidé de militer pendant la campagne électorale pour soutenir notre constitution ignorée, les libertés et la démocratie, et je continuerai dans le futur. Peut-être, comme vous le soulignez, ces déclarations comiques de l’opposition au Mouvement Vert louent-elles la femme plus qu’elles ne la condamnent. Je vais juste leur dire que je ne suis qu’une femme parmi tant d’autres que compte du Mouvement Vert, toutes plus capables que moi. Qu’en ferez-vous ?

Madame Rahnavard, on vous connaît mieux en tant qu’artiste plasticienne. L’une de vos œuvres les plus célèbres est la « Sculpture de la Mère » sur la place de la Mère de Téhéran, l’une des sculptures les plus célèbres des 2 premières décennies de la république islamique. Certains de vos opposants ont placé des cordes autour du cou de la sculpture. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Les artistes ressentent leurs œuvres comme aussi proches d’eux que leur propre corps. Cela vient du cœur L’artiste met tout son amour dans son art qui raconte toutes les histoires qu’il/elle a tues, toutes ses larmes, ses secrets, ses aspirations et ses rêves. Mais quand les forces extrémistes ôtent la vie des gens uniquement parce qu’ils cherchent la liberté, que ce soit en les exécutant, en les battant brutalement ou par d’autres moyens, à quoi peut-on s’attendre de leur part pour une statue de bronze ? Comment comprendraient-ils ce que cette statue représente ? Comment comprendraient-ils la maternité et l’art ? Vous avez vu la réaction formidable du peuple qui a dit que s’ils abattaient la statue il amènerait Rahnavard en personne et la poserait sur le socle. Je suis inquiète pour tout mon art. Les peintures et les sculptures peuvent être facilement sujettes à un tel vandalisme. J’espère que Dieu nous sauvera des leurs inventions.

Qu’est-ce qui a dérangé le Mouvement Vert récemment et quels sont vos espoirs pour le futur ?

La révolution islamique, en dépit de sa grandeur et de sa gloire, a été un projet qui n’a pas été amené à son terme ; ses buts et ses idéaux auraient dû être menés à bien par la république islamique, mais cela ne s’est pas fait. C’est pourquoi le Mouvement Vert s’occupe de problèmes comme la liberté, la démocratie, le droit des femmes et le respect de la loi.
Pour répondre à votre question sur les malheurs du Mouvement Vert, ne me demandez pas la liste des doléances et des souffrances que le mouvement a supporté, il faudrait des océans d’encre pour tout écrire. Je ne veux pas faire de comparaisons mais, emprisonner les intellectuels, couper les mains, construire des minarets de têtes et des tas de corps, tout ceci c’est du déjà vu dans l’histoire des dictatures. J’espère que ceux qui nous gouvernent actuellement apprendront de ces exemples remarquables et épargneront à notre république aimée un sort si abominable et amer.
Donc, que devraient-ils faire ? Qu’attendons-nous ? Comment nous satisfaire ? Ce qui est important, c’est de faire ce qu’il faut, pas qui le fait. Nous attendons donc du régime la liberté pour la presse et les médias, les journalistes, les femmes, les hommes, les jeunes et les vieux. Nous voulons qu’ils offrent des fleurs aux militaires qui, à leur tour les offriront au peuple pour faire pardonner leurs actes. Nous voulons qu’ils libèrent les prisonniers pour que, au lieu de détenir des amoureux de la liberté, les prisons soient plantées de fleurs, soient transformées en jardins. On les transformeraient en centres culturels, en laboratoires de recherche scientifique, tous les efforts possibles doivent être faits pour développer nos industries et l’agriculture pour que notre jeunesse ait moins de problème d’emploi, de mariage et d’éducation. Au niveau international, nous voulons une politique bien pensée et amicale, alignée sur nos intérêts nationaux. Nous voulons que l’on accède aux exigences des femmes, des ouvriers, des enseignants et des artistes. Tout ceci et bien plus encore peut être atteint par une saine administration. Parmi tous ces mouvements, le Mouvement Vert a une sympathie particulière pour le mouvement des femmes. Le Mouvement Vert exige la libération de tous les prisonniers, particulièrement des femmes dont les époux, les mères et les enfants attendent impatiemment la libération rapide ces jours-ci [2]

[1] Un terme technique de la loi islamique décrivant le processus d’élaboration d’une décision légale par une interprétation indépendante des sources légales
[2] Proches de Norouz – le nouvel an iranien